Fin de CROI sous perfusions… de café et de "late breakers"

Publié par Sophie-seronet le 04.03.2011
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Croi 2011clôture
Mercredi 3 mars, c’est le dernier jour de la 18ème édition de la CROI. Tout le monde ou presque est sous perfusions, qui de café, qui des fameux "late breakers". Depuis Boston, Renaud et Emmanuel rendent compte de cette journée de clôture.
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Dernier jour. Ça sent le départ… "Vous emportez votre valise au centre de conférence ?"- "Non, je prends un taxi pour l’aéroport", lance le virologue. Nous sommes quelques uns, après avoir rendu les clés de nos chambres, à ne pas être en avance pour la plénière sur les PrEP… On parcourt d’un pas rapide les huit blocks qui nous séparent de la CROI. A peine le temps de jeter un dernier coup d’œil à l’architecture de Boston. Une pensée pour les médecins et chercheurs, qui, pour la plupart, sont dans des hôtels d’où ils pourraient s’ils voulaient, venir en chaussons. Au lieu de rester enfermés dans les ponts aériens qui relient le centre à certains hôtel, nous savourons l'ambiance de la rue… Malgré le vent glacé, c’est un plaisir de profiter, un petit quart d’heure, du soleil qui, depuis hier, a remplacé la neige, avant de passer la journée dans des salles climatisées et sans fenêtre. Ça sent le départ. Les 4 000 participants se sont rués sur le café, auquel tout le monde carbure désormais, et sur les bagels qu’on accompagne de cream cheese et de confiture de myrtille. La CROI est plus intime que la Conférence mondiale contre le sida, qui réunit plus de 20000 participants et quelque 1000 journalistes. Au quatrième jour, on se sent presque en famille dans la salle de presse qui ne comporte que six tables rondes, recouvertes de nappes blanches. Quand, à Vienne, le media center était une immense et interminable succession de tables…

Dernière plénière...
Deux excellentes sessions en plénière ce matin ont éclairé les participants sur les deux grands sujets de cette CROI 2011 : PrEP (prophylaxie pré-exposition) et les nouveaux médicaments contre l’hépatite C. L’intervention de Connie Celum, Université de Washington, très impliquée dans les essais de prévention au niveau international a ressemblé les données aujourd’hui disponibles sur la PrEP (traitement antirétroviral chez des personnes séronégatives pour prévenir l’infection à VIH). Elle rappelle fortement que le succès de ces nouvelles interventions est conditionné à une bonne adhérence et appelle à réfléchir sur les modes de distribution des médicaments ou gel.
Stefan Zeuzem, lui, discute des dernières avancées en matière de prise en charge de l’hépatite C. Le clinicien de l’hôpital universitaire de Frankfurt (Allemagne) explique que les médicaments anti VHC connaissent un développement sans précédent… un peu comme en ont connu les médicaments antirétroviraux en 1996 pour le VIH. Mais la plupart des infos de cette CROI ne sont pas vraiment inédites ; c’est au Congrès sur le foie, l’AASLD, que celles-ci sont annoncées. "Les médicaments qui bloquent le VHC ont trois caractéristiques importantes, explique le chercheur : efficacité, dépendance au génotype et résistance rapide du virus. Télaprevir et bocéprévir sont les premières générations d’antiprotéases du virus". Il poursuit : "On n’a pas assez de données, la co-infection, le pré et post transplant, les interactions entre molécules anti-VIH et VHC". Que réserve le futur ? "Pourquoi ne pas ajouter une quatrième drogue chez certains patients (NNI, NSSA-I) ou tenter d’enlever l’interféron ? "
Un vieux rêve des médecins hépato et des personnes vivant avec le VHC…

