Dépistages du VIH à domicile en Afrique du Sud : une stratégie bien acceptée

Publié par jfl-seronet le 06.08.2014
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Initiativedépistage à domicile

Les premiers résultats de la première phase de l’essai ANRS 12249 TasP montrent "qu’une proposition répétée de dépistage du VIH à domicile est bien acceptée par une population rurale d’Afrique du Sud", indique un communiqué (23 juillet ) de l’ANRS et de l’INSERM. Le défi demeure d’amener les personnes infectées vers les structures de soins pour une prise en charge de l’infection, note néanmoins le communiqué. Ces résultats ont été présentés à Melbourne. Explications.

La mise sous trithérapie antirétrovirale dès le diagnostic de séropositivité permet-elle de diminuer la transmission du VIH dans la population et par conséquent l’acquisition de nouvelles infections ? C’est une question cruciale pour lutter efficacement contre le VIH, juge l’Agence nationale de recherche sur le VIH et les hépatites virales (ANRS). Lancé début 2012, l’essai ANRS 12249 TasP (Treatment as Prevention) est l’un des quatre essais randomisés internationaux visant à évaluer l’efficacité de la stratégie TasP au sein d’une large population, rappelle un communiqué de l’agence. Cet essai est conduit en Afrique du Sud dans la province du KwaZulu-Natal, une des régions présentant l’une des plus fortes prévalences du VIH au monde et la plus élevée de toute l’Afrique du Sud (16,9 % en 2012 d’après la toute dernière enquête nationale en population générale).

Deux groupes comparés

"Dans cet essai, 22 zones géographiques ("clusters") d’environ 1 000 habitants chacune ont été définies. Les "clusters" sont répartis de façon aléatoire en deux groupes (un groupe intervention et un groupe contrôle composé chacun de onze "clusters"). L’intervention testée consiste tout d’abord à proposer systématiquement aux habitants, de façon répétée (tous les six mois) et à leur domicile, un dépistage rapide du VIH", explique l’ANRS.

"Au sein du groupe intervention, les personnes identifiées comme séropositives se voient proposer une mise sous antirétroviraux immédiate, quel que soit leur niveau de lymphocytes CD4. Dans le groupe de comparaison, la mise sous traitement est conseillée selon les indications actuellement recommandées par le Département sud-africain de la Santé. Des cliniques mobiles ont été implantées dans chaque cluster pour faciliter l’accès aux soins".

Les premiers résultats

Des résultats ont été présentés à la conférence de Melbourne. Ils portent sur la phase pilote de l’essai qui a été réalisé dans 10 clusters et a concerné plus de 12 000 personnes âgées de plus de 16 ans, suivies entre 1 an et 18 mois. Le statut sérologique a pu être établi sur près de 9 000 personnes, soit parce qu’elles déclaraient qu’elles étaient séropositives, soit parce qu’elles acceptaient le test de dépistage rapide. Les premiers résultats sont les suivants… Tout d’abord, le "dépistage à domicile est bien accepté puisque le statut VIH a pu être identifié pour 82 % des personnes contactées. Parmi les personnes testées séronégatives au premier contact à domicile, 85 % ont accepté un second test VIH lors de la seconde visite à domicile. La prévalence de l’infection par le VIH est bien plus importante que celle estimée initialement : 31 %". Par ailleurs, "environ 25 % des 2 570 personnes identifiées séropositives l’ont appris grâce à l’étude", note le communiqué de l’ANRS. "En ce qui concerne les personnes identifiées séropositives et qui n’étaient pas prises en charge dans une filière de soins lors du passage à domicile, seules 48 % se sont présentées en clinique dans les six mois (63 % dans l’année). Dans le groupe intervention, 80 % des personnes ayant un taux de CD4 supérieurs à 350 cellules/mm3 recevaient un traitement".

La première étape de la démarche TasP validée

"Ces premiers résultats sont très importants, indique le professeur François Dabis (Institut de Santé Publique, Epidémiologie et Développement, Inserm U897, Bordeaux), un des co-investigateurs de l’essai, cité dans le communiqué, car ils valident la première étape de la démarche TasP qui vise à tester et traiter l’ensemble d’une population adulte afin d’enrayer la transmission. Le dépistage rapide à domicile est très bien accepté et nous n’avons observé aucun frein majeur susceptible de remettre en question l’intervention. Nous constatons simplement que les personnes nouvellement diagnostiquées séropositives ont besoin de temps pour entrer dans une démarche de soins, notamment quand elles se sentent en bonne santé. Cependant, une fois dans le système de soins, la prise d’antirétroviraux est bénéfique. Nous améliorons notre stratégie afin d’encourager l’entrée et le maintien dans les structures de soins de tous les participants de l’essai. La validation de la première phase de cet essai est une étape essentielle", explique le Pr Jean-François Delfraissy, directeur de l’ANRS. "Nous pouvons donc continuer l’essai". L’essai est entré dans sa seconde phase en juin 2014. Les premiers résultats en termes d'efficacité du TasP sur la réduction attendue de l’incidence du VIH en population devraient être connus fin 2016, indique l’Agence.