EASL 2016 : l’auberge espagnole (2/2)

Publié par Marianne L’Hénaff le 29.07.2016
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ConférencesEASL 2016hépatite CVCHAADAVDantiviraux à action directe

La Conférence internationale sur les maladies du foie (EASL) s’est tenue à Barcelone du 13 au 17 avril dernier. Le coût et l’accès au traitement de toutes les personnes porteuses d’une hépatite C étaient au cœur des présentations et des discussions dans les couloirs. Voici la suite des infos thérapeutiques importantes de cette conférence.

Première étude avec des AVD chez des adolescents

Le premier essai qui a évalué les AVD chez des adolescents (entre 12 et 17 ans) porteurs du VHC utilisait Harvoni (sosfosbuvir-lédipasvir), pendant douze semaines et à la dose classique des adultes. La prévalence de l'hépatite C chez les enfants est faible en Europe et aux Etats-Unis (0,4 %), mais est élevée dans certains pays (6 % en Egypte). L’essai s’est déroulé aux Etats-Unis et en Angleterre, sur 100 adolescents entre 12 et 17 ans, tous avec un virus de génotype 1 (1a à 80 %, plus difficile à éradiquer). Dans une très large majorité, ils avaient été contaminés par la transmission mère-enfant. Un participant sur cinq avait déjà été traité pour son VHC avec l’interféron+ribavirine, sans succès. La plupart avait une charge virale VHC importante (supérieure à 800 000 copies/ml). Une étude pharmacocinétique a été effectuée le dixième jour pour confirmer que la dose adulte était appropriée pour cette population adolescente. Douze semaines après la fin du traitement, le virus était indétectable chez 97 % des participants, car trois ados ont été "perdus de vue". Sur les 96 ados qui ont atteint la quatrième semaine après traitement, tous ont atteint RVS4 (100 %, 96/96). Et les 78 patients qui sont arrivés à douze semaines après le traitement ont un taux de succès virologique de 100 % (RVS12 :100 %, 78/78). Chez les ados traités antérieurement pour leur hépatite C, les douze semaines d'AVD ont été 100% efficaces. Près des trois quarts des ados ont rapporté des effets indésirables, mais aucun n'a interrompu le traitement. Les effets indésirables les plus fréquents étaient des maux de têtes, de la fatigue, des nausées, des vomissements et des diarrhées. Conclusion : Les douze semaines d’Harvoni ont conduit à des taux de RVS très élevés (entre 97 et 100 %) et le traitement a été assez bien toléré. Une évaluation plus poussée est en cours chez les enfants âgés de 3 à 11 ans.

Ces traitements n’ont pas encore l’AMM (autorisation de mise sur le marché) pour les enfants et ados de moins de 18 ans. Quelques enfants/ados ont été traités en France, avec une dérogation, lorsque leur fibrose évoluait ou s’ils avaient des symptômes gênants. Sinon, les médecins attendent leur majorité pour les traiter.

Cohorte ANRS Hepather : événements cliniques après le traitement par AVD après 18 mois de suivi

L’infection virale C peut conduire à la cirrhose, au carcinome hépatocellulaire (CHC, cancer du foie), à la décompensation de cirrhose et au décès. Ces événements cliniques ont été déterminés chez des personnes traités par antiviraux directs dans la cohorte ANRS Hepather (cohorte française, de suivi à long terme, incluant 15 000 patients porteurs du VHC et 10 000 porteurs du VHB dans trente-deux centres). Au total, les résultats concernant 2 156 patients porteurs du VHC, sans antécédents de CHC ou de décompensation de cirrhose, ayant débuté un traitement par AVD entre janvier 2013 et octobre 2014, ont été analysés. Les personnes suivies jusqu'en janvier 2016, pendant une durée moyenne de dix-huit mois. L’âge moyen était de 58 ans, 62 % sont des hommes et 63 % ont une cirrhose, le génotype majoritaire est le 1 et 23 % des patients sans traitements précédents. Avec différentes combinaisons d’AVD, 90 % de ces personnes ont eu une guérison virologique. Au total, trente-et-une personnes sont mortes, dont dix décès de cause hépatique, 94 cancers du foie (CHC) ont été dépistés et il y a eu 48 décompensations hépatiques. L’incidence de CHC est de 1,8 % pendant les six premiers mois sous traitement.

