Grèce : la santé en pleine crise

Publié par jfl-seronet le 05.04.2012
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La crise a-t-elle des conséquences sur la santé ? Cette question, on la pose souvent à propos de la Grèce, pays européen qui, depuis presque cinq ans désormais, fait face à une crise économique majeure. Médecins sans Frontières a consacré (12 mars) un billet du blog, que l’ONG tient sur le site de "Libération", à cette crise qui met la santé publique à mal. Explications.
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Alors que se passe-t-il en Grèce en matière de santé… du fait de la crise ? Eh bien pas de bonnes choses comme l’explique Reveka Papadopoulou, directrice générale de Médecins sans Frontières (MSF) en Grèce. C’est à elle que le blog de MSF sur Libération a donné la parole. Mais avant, peut-être est-il utile de rappeler quelques chiffres. Le chômage est passé de 6,6% en mai 2008 à 20% fin 2011. Chez les jeunes, ce taux de chômage atteint 40%. Ces dernières années, les ménages grecs ont retiré 28% de leurs économies en banque. L’Union Européenne a exigé une baisse de 22% du salaire minimum… cette baisse est plus forte encore lorsqu’il s’agit des jeunes… Evidemment, ce régime a des effets sur de nombreux domaines dont celui de la santé. "Les plans d’austérité imposés à la Grèce exigent notamment la suppression de 150 000 postes dans la fonction publique en trois ans. Dans les hôpitaux, ils ont eu pour conséquence des coupes dans les budgets de 40% depuis 2009, des fusions entre établissements, des réductions d’effectifs, indique Reveka Papadopoulou. L’approvisionnement en médicaments connaît des ruptures régulières, du fait d’impayés. Et face à cela, la demande a augmenté – d’un quart entre 2009 et 2010 –, puisque nombre de personnes ne peuvent plus payer les services de la médecine privée".


Pour trouver des recettes supplémentaires, les autorités grecques ont, elles-aussi, mis en place une sorte de franchise applicable dans le secteur public. "Même au sein des hôpitaux publics, l’accès est limité pour des raisons financières, puisqu’un tarif minimum de 5 euros est fixé par acte, hors cas d’urgence vitale, précise la directrice de MSF en Grèce. Il y a une augmentation substantielle de la prévalence de la tuberculose parmi les migrants par exemple. L’incidence du VIH parmi les usagers de drogues à Athènes a augmenté de 1 250% en un an, à mettre en parallèle avec l’interruption des programmes sociaux et notamment d’échange de seringues".


La situation en matière de VIH est particulièrement préoccupante. "L’incidence du VIH au sein de la population générale a cru de 52%. Pire, nous voyons ressurgir des cas de transmission du virus de la mère à l’enfant", affirme Reveka Papadopoulou. Elle rappelle d’ailleurs que le Lancet, prestigieuse revue scientifique, publiait, il y a quelques mois, une enquête qui pointait la très nette dégradation de la santé des Grecs. L’article mentionnait, entre autre, une augmentation des suicides de 40% entre les premiers semestres de 2010 et de 2011. "Cette crise sanitaire touche les retraités, les chômeurs, les jeunes, les personnes atteintes de maladie chronique etc. La vulnérabilité s’étend. La crise ne touche pas tout le pays de manière uniforme, mais il y a des poches de pauvreté extrême qui se développent", conclue la directrice de MSF en Grèce.

Commentaires

Portrait de lucas77

Bien malheureux constat! Et bien que faire?
Portrait de Coeursauvage

Tout ça pour des questions d'intérêts. Quelqu'un disait "Notre ennemi, c'est la finance", c'est une vérité que personne ne peut nier, à moins d'être particulièrement aveugle ou de mauvaise foi. Je trouve tout ça lamentable et désespérément triste.
Portrait de romainparis

