Dépister et traiter : j’y "Croi" encore !

Publié par Mathieu Brancourt et Bruno Spire le 07.03.2019
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ConférencesMathieu Brancourt et Bruno Spire

Au-delà des champs d’exploration et de découvertes encore à leur avantage à la Croi, les fondamentaux ne sont pas oubliés, et gardent une place de choix dans le programme à Seattle. Les confirmations de l’intérêt de la Prep comme celui du traitement, contre l’épidémie mais aussi pour la qualité de vie des personnes, résonnent comme les deux facettes d’une même pièce pour remporter le pari de la fin du sida. La fusée est lancée !

Il était une fois U = U

Avant 2008, on avait pu entrevoir de façon rétrospective l’absence de transmission au sein de couples sérodifférents. Mais cela ne garantissait pas scientifiquement un risque nul sans études prospectives. L’avis suisse a voulu lever les peurs de transmission au sein de couples sérodifférents, afin qu’ils aient une vie sexuelle normale. L’avis disait qu’on ne pouvait écarter le risque d’une contamination vu les données de l’époque, mais que l’on pouvait se permettre de considérer le risque comme « négligeable », exactement comme en 1986, lorsqu’on a pu affirmer que le baiser ne transmettait pas le virus. Il est toujours difficile en science de prouver une absence totale de risque. Mais les preuves se sont accumulées. L’essai HTPN 052 a confirmé, en 2011, l’absence de transmission dans les couples dans un essai randomisé. Certains doutaient ensuite de l’extrapolation de résultats chez les couples gays. L’étude prospective Partners a pu ensuite montrer également l’absence de risque chez ces derniers. En regroupant toutes les données des études, on estime aujourd’hui le risque à « quasi zéro » avec une très faible marge d’incertitude. Affirmer qu’il n’y a pas de risque, c’est un conte de fée qui a pris onze ans pour se métamorphoser en réalité. Sans pour autant mettre fin à l’histoire.

Il a fallu lancer une campagne pour convaincre la communauté de l’absence de risque, avec au départ une mobilisation des personnes vivant avec le VIH conscientes de l’enjeu de réduire la stigmatisation. U=U est une question de droits humains, mais aussi de réussite de l’objectif de fin de l’épidémie. La campagne a été lancée en 2016, soit sept ans après l’avis suisse et relayée dans 97 pays. Des institutions américaines et d’autres pays ont fini par reprendre le slogan et soutenu la campagne. Des journaux médicaux comme The Lancet, le Jama ont relayé le message pour que les cliniciens s’en saisissent et abordent la question avec leurs patients.

U=U est une révolution en transformant les vies des personnes vivant avec le VIH, en encourageant le dépistage et le traitement qui revêt un intérêt en termes de qualité de vie et en faisant reculer le stigma. Il est donc nécessaire que les recommandations de prise en charge prennent en compte U=U dans les pays. Il est important que U = U puisse faire changer les lois des pays qui pénalisent le risque d’exposition au virus.  Il est aussi important de ne pas juger les personnes séropositives qui ne réussissent pas à obtenir une charge virale indétectable, mais de se focaliser sur les raisons sociétales de ces échecs virologiques. En attendant, la communication se doit d’être claire : ne pas dire risque presque nul, mais affirmer que c’est nul pour ne pas semer de la confusion et faire de ce message un tremplin vers la fin des contaminations.

U=U, c’est pour l’individu, mais à l’échelle de la population, on parle de Tasp ou traitement comme prévention, avec l’idée de faire baisser les nouvelles contaminations à l’échelle d’un territoire ou d’un pays. C’est une des bases du 90-90-90 (À l’horizon 2020, 90 % des personnes vivant avec le VIH connaissent leur statut sérologique, 90 % de toutes les personnes infectées par le VIH dépistées reçoivent un traitement antirétroviral durable et 90 % des personnes recevant un traitement antirétroviral ont une charge virale durablement supprimée) de l’Onusida. Il existe aujourd’hui des données qui montrent que le Tasp fonctionne à l’échelle populationnelle. Certaines études ont démontré l’effet du Tasp comme l’essai PopArt, en montrant une baisse de l’incidence dans les zones qui avaient un programme de dépistage et de mise sous traitement. Pour que cela marche, il faut une bonne orientation vers le soin après dépistage. Dans les épidémies concentrées des pays développés, des études se sont intéressées à l’impact du Tasp dans les groupes les plus touchés, comme chez les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes. En Australie, le dépistage a été considérablement renforcé entre 2012 et 2015 avec des traitements plus précoces pour les personnes dépistées positives : mais cela n’a pas conduit à une baisse de nouveaux diagnostics par le seul Tasp. C’est seulement après 2016 et l’arrivée de la Prep qu’on a observé une forte baisse du nombre de nouvelles découvertes d’infections à VIH. Au Royaume-Uni, on a observé une hausse du nombre de dépistages associée à une baisse de découvertes de tests positifs avec une plus forte proportion de personnes dépistées et traitées très tôt après l’infection. La Prep a par-dessus rajouté un effet pour réduire les nouvelles contaminations. Le Tasp est nécessaire, mais doit être combiné avec la Prep pour maximiser les chances de faire baisser l’épidémie.