Un an après le traitement, l’incidence du CHC décroît de 43 % pour atteindre 1 % entre douze et dix-huit mois. La comparaison entre les personnes traitées et non traitées montrait une diminution de 43 % des cancers du foie, douze mois après le début du traitement et une diminution de 77 % des décompensations de cirrhose. Les facteurs de risque de décès étaient un âge supérieur à 58 ans et la cirrhose. Les facteurs de risque pour le CHC étaient un âge de plus de 58 ans, la cirrhose et l’absence de RVS (éradication du VHC). La guérison virologique réduit le risque de survenue de cancer du foie chez les personnes ayant une cirrhose.

Option sofosbuvir + daclatasvir pour le génotype 2

Pour le génotype 2, la seule option officielle est le sofosbuvir avec de la ribavirine, qui n’est pas optimale et entraine pas mal de rechutes virologiques (et d’anémie). L’association sofosbuvir+daclatasvir est une des options de traitement proposées par l’Afef (association des hépatologues) pour le traitement des génotypes 2, mais avec un niveau de preuve faible. Deux études viennent la conforter. La 1ère étude américaine a analysé les données de 108 patients de génotype 2 naïfs ou prétraités inclus dans des études de phases 2 ou 3, cirrhotiques ou non, traités par sofosbuvir + daclatasvir + ou moins ribavirine pendant douze ou vingt-quatre semaines. La RVS12 a été de 97 %.

La deuxième étude concernait dix-neuf patients italiens de génotype 2, intolérants à la ribavirine, pour différentes raisons (rénales, anémie), traités par sofosbuvir+daclatasvir douze semaines pour les non cirrhotiques (8) et 24 semaines pour les personnes avec cirrhose (11). La RVS12 a été de 100 %, quelle que soit la durée du traitement, bien toléré. Les résultats de ces deux études confirment que ce traitement est efficace mais la durée optimale de traitement reste à définir en fonction des profils des patients.

Faible taux de réinfection VHC chez les usagers de drogues sous substitution

Plusieurs études présentées, orales ou en poster, faites chez les personnes usagères de drogues (avec ou sans traitement de substitution) ont bien montré le faible taux de réinfection chez les personnes usagères de drogues après guérison virologique du VHC par les antiviraux directs, d’environ 2 %.

Forts taux de réinfection VHC chez les HSH guéris d’une 1ère infection en Europe de l’Ouest

Une hausse des infections VHC chez des hommes vivant avec le VIH, ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH), associée à des pratiques sexuelles à haut risque et à un usage de drogue est décrite depuis une dizaine d’années. La réinfection par le VHC après un traitement ou guérison spontanée a été démontrée à Amsterdam et à Londres. L’objectif de cette analyse était de calculer l’incidence de la réinfection par le VHC chez des personnes vivant avec le VIH en Europe de l’Ouest et de chercher des facteurs associés à la réinfection et à la guérison spontanée de cette réinfection. L’analyse rétrospective des réinfections par le VHC au sein du réseau européen (European AIDS Treatment Network ou NEAT), incluait des centres en Allemagne, Autriche, France et Royaume-Uni.

Sur les 606 HSH ayant eu une infection par le VHC guérie spontanément ou par un traitement, 150 (25 %) ont eu une 1ère réinfection, 30 sur 70 (42 %) patients inclus ont eu une 2ème réinfection, quatre sur treize (31 %) patients inclus une 3ème et un sur deux patients inclus une 4ème réinfection. L’incidence de la réinfection était réduite chez les patients qui avaient éradiqué spontanément le VHC par rapport aux patients traités. Les incidences de réinfection étaient différentes selon les pays : la plus élevée à Paris (21,8/100 p-a) et la plus basse à Hambourg (5,04/100 p-a). 6 % des patients ont guéri spontanément de leur 1ère réinfection et 28 % de leur 2ème réinfection. La guérison spontanée de la réinfection était associée à des transaminases ALAT élevées (> 1 000 UI/ml) et à la guérison spontanée de la 1ère infection virale C.

Parmi toutes les réinfections, 113 patients ont reçu un traitement avec interféron pégylé et ribavirine (traitements qui ne sont désormais plus recommandés) avec une RVS chez 87 (78 %) patients. Les patients HSH avec le VIH, ayant déjà eu au moins une hépatite C et qui gardent des conduites à risque doivent être régulièrement dépistés tous les trois à six mois, et des stratégies de prévention doivent être associées au traitement.