cela ne va pas s'arranger, puisque l’austérité, et encore le mot est faible, plonge les pays qui l'appliquent dans une situation encore plus grave. Qu'aurait dû faire le gouvernement Grec ? Quitter de lui-même l'Europe, revenir à sa monnaie et la dévaluer. Attention, je précise que ceci est valable pour ce pays, car il ne pèse quasi rien dans l'économie européenne. Il en va autrement pour les "gros" comme la France. Il aurait dû refuser les aides du FMI comme l'Argentine l'a fait et faire condamner les vrais coupables de leur situation : le gouvernement de Droite qui précédait et les banques qui ont participé au maquillage des comptes. En profiter pour taxer l'Eglise (le plus gros propriétaire terrain) et les armateurs. Supprimer son armée, donc ses achats d'armes (aie, la France n'aurait pas aimé) comme le Costa-Rica l'a fait. Demander à l'Onu de surveiller sa frontière avec Chypre (déjà le cas en partie). Certes, cela aurait été difficile pendant des années, mais le résultat n'aurait pas été aussi pire que celui d'aujourd'hui et celui qui l'attend demain.
Portrait de bernardescudier

Merci pour ce temoignage Vivant entre la France et la Grece, je ne peux que vous confirmez l'etat du bilan etabli dans votre article.
Portrait de BD92110

Une véritable catastrophe. Merci JFL de nous tenir informer de ce qui se passe et de plus de source sure.
Portrait de bernardescudier

Les autorites sanitaires ont oublie depuis longtemps les usagers de drogue à Athenes qui de jour comme de nuit sont abandonnés, malades, au sol sur la place Omonia ou à Exarchia ou dans les rues avoisinantes. J'ai vecu plus de 10 ans avec le chef du bureau des affaires du sida au ministere de la sante grecque. Il etait mon compagnon. Et dés 1997, avec lui, j'ai perçu cet abandon progressif des pouvoirs publics grecs, et européens face à l'ampleur du fleau. Cet abandon a commencé bien avant la crise économique récente. Malgré les programmes de prevention européens, les pouvoirs grecs sont controlés par l'église qui a refusé longtemps la diffusion des livrets d'informations pour l'usage de materiel propre, ou d'échanges de seringues. Les livrets pour l'emploi de préservatifs étaient refusés parce que trop explicites pour ces autorités. Qui assimilaient prévention à ... pornographie. Quant à l'aide directe, au contact des usagers dans les rues, c'est à dire dans l'espace public, elle est quasiment absente. Les associations comme médecins sans frontieres sont rarement en intervention. Les autorités sanitaires européennes ont réagi parfois ... en donnant le meilleur de l'Europe, c'est à dire des programmes de formation et de concertation entres les sociologues, les thérapeutes des pays membres de l'union européenne. J'ai ainsi suivi la question des mentalités, des différences de culture entre Grecs, Anglais, Italiens, Allemands, Bulgares, Espagnols, Hollandais qui tentaient de se retrouver pour faire en commun des protocoles de recherches méthodologiques sur la prévention du sida notamment. Ces délégués jeunes, trés jeunes parfois avaient le sentiment de leurs responsabilités face au fléau, mais ils étaient rarement soutenus par leur propre pays. Les Français étaient peu présents. Trés peu. Aprés les colloques et les formations européennes à Lisbonne, à Rome, à Londres, le retour était, est dur. Trés dur. Malgré leur courage, leur volonté, beaucoup de ces responsables étaient démunis en Grèce faute de moyens financiers ou politiques. Pendant une période, le gouvernement grec voulait conditionner l'aide sanitaire ou alimentaire à un fichage des malades. Nous avons du lutter avec force contre cette atteinte aux droits des malades. Certains responsables grecs qui refusaient cette violation des droits ont ete menaces de licenciement. Je dois remercier Gregory Valainatos qui, comme journaliste de télévision et animateur d'une association de lutte contre le sida n'a pas hésité a utiliser sa grande notoriété pour défendre les uns et les autres. Toutefois la crise récente n'a fait qu'accentuer les clivages entre malades. Et les usagers de drogues sont abandonnés sans soins, dans leur détresse, à meme le sol en plein coeur d'Athenes. Ils ou elles, peuvent rester des heures durant, allongés sur le sol, gisant inertes. Leur seul refuge, c'est souvent la proximité du quartier étudiant d'Exarchia qui est tenu par les Anarchistes et dans lequel la police est absente. Mais aussi les personnels de soins. A vrai dire, je reve de voir Medecins sans frontieres gagner tous les jours la frontiere d'Exarchia ... pour soulager cette détresse et venir en aide aux plus démunis, aux plus malades qui sont abandonnes sans soins dans les rues. Sans aide médicale sans nourriture.

Bernard Escudier.