Des anticorps neutralisants pour la Prep dans le futur

Deux anticorps monoclonaux à haut pouvoir neutralisant ont été identifiés par des chercheurs-euses. Ces derniers-es ont réussi à les synthétiser pour s’en servir pour prémunir d’une infection à VIH. Les premières études avaient déjà montré une protection contre l’infection à VIH par un test chez le singe, par voie rectale ou vaginale. L’étude présentée ici montre qu’une seule injection de ces anticorps apporte une protection efficace également sur le pénis du singe, pendant plusieurs semaines. Cette protection semble également performante en cas de contamination par voie intraveineuse. Une piste à développer mais prometteuse pour une Prep en long acting, sans molécule antirétrovirale.

Une capsule pour la Prep

L’idée ici est d’expérimenter des capsules vaginales ou rectales (en gros, un suppositoire ou un ovule) pour une Prep en application locale. Ces capsules doivent être discrètes et faciles à utiliser. L’étude a utilisé du TAF (le nouveau ténofovir) combiné avec un inhibiteur de l’intégrase, l’elvitégravir, sur le singe. Plusieurs types de doses ont été évalués pour rechercher la dose efficace dans le plasma et dans les tissus, ici seulement en insertion vaginale. On retrouve peu de médicament actif dans le sang (concentration) mais les médicaments sont détectés dans les tissus quatre heures après l’insertion de la capsule. Celle-ci a montré une efficacité de 92 % contre l’infection quand les animaux ont été exposés au virus, par voie vaginale, avec la dose de 20 mg pour le TAF et 16 mg pour l’elvitégravir. Les études cliniques vont devoir commencer chez l’humain.

L’essai Discover : la Prep avec le TAF/FTC

Cet essai avait pour but de comparer le pouvoir protecteur du TAF/FTC (ténofovir alafénamide et emtricitabine) versus Truvada (TDF/FTC) chez des hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes et des femmes trans, à haut risque d’infection.  Il a fallu inclure 5 387 participants-es. On a constaté 22 infections, 7 dans le groupe prenant TAF/FTC, 15 dans le bras Truvada, ce qui a permis de conclure à la non-infériorité du TAF/FTC, mais pas de conclure à sa supériorité. La majorité des infections est survenue chez des personnes qui n’avaient pas de médicament détectable dans le sang, donc qui n’étaient pas suffisamment observantes à la Prep. Parmi les personnes infectées, 4 ont développé des virus résistants dans le groupe prenant Truvada. Il n’y a pas eu de différence quant aux effets indésirables, ni aux IST observées. Pas non plus de changements dans la densité osseuse dans le groupe prenant Truvada, et la variation reste faible. Il y a eu 6 arrêts pour problèmes rénaux dans le groupe prenant Truvada et juste 1 seul dans le TAF/FTC. Discover permet de confirmer l’efficacité du TAF également en usage préventif. Ce dernier pourrait aussi représenter une option pour les personnes souhaitant utiliser la Prep, mais ne le pouvant pas (pour l’instant) pour des problèmes rénaux ou osseux.

Trouver des futurs prepeurs grâce aux dossiers médicaux ?

Un outil pour identifier les personnes qui ont besoin de Prep, à partir des dossiers médicaux informatisés, c’est possible ! Un modèle statistique a été utilisé afin de mieux prédire qui aurait besoin de la Prep, au-delà du simple fait d’être un homme ayant des relations sexuelles avec un autre homme et d’avoir eu une ou plusieurs IST.  À partir des dossiers médicaux informatisés, cet outil a pu classer des personnes en quatre catégories de risque, en prenant en compte 44 caractéristiques différentes : socio-démographiques, tests précédents, utilisation de médicaments, diagnostic d’IST, utilisation de préservatif, etc.  Ce modèle se montre plus performant (39 % de sensibilité contre 27 %) dans sa faculté a détecté de potentiels candidats à la Prep que les seuls critères d’être un homme ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes ou d’avoir eu une IST. La machine au service de l’humain, une piste concrète pour un accès plus large à la Prep.