"Late breakers"
A 10 heures, l’auditorium du centre de conférence accueille la traditionnelle session consacrée aux derniers résultats d’études cliniques récentes (les "late breakers"). Sitôt la session finie, Emmanuel, dont l’avion part à 19 heures, termine les comptes-rendus de la session. Pour ma part, je cours d’interview en interview. Trois personnalités ont accepté l’invitation et veulent bien expliquer comment elles ont perçu cette 18e CROI, et quels sont les résultats qui les ont marqués ? Yves Souteyrand, de l’Organisation mondiale de la santé, me parle des personnes "perdues de vue" et des hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes dans les pays du Sud ; Bernard Hirschel, de l'Hôpital universitaire de Genève, évoque notamment les "lates breakers". Gilles Pialoux (Hôpital Tenon, Paris), toujours jazzy, refuse ma proposition de le rencontrer au centre des médias, et m’invite au bar de son hôtel qui jouxte le centre de conférence. Interview sur fond musical. Il retient les recherches en prévention – de la PrEP à la charge virale communautaire - et celles sur l’inflammation dans le corps et dans le cerveau.

Que choisir pour clore cette CROI 2011 ?

Il faut choisir entre les obstacles au traitement curatif, les facteurs importants dans la transmission du VIH, l’association entre la tuberculose et le VIH et la session anniversaire des 30 ans d’épidémie. Session rétrospective et perspective. J’opte pour cette dernière, en quête de perspectives. Elle est un peu décevante.
Certes, on a d’abord un émouvant documentaire réunissant des témoignages sur les débuts de l’épidémie aux Etats-Unis. Puis, c'est l’actuel président de la Société internationale contre le sida, l’ougandais Elly Katabira (Université Makerere) qui prend le micro. Dans sa présentation intitulée "D’où venons-nous et où sommes-nous ? ", il rappelle les luttes pour l’accès universel aux traitements. "Au Sud, fin 1990, on faisait uniquement de la prévention, sans vouloir donner l'accès aux traitement aux personnes vivant avec le VIH. Tout a changé à partir de la Conférence de Durban, en 2000, avec le début des efforts pour l’accès au traitement." Il cite les chiffres que j’avais en tête en venant : 5,2 millions de personnes sont traitées, contre 400 000 en 2003. Des progrès sans précédents.
Heather Watts, gynécologue américaine, évoque l’épidémie chez les femmes "de l’anomalie à l’avalanche". "A l’échelle mondiale, 52 % des personnes vivant avec le VIH sont des femmes (le chiffre monte à 60 % en Afrique). Elle fait un vibrant plaidoyer pour l’accès à la vaccination HPV en Afrique, en rappelant les cancers du col de l’utérus que ce virus entraîne, la seule des pathologies classant sida qui n’a pas diminué avec l’arrivée des médicaments antirétroviraux. Enfin, Jonh Bongaarts (Population Council, New York), clôt sa présentation, en expliquant qu’il faudra mettre le paquet "à la fois sur la prévention et le traitement" pour parvenir à lutter contre l’épidémie… Franchement un peu court après la richesse des débats de cette CROI 2011 sur l’utilisation des traitements comme méthode de prévention !

Fin de CROI

Nombreux sont ceux qui doivent filer, qui pour la gare, qui vers l’aéroport. Mais certains discutent encore : "C’était quand même une belle conférence". Je reconnais la voix de la virologue française Christine Rouzioux, qui faisait partie de l’équipe qui signa le papier de "Science" sur la découverte du virus. La session "Obstacles à un virus" ? Intéressante, mais "on aura du boulot pour parvenir à l’éradiquer ce virus !" Avant de prendre le bus qui m’amènera à New York, à quatre heures de route, pour retrouver de vieux amis, dernier coup d’œil sur le programme. Certes, avec Emmanuel, nous avons prévu une synthèse sur la PrEP et les "late breakers". Nous avons parlé des complications, mais nous nous sommes dit que nous avions encore bien des sujets de cette CROI à traiter… Et même si nous nous fixons l’objectif de le faire rapidement, nous n’aurons pas trop d’une année pour digérer les 1 084 études de 2011. Juste à temps pour la fournée de la CROI 2012 !

Commentaires

Portrait de Vincent

merci pour tout :)