CROI 2012 : où l’on démontre que l’accès aux traitements réduit l’épidémie

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Chiffresaccès aux traitementsCroi 2012

Le jeudi, c’est épidémiologie. Dans une passionnante session de la CROI, des équipes du Nord et du Sud ont présenté des mesures d’impact de l’accès au traitement sur les nouvelles infections. Encourageant pour des essais importants qui visent à évaluer les stratégies de "test and treat" - dépister et traiter.

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Au KwaZulu-Natal, l’accès au traitement réduit l’épidémie
C’est une région rurale d'Afrique du Sud très fortement touchée par l'épidémie, avec une prévalence de plus de 20% (sur 100 personnes de la population, 20 sont séropositives). Mais qui s’est doté d’un système de recueil de données qui permet d’estimer l’évolution de l’incidence du VIH (le nombre de nouvelles infections annuelles) et le nombre de personnes séropositives qui ont accès au traitement antirétroviral depuis plusieurs années. Ce qui a permis, à l’équipe de Frank Tanser (Université du KwaZulu-Natal), de relier le pourcentage de personnes qui a accès au traitement, à la baisse des nouvelles infections à VIH (incidence) dans la région.


Avec un accès supérieur à 30%, il démontre une baisse de l’incidence de 27%. Ces données sont importantes : ce sont parmi les premières à démontrer dans la vraie vie l’impact de l’élargissement de l’accès au traitement sur l’épidémie.


L’accès au traitement aux Etats-Unis
Trois présentations ont ensuite discuté des nouvelles informations concernant l’accès au traitement aux Etats-Unis. Un premier groupe a évalué l’évolution de l’espérance de vie des patients séropositifs qui ont commencé un traitement entre 1996 et 2007. Celle-ci s’est bien évidemment accrue.


Cependant l’équipe a mis en évidence, que dans le contexte américain, les usagers de drogue par voie intraveineuse et les Noirs sont les groupes chez qui l’espérance de vie a le moins augmenté. De même, les personnes qui ont commencé un traitement à un seuil inférieur à 100 CD4/mm3 ont une augmentation de l’espérance de vie plus faible. En 2007, avant l’arrivée des nouveaux traitements de l’échec thérapeutique, un américain séropositif a une espérance de vie de 70 ans environ.


De graves disparités entre populations aux Etats-Unis
La deuxième équipe a, elle, estimé que moins de la moitié des personnes séropositives diagnostiquées bénéficiait d’un suivi médical. Elle a aussi mis en évidence de grandes disparités en fonction de l’origine ethnique et du genre. La ville de San Francisco a décidé en 2010 de proposer un traitement antirétroviral à toute nouvelle personne diagnostiquée séropositive. Et ce quelque soit son taux de CD4.


La troisième équipe a montré que ces nouvelles recommandations sont moins bien appliquées parmi les Noirs, les jeunes et les plus pauvres. Les avancées thérapeutiques devraient bénéficier à tous les groupes, avertit Hong-Ha Truong. L’écart se creuse et c’est choquant !


PopART
Ces résultats sont encourageants pour deux essais important des stratégies de test en treat, qui figuraient sur de nombreuses présentations. Le premier, PopART, est doté d’un budget de pas moins de 37 millions de dollars ! Il est dirigé par Richard Hayes (London School) et vise à évaluer des stratégies innovantes de prévention combinée en Afrique. HPTN 071 (c'est son numéro) est notamment financé par l'Institut américain des allergies et des maladies infectieuses et la Fondation Gates.


Plus d'un million de personnes (réparties en 24 communautés) pourront y participer en Zambie et en Afrique du Sud à partir de 2012. Il y aura trois bras : huit communautés recevront l'intervention PopART complète (proposition de dépistage en porte-porte à l'échelle de la communauté, puis proposition de circoncision aux hommes séronégatifs, et proposition de débuter les ARV aux personnes séropositives) ; huit autres recevront les interventions PopArt sauf le traitement qui sera donné selon les recommandations nationales ; huit enfin recevront le standard actuel de soin. 60 000 adultes seront suivis pendant 2 ans pour mesurer l'impact sur l'incidence.


PopART succède à HPTN 052 et au Projet Accept (HPTN 043), qui avait montré qu'une mobilisation des communautés et un programme mobile de dépistage et de counseling mobile pouvaient améliorer les taux de dépistage dans les communautés rurales.


ANRS-Tasp
De son côté, l’Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales (ANRS) poursuit le lancement de la phase pilote (à 3 millions d'euros) de son essai ANRS-Tasp, qui évaluera l'acceptabilité et la faisabilité du test and treat. Cette phase doit concerner 15% de la population totale de l'essai. Qui inclura 40 000 personnes au total au KwaZulu Natal. Si cette phase est concluante, l'essai se poursuivra jusqu'en 2015. Sous réserve d'obtenir les financements internationaux complémentaires.


ANRS-Tasp proposera un dépistage du VIH systématique. Deux groupes de personnes seront ensuite constitués aléatoirement en fonction de leur village. Ce modèle d’essais "en clusters" ("en grappes") devenant de plus en plus à la mode dans la recherche. Au point d’être un des points forts choisi pour les sessions techniques de lundi dernier. Au lieu de répartir des personnes comme individus (randomisation individuelle), on répartit des groupes de personnes (clusters), ici des villages.


Dans le premier groupe de villages, toutes les personnes séropositives se verront proposer une mise sous traitement immédiate ; dans le second groupe, les personnes recevront le traitement selon les recommandations sud-africaines. Toutes les personnes recevront une large gamme de moyens de prévention. Les chercheurs sont François Dabis (Université Bordeaux II) et Marie-Louise Newell (Université du KwaZulu Natal), tandis que Bernard Hirschel (le fameux artisan de l’avis suisse de 2008) préside le conseil scientifique de l'essai.
Un volet économique est également prévu dans cet essai ; les résultats devraient  démontrer de façon très rigoureuse  le coût-efficacité du TasP, ce qui est indispensable pour convaincre les pays riches et l’OMS de mettre fin à la pandémie.