Le maintien dans la Prep aux États-Unis

Seules 10 % des personnes ayant besoin de la Prep la prennent effectivement. Mais au-delà de son utilisation potentielle, il faut aussi que les personnes continuent à la prendre dans la durée et restent dans les dispositifs de Prep. Une étude américaine a mesuré le maintien dans la Prep chez 7 250 prepeurs ayant une assurance-santé et de 250 prepeurs inscrits dans le système de couverture maladie d’État (Medicaid). La durée moyenne de prise de Prep est de 14,5 mois pour ceux qui sont assurés dans le privé et de 7,6 mois pour ceux étant dans le système d’aide publique. Le maintien reste encore plus court chez les femmes et les plus jeunes, chez les Noirs ou les personnes vivant en zones rurales. L’étude n’a cependant pas pu étudier les raisons du non-maintien, notamment si les personnes étaient toujours exposées à des risques. Mais ces chiffres indiquent que les facteurs sociaux impactent concrètement l’utilisation ou non des outils préventif au long cours.

Impact de la Prep sur le risque de résistances à New-York

Le nombre de prepeurs a été multiplié par dix à New-York, entre 2016 et 2018. La question des résistances liées à un usage de la Prep alors qu’il y a eu contamination préalable se pose de plus en plus. Cette question provient surtout de la prescription de Prep chez des personnes en primo-infection et dont les tests VIH ressortent encore négatifs. Une étude a recueilli les données de résistances chez les personnes vivant avec le VIH infectées depuis moins d’un an, pour voir s’il y avait plus de résistances chez ceux qui avaient avait pris de la Prep. Seuls 2 % des personnes diagnostiquées depuis moins d’un an avaient pris de la Prep. Il y avait plus de mutations spécifiques à la résistance au FTC (emtricitabine) chez celles qui avaient pris de la Prep (29 % versus 2 %) mais pas de différence pour le ténofovir, autre molécule du Truvada. Sachant qu’il ne faut pas négliger un potentiel biais ; en l’espèce, le fait que les tests de résistances par génotypes sont plus souvent réalisés chez les personnes ayant pris de la Prep.

Incidence de la syphilis chez les femmes aux États-Unis

La syphilis est en hausse parmi elles depuis 2013. L’étude recherchait les facteurs associés à un test positif de nouvelle syphilis chez les femmes vivant avec le VIH, à partir de données rétrospectives recueillies auprès des médecins et de patientes qui remplissaient un questionnaire. L’usage de drogue, le fait d’être Noire, la co-infection avec le VHC, le fait d’être arrivée dans le soin plus récemment sont des facteurs notables d’un risque accru de syphilis. La précarité explique probablement le recours au sexe transactionnel (prostitution) chez certaines de ces femmes et le sur-risque de syphilis qui nécessite une surveillance accrue lors de leur suivi, avec une proposition régulière de test de dépistage de la syphilis.

Un nouvel appareil contraceptif intra-utérin

Les contraceptifs retard sont sous-utilisés parmi les femmes vivant avec le VIH. Les méthodes d’implants progestatifs sont contre-indiquées avec l’éfavirenz (Sustiva), traitement ARV de référence dans les pays en développement. Un nouvel appareil à base de cuivre a été expérimenté en Afrique du Sud et comparé avec les dispositifs progestatifs, pour déterminer si la charge virale vaginale restait bien indétectable, malgré les hormones. Il n’y a pas eu de différence de virémie, mais quelques femmes ont arrêté le dispositif à base de cuivre pour des raisons d’intolérance.

Implant contraceptif

Le doublement de dose d’un implant contraceptif toujours insuffisant pour une contraception efficace chez les femmes séropositives sous éfavirenz. Le Levonorgestrel, un implant hormonal qui dure cinq ans, rencontrait un problème majeur de concentration en présence d’antirétrovial. L’éfavirenz (Sustiva) diminuait, en effet, de moitié les concentrations hormonales de l’implant, ce qui pose problème pour les femmes séropositives traitées avec ce médicament. Une étude conduite en Ouganda a pu montrer que malgré un nouvel implant, deux fois plus dosé, on obtient, malgré tout, des doses hormonales encore insuffisantes chez les femmes qui reçoivent de l’éfavirenz, bien que de fortes variations selon les femmes aient été observées. Cette question demeure donc sans réponse, alors que l’éfavirenz demeure un traitement très utilisé chez les femmes en Afrique.