Zepatier chez des patients avec des maladies héréditaires hématologiques et le VHC

Les personnes ayant une maladie héréditaire du sang ont toujours été exclues des essais thérapeutiques. Le but de cette étude a été d’évaluer, contre placebo, l’efficacité et la tolérance de grazoprévir +elbasvir (Zepatier, Merck) pendant douze semaines chez vingt-neuf patients avec une drépanocytose, 61 avec une β-thalassémie et 69 avec une hémophilie A/B  ou maladie de Willebrand. L’efficacité a été bonne (RVS12 de 92 % à 98 % selon les génotypes). Il y a eu un impact négatif de l’existence de mutations de résistance initiales. Le profil de tolérance était bon.

Trithérapie pour retraiter des patients en échec

L’efficacité et de la tolérance de la combinaison sofosbuvir + velpatasvir (inhibiteur NS5A de 2ème génération) + GS-9857 (inhibiteur de protéase de 2ème génération, actif sur tous les génotypes), en une fois par jour, pendant douze semaines, ont été présentées dans deux études :

● La 1ère a inclus 128 patients en échec (de génotypes 1 à 6), avec ou sans cirrhose, 21 % étaient naïfs d’AVD (échec bithérapie interféron –ribavirine). Des mutations de résistance initiales ont été détectées chez 60 % des patients. Ces mutations ont été sans impact sur la RVS12 (100 % pour les patients sans mutations et 99 % pour ceux avec). Un seul patient de génotype 3 avec cirrhose et mutation détectée au départ a rechuté huit semaines après la fin du traitement. Les événements indésirables rapportés étaient les maux de tête, la fatigue, la diarrhée et les nausées ; la plupart étaient d’intensité modérée, mais il y a eu deux effets sévères. Le traitement par SOF/VEL + GS-9857 pendant douze semaines de patients VHC de génotypes 1-6, prétraités, a permis d’obtenir un taux de RVS12 de 99 %, y compris chez ceux en échec d’AVD, sans impact des mutations de résistance initiales et avec une bonne tolérance.

● La même trithérapie de Gilead (SOF/VEL/GS-9857), avec ou sans ribavirine, douze semaines, a été évaluée chez des patients de génotype 1, tous prétraités par AVD (parfois plusieurs fois), incluant des patients avec cirrhoses. Quarante-neuf patients ont été randomisés et traités. 75 % des patients avaient des mutations de résistance au départ.Il y avait une majorité d’hommes (65 %), de Caucasiens (80 %), et de génotype 1a (88 %, le plus embêtant des génotypes 1). La cirrhose était présente chez 50 % des patients. 41 % avaient déjà reçu un inhibiteur de NS5A (famille daclatasvir, ledipasvir), 52 % avaient été exposés à une classe d’AVD, 26 % avaient déjà reçu deux classes d’AVD et 20 % avaient déjà reçu trois classes d’AVD. Le taux de RVS12 était de 98 % (un seul patient a eu une rechute), avec les mêmes effets indésirables que dans la première étude.

Nouvelle combinaison chez les patients de génotype 1 en échec et des naïfs de génotype 3

● L’étude d’Abbvie, Magellan-I, a utilisé sa nouvelle association ABT-493 et ABT-530 (une fois par jour) chez les patients de génotype 1, non cirrhotiques, en échec d’un traitement par AVD. Le but de l’étude était d’évaluer l’efficacité et la tolérance d’ABT-493 (inhibiteur de protéase) et d’ABT-530 (inhibiteur de NS5A), tous deux valables sur tous les génotypiques, chez 50 malades non cirrhotiques, en échec d’un précédent traitement contenant au moins un AVD (bocéprevir, télaprevir, sofosbuvir, ledipasvir, simeprevir). Plusieurs doses des deux molécules étaient comparées. Les résultats sont excellents en termes d’efficacité (selon les doses, de 95 % à 100 %). Les mutations de résistance initiales ne semblent pas avoir d’impact. La ribavirine semble inutile. Le profil de tolérance a été très bon, sans arrêt de traitement. Le développement se poursuit, chez des patients cirrhotiques de génotype 1, 4, 5 et 6.

● Cette même combinaison ABT-493 et ABT-530 a été testée chez vingt-neuf patients naïfs de génotype 3, pendant huit semaines chez des patients non cirrhotiques et pendant douze2 semaines avec ou sans ribavirine chez des patients ayant une cirrhose compensée. L’efficacité a été remarquable (100 % de RVS12), avec une très bonne tolérance. Les événements indésirables les plus fréquents étaient les maux de tête et la fatigue.