Drogues : Fabien Robert, "Toucher à la loi de 70 : oui !"

Publié par jfl-seronet le 25.06.2012
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Jeune élu centriste, maire-adjoint à Bordeaux, Fabien Robert était l’un des intervenants politiques du débat-citoyen proposé, fin mai, par AIDES dans la capitale girondine. Dépénalisation, légalisation, réforme de la loi de 70, il répond à Seronet.
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Maire-adjoint à Bordeaux, Fabien Robert (MoDem) est un jeune élu de 27 ans. Il s’intéresse notamment à la lutte contre le VIH/sida et aux toxicomanies. Il est vice-président des Elus locaux contre le sida. Pour la campagne des législatives, il a soutenu, avec le reste des élus centristes de Bordeaux, Nicolas Florian, candidat UMP dans la deuxième circonscription de Gironde à Bordeaux, battu le 17 juin. Il représentait d’ailleurs le challenger de la députée sortante socialiste Michèle Delaunay, l’actuelle ministre déléguée aux Personnes âgées et à la dépendance, lors du débat-citoyen organisé par AIDES, fin mai. Fabien Robert a accepté de répondre à Seronet et notamment d’évoquer la réflexion déjà amorcée par Alain Juppé sur les salles d’injection supervisée.

Sur la question des drogues, il y a de nettes différences entre la gauche et la droite. Comment vous situez-vous ?
Nicolas Florian [vice président de la Communauté urbaine de Bordeaux et conseiller régional d’Aquitaine, ndlr] n’est pas dans des dispositions d’esprit différentes des miennes. Cette question fait appel à l’éthique et pas à des orientations politiques. Peut-être que la gauche a tendance, sur ces questions-là, à être un petit peu plus ouverte. C’est le passé qui le prouve. Mais sur ces sujets, si on en reste à la gauche face à la droite face au centre… nous perdrons une opportunité unique d’avoir une vraie politique de santé publique à la hauteur des enjeux : la question de la dignité humaine, la place qu’on accorde aux toxicomanes dans notre société. C’est aussi, cela a été d’ailleurs très bien dit par un des intervenants lors du débat, une question de démocratie, une question de continuité de l’Etat… Notamment quand on voit toutes les conséquences que peut avoir la consommation de drogues sur les violences urbaines, par exemple. Il y a plein de difficultés qui touchent les élus que nous sommes. Pour moi, une bonne politique de lutte contre les toxicomanies repose sur trois piliers : la prévention, la répression et la réduction des risques.

Vous avez évoqué lors du débat le fait que la mairie de Bordeaux avait consulté les associations et organisé une discussion sur l’opportunité d’expérimenter à Bordeaux des salles d’injection supervisée. Qu’est-ce qui fait obstacle aujourd’hui à cette expérimentation ?

Qu’est-ce qui manque ? Il ne faut pas se cacher les choses. Si demain, ce débat devait avoir lieu plus profondément qu’il n’a déjà eu lieu… il y aurait dans la majorité municipale locale des différences. Je rappelle qu’Alain Juppé a reçu les acteurs de ces questions-là et qu’il a pris une position claire : positive en faveur d’une telle expérimentation. Nous trouvons aujourd’hui une limite qui est celle de la loi. La loi actuelle ne nous permet d’aller vers une telle expérimentation. Je suis convaincu que si le président de la République tient ses engagements et s’il décide de le faire dans une logique de rassemblement du pays toutes tendances confondues sur ces questions-là, je pense que nous arriverons à Bordeaux à pouvoir mettre en place un dispositif satisfaisant. Il faut s’appuyer sur les Caarud [Centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction de risques pour usagers de drogues, ndlr] existants, ce sont ces structures qu’il faut prolonger pour leur permettre d’accueillir un dispositif d’injection supervisée. La création d’une grande salle de consommation à moindres risques ne me semble pas la solution pertinente. Nous avons tous les outils pour démarrer, espérons que la loi permette enfin l’expérimentation… Je suis convaincu qu’à Bordeaux, nous ferons quelque chose, et ce d’autant plus que c’est nécessaire. On estime entre 400 et 450 le nombre d’usagers de drogues qui ne sont pas réellement suivis et pour qui de telles salles d’injection dans les Caarud constitueraient une première réponse.

La loi de 70 doit-elle être abrogée ?

Je crois beaucoup à la force des symboles. Il faut faire extrêmement attention si on touche à cette loi à ne pas donner le sentiment qu’on va vers la légalisation. Dépénalisation et légalisation doivent être strictement séparées ; Dans mon esprit, elles le sont. C’est la condition pour que la dépénalisation soit une avancée en termes de santé publique. Toucher à la loi de 70 : oui. L’abroger, la réformer, la reprendre… je ne sais pas quel est le bon terme. Ce que je crois, c’est qu’il faut faire confiance au monde associatif, au monde médical et entendre les difficultés de ceux qui sont en charge de la répression. Il faut prendre en compte ces trois composantes si on veut revoir cette loi. On a bien vu avec le débat de ce soir [30 mai à Bordeaux à l’initiative de AIDES, ndlr] que certaines grandes lignes se dégagent à commencer par le fait de dépénaliser la consommation personnelle pour être cohérent avec les politiques de réduction des risques qui sont aujourd’hui menées.


Cette interview a été réalisée lors du débat citoyen organisé par AIDES le 30 mai dernier à Bordeaux sur le thème : "Punir… ou protéger les usagers de drogues ?" Remerciements aux militants de AIDES en Gironde pour avoir permis la réalisation de cette interview.