Syphilis aux États-Unis

En 1999, les États-Unis étaient proches de l’élimination de la syphilis, mais on a vu une hausse, d’abord parmi les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes notamment, qui continue depuis. Cette résurgence s’est étendue aux femmes hétéros puis aux hommes hétéros, quelques années après. Il existe encore 1 000 cas par an de syphilis congénitale (transmise de la mère à l’enfant) aux États-Unis, alors que cette maladie reste totalement évitable, par un test pendant la grossesse. Plus généralement, la syphilis est concentrée chez les personnes usagères de drogues hétérosexuelles et chez les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes. Les complications
de la syphilis sont en hausse et posent des questions de prise en charge, en particulier chez les personnes vivant avec le VIH.

Neurosyphilis chez des PVVIH

C’est une complication difficile à diagnostiquer. Il faut faire une ponction lombaire. Une étude au Brésil a évalué l’observance des cliniciens à cette pratique recommandée. Seuls 40 % pratiquent une ponction lombaire, et plus souvent quand la personne a des CD4 bas et des indicateurs biologiques d’anticorps anti-syphilis élevés, signe d’infection. Le traitement de la syphilis chez les personnes vivant avec le VIH a aussi été étudié. La guérison est définie par la baisse d’au moins quatre fois de suite du titre d’anticorps RPR sur les résultats d’analyses. Une étude rétrospective a montré que la plupart des personnes étaient guéries, mais que certaines ayant une syphilis tardive latente avaient moins de chance de montrer des marqueurs de guérison.

Opiacés et VIH

Il y a une crise des opioïdes en cours aux États-Unis. La raison principale demeure la prescription très répandue d’antalgiques longue durée, classés comme opiacés, et trop largement distribués dans des communautés particulièrement vulnérables, où il y a eu, au final, un mésusage. D’après les données, 21 à 29 % des personnes font du mésusage et 8 % d’entre elles deviennent dépendantes, puis 4 % finissent par consommer de l’héroïne. À cela s’ajoute le fait que des personnes consommant ces opiacés les obtiennent par leurs proches. Aujourd’hui, il y a davantage de vigilance sur la prescription et le suivi des opiacés, avec un certain déclin depuis 2011. Mais, malgré tout, un passage à l’héroïne représente 3 % des mésusages chaque année. Le passage à l’injection est rapide pour les nouveaux consommateurs d’héroïne et 93 % continuent à s’injecter dans les dix ans après la première injection. Dans certains cas, l’apparition d’épidémies de VIH se produit dans certains groupes exposés, comme en 2015 dans l’État de l’Indiana. Lors de cette épidémie, l’héroïne était coupée avec du fentanyl, un autre médicament qui favorise le fait de s’injecter et donc le risque de se contaminer par voie intraveineuse. Face à cela, la Prep peut-elle une solution ? Aux États-Unis, seulement 2 % des personnes usagères de produits déclarent la prendre. Bien insuffisant pour une prévention du VIH. Quant à la consommation, les seules solutions sont les traitements de substitution, difficiles à mettre en place aux États-Unis en raison de la stigmatisation et les oppositions locales. Les programmes d’échanges de seringues augmentent certes dans le pays, mais pas dans tous les États. Et les salles d’injection supervisées sont toujours controversées aux États-Unis.

