Génériques : le retour de la confiance… sous conditions !

Publié par jfl-seronet le 11.01.2013
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Thérapeutiquemédicaments génériquesrapport

Comme elle s’y était engagée, Marisol Touraine, la ministre des Affaires sociales et de la Santé a autorisé la publication du rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) relatif à l’évaluation de la politique française des médicaments génériques. Cette publication, effective fin décembre, était très demandée par les associations dont le Collectif interassociatif sur la santé (CISS).

Dans un communiqué, le CISS y voit un "un premier pas vers le retour de la confiance". Alors que dit ce rapport ? Premier point : l’IGAS plaide pour que l'utilisation des médicaments génériques en France soit développée. Elle suggère de relocaliser la production de leurs matières premières (aujourd’hui principalement produits en Inde et en Chine) ou de pénaliser les médecins qui n'en prescrivent pas assez. "Des leviers pour redynamiser la politique du développement du médicament générique peuvent être mobilisés", et "des marges de manœuvre importantes existent", souligne l'organisme.

L’IGAS rappelle que le marché du médicament générique s'essouffle progressivement depuis 2008, avec un premier recul de 3 % en 2011, même si la situation semble s’améliorer ces derniers mois. La politique "volontariste" des gouvernements ces dix dernières années "a obtenu des résultats conséquents", mais le niveau de la France dans ce domaine "reste largement inférieur à celui de ses voisins européens", note le rapport de l’IGAS. Pourtant, les travaux consultés par la mission "démontrent globalement une absence de supériorité des [médicaments] princeps par rapport aux médicaments génériques". L’organisme souligne la nécessaire "mobilisation de l'ensemble des acteurs du marché du médicament". Côté sécurité, le rapport suggère de renforcer les procédures d'inspection des centres réalisant les études de bioéquivalence, souvent délocalisées dans des pays tiers. Certaines inspections ont en effet "révélé de nombreux et graves dysfonctionnements".

Autre domaine d’intervention : celui des prescripteurs. Pour les médecins, un système de bonus-malus pourrait être mis en place, avec des pénalités financières pour ceux ayant un faible taux de prescription de génériques. Ainsi, la rémunération des médecins qui atteignent les objectifs — dans le cadre de la rémunération à la performance — pourrait être augmentée. L'IGAS propose également de diminuer encore de 10 % le prix des médicaments génériques par rapport aux princeps. Autre préconisation : comme ils le font pour les personnes de plus de 75 ans, les pharmaciens pourraient s'engager à délivrer toujours le même générique à tous les personnes atteintes de maladie chronique. Enfin, l’IGAS estime que "les patients doivent être davantage informés" : le lieu de fabrication et de conditionnement des médicaments pourrait être noté sur la boîte. De même, il convient d'inscrire la dénomination commerciale internationale du principe actif en plus gros caractères que le nom de marque. Le rapport préconise enfin une campagne de promotion du médicament générique auprès des professionnels de santé et du grand public.

Pour le CISS : "le rapport de l’IGAS éclaire des zones d’ombre qui manquaient singulièrement d’appuis scientifiques et techniques et justifiaient certaines approches polémiques. Il rassure donc sur de nombreux aspects. Pour autant, il confirme qu’au titre de la sécurité des patients des actions restent à conduire par nos responsables publics : imposer la mention du lieu de fabrication sur les boîtes de médicament, imposer la mention manuscrite du princeps et garantir la stabilité des marques lors de la délivrance, renforcer les procédures d’inspection, garantir la possibilité de non substitution dans certaines situations comme celles des médicaments à marge thérapeutique étroite".

Le rapport réclame, en outre, la mobilisation coordonnée de l’ensemble des acteurs. Le CISS attend donc qu’une "concertation soit ouverte par la ministre des Affaires sociales et de la Santé sur le programme d’action à mettre en œuvre sur la base des conclusions de l’IGAS. Sans réclamer la création d’une commission, nous estimons qu’un comité technique pourrait se tenir chaque année dans le cadre du suivi de ces recommandations sous l’égide de la Direction générale de la santé et de la Direction de la sécurité sociale, avec l’Union nationale des caisses d’assurance maladie et les représentants des professionnels de santé, d’une part, et que les associations d’usagers du système de santé soient désormais associées aux travaux du conseil stratégique des industries de santé, d’autre part".

Par ailleurs, le CISS fait à nouveau la "proposition de l’approche participative en santé dont il comprend mal qu’elle soit en pratique écartée, à rebours des intentions pourtant formulées par les responsables publics". "Enfin, plus que jamais la question de l’information des usagers du système de santé est au cœur des enjeux de sécurité sanitaire et de transparence dans les conditions d’accès aux soins, indique le Collectif. Sur ce point le rapport de l’IGAS est en retrait de nos attentes et des intentions de nos responsables publics. En effet, il réclame que soit mise à disposition des professionnels de santé une base de données synthétique regroupant des informations scientifiques et économiques sur le médicament, les recommandations de bon usage et les schémas thérapeutiques par pathologie. Cette base de données doit être accessible au citoyen qui veut s’impliquer dans sa prise en charge. Ici encore, c’est le grand écart entre les intentions et la pratique. Aucune approche participative sur les contours de cette base de données, qui doit être indépendante des pouvoirs publics, n’a été entreprise ! C’est pourtant une étape essentielle dans la construction de la confiance sur les traitements et les prises en charge".