Chemsex : implication sur la transmission

Le chemsex est la consommation de produits psychoactifs au cours d’une session sexuelle. Il faut, d’après les chercheurs-euses de ce symposium sur les comorbidités non virales, adopter une approche de santé globale (dite syndémique). Notamment chez les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes : il faut à la fois s’occuper de la santé sexuelle, mais aussi de la consommation des substances (de l’alcool aux drogues), et de la santé mentale. Ces trois domaines ont des intersections chez les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes, car c’est chez eux qu’il y a le plus de consommation de substances et davantage de dépressions. Les facteurs qui conduisent à plus de consommation sont la stigmatisation et la criminalisation homophobe, le stress d’être dans une minorité, la difficulté à  sortir du placard, l’homophobie perçue dans son entourage. Le chemsex est associé à l’augmentation du plaisir d’un côté, mais aussi une perte d’estime de soi. Et les produits varient selon les pays. Les applications sont un moyen de se connecter pour les chemsexeurs. Le risque vis-à-vis du VIH est augmenté par les comportements induits par les drogues mais aussi par l’inflammation des muqueuses via l’usage des produits. Le chemsex est plus fréquent chez les personnes vivant avec le VIH, et 10 % des personnes vivant avec le VIH pratiquant le chemsex s’injectent (pratique appelée slam). Le risque de contracter une IST est très élevé : 70 % de risque de rencontrer une IST contre 40 % en l’absence de chemsex. Il y a aussi une augmentation des contaminations par le VHC. Le nombre élevé de partenaires, le sexe sans préservatif, les traumatismes rectaux, la synergie entre VIH et IST, les réseaux où la prévalence du VIH est forte, expliquent les contaminations dans ce groupe. Mais c’est chez les chemsexeurs que la Prep est la mieux suivie. Reste que les obstacles sont nombreux. Il existe des cas d’interactions graves entre des médicaments de la classe des antiprotéases et les drogues utilisées dans le chemsex. Aux États-Unis, l’usage d’amphétamine est également associé à une moins bonne observance aux antirétroviraux des personnes vivant avec le VIH. On rapporte que 15 % des urgences vitales chez les hommes séropositifs seraient liées au chemsex. Quelles solutions alors ? Surtout ne pas stigmatiser ni juger et faire de la Prep une proposition systématique. Il faut envisager la réduction des risques et l’adapter, augmenter la qualité des services mis à disposition. Mais pour développer des interventions adaptées, il faut continuer à étudier et comprendre l’histoire et les implications sociales du chemsex.

Arrêtons le déni de l’alcool chez les PVVIH

À faibles doses, on rapporte des effets positifs sur la santé. L’alcool est médicalement associé à plus de 200 maladies lorsqu’il est consommé en trop grande quantité. Avec trois millions de morts par an, l’alcool représente 5,3 % des décès dans le monde et demeure la 7e cause de mortalité précoce. L’alcool pourrait-il être un vecteur de l’épidémie, en augmentant les contaminations ou en dégradant la santé des personnes vivant avec le VIH ? Une méta-analyse montre un lien entre le VIH et la consommation excessive d’alcool. Cela pourrait être dû à des problèmes de santé mentale liés à la consommation, aux comportements à risque plus élevés, liés à une socialisation facilitée. La période de séroconversion serait plus courte chez les personnes grosses consommatrices et l’alcool aggraverait les comorbidités naturelles de la maladie. L’observance est également moins bonne chez les personnes consommatrices d’alcool et il y a plus de risque d’échecs virologiques. L’alcool peut modifier la diffusion des médicaments dans le corps. Il est nécessaire de développer des interventions spécifiques pour les personnes vivant avec le VIH qui ont des consommations problématiques d’alcool.

Tabac et VIH

La prévalence du tabagisme reste élevée même si on observe une baisse depuis les années 80. Plus de 100 poisons ou produits toxiques sont présents dans les cigarettes, et les atteintes sont présentes dans tous les tissus humains. La nicotine est très addictive et l’accroche est rapide. Le tabac a plus de conséquences négatives chez les personnes vivant avec le VIH, en augmentant l’inflammation liée à l’infection elle-même. Le risque de cancers augmente également à cause de l’inflammation. Il y a plus de pneumopathies chez les fumeurs-ses séropositifs-ves que chez les non-fumeurs-ses. Il y a plus de bronchites et BPCO (broncho-pneumopathie chronique obstructive) chez eux-elles également. Le risque cardiovasculaire est très élevé chez les personnes vivant avec le VIH fumeuses mais finit par baisser un an après l’arrêt. Après un an d’arrêt, le risque régresse pour les cancers, hors celui des poumons. On estime à douze ans la perte de l’espérance de vie chez les personnes vivant avec le VIH fumeuses, contre seulement cinq pour les personnes vivant avec le VIH qui ne fument pas. L’arrêt du tabac par la seule volonté est très rare car difficile. Il faut généralement plusieurs tentatives, qui augmentent à chaque fois le taux de réussite. Les personnes vivant avec le VIH semblent avoir plus de mal à décrocher du tabac. Il faut donc combiner une aide ou thérapie comportementale (relaxation) avec un traitement ou des aides à l’arrêt (patch, gommes à mâcher). On peut utiliser la substitution nicotinique, comme avec la varénicline (Champix) ou le bupropion (Zyban), mais il y a risque d’interactions pour ce dernier avec certains antirétroviraux. Il faut diminuer la prévalence du tabac en général, en augmentant les prix (cela fonctionne partout). L’interdiction de fumer dans les lieux publics n’a, elle, pas démontré son efficacité sur l’arrêt. Les avertissements sur les paquets de cigarettes ont conduit à une abstinence à court terme, mais globalement les campagnes publiques n’ont un effet qu’à ce court terme et doivent être renouvelées.