Hépatites virales : la feuille de route du Raac-sida

Publié par Jean-François Laforgerie et Coline Mey le 17.08.2015
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Réunis les 20 et 21 juin derniers à Lyon, les participant-e-s au séminaire du Raac-sida (Réseau des associations africaines et caribéennes de lutte contre le sida en France) ont planché sur l’accompagnement des personnes migrantes vivant avec le VHB ou le VHC. Résultat ? Des recommandations sur le dépistage du VHB et du VHC, d’autres sur l’accompagnement, la prise en charge, l’accès aux droits et aux soins, d’autres enfin sur la prévention, la vaccination, la sexualité et le désir d’enfants, etc. En somme, une véritable feuille de route du Raac-sida sur les hépatites virales dont voici les points clés.

In Trod… we trust !

A tout seigneur tout honneur, c’est sur le dépistage que portent les premières recommandations, mais il y a d’abord un constat : il est difficile de convaincre les personnes d’aller se faire dépister pour les hépatites dans les structures habilitées. De ce point de vue, les participants regrettent que seul le Trod (test à résultat rapide d’orientation diagnostique) VIH puisse être aujourd’hui proposé (1). Il serait plus intéressant lorsque les personnes sont disponibles pour un Trod d’en proposer plusieurs au même moment : VHC, VHB… Cela limiterait les pertes d’opportunité de dépistage.

Une recommandation invite d’ailleurs à "plaider pour permettre aux acteurs communautaires de réaliser le Trod VHB. Il faut aussi plus de "trodeurs" (les militants associatifs qui réalisent des Trod)  issus des communautés. Ce devrait être d’autant facile à réaliser que le constat fait est le suivant : beaucoup d’acteurs communautaires souhaitent s’investir dans la réalisation de Trod (VIH comme VHC, puis VHB), mais qu’ils ne le peuvent pas faute de formation adéquate. La solution serait la mise en place, plus régulière, de formations aux Trod pour des militants issus des communautés migrantes. Cela pourrait sans doute pallier la méconnaissance des Trod chez de nombreuses personnes migrantes.

Autre obstacle au recours au test, c’est l’accompagnement proposé si le résultat du Trod est positif. En fait, il est délicat de proposer un test à une personne si on ne peut pas lui dire comment sera organisée la prise en charge si son résultat est positif pour le VIH ou pour une hépatite virale. Pas simple non plus pour celui ou celle qui propose le dépistage, si il ou elle n’a pas réfléchi à la nature de l’accompagnement qui sera proposé a posteriori. La solution est logique, mais demande pas mal de travail : il faut organiser en amont l’accompagnement des personnes qui seront dépistées positives dans leur parcours de confirmation du Trod et de prise en charge globale. Autre point : il faut améliorer l’organisation du dépistage et, par exemple, augmenter l’efficacité des semaines de dépistage, d’une part en ayant une meilleure préparation en amont des actions de dépistage, a fortiori des opérations d’envergure, d’autre part, en informant sur et en accompagnant vers les autres offres de dépistage complémentaires aux Trod.

Un Trod… et après

On le comprend : faire un Trod une fois ne suffit pas. Certaines personnes qui se découvrent séropositives ont besoin d’informations, de temps d’échanges après le diagnostic. D’autres personnes, pourtant négatives, continuent d’être angoissées. Certaines ne souhaitent pas fréquenter directement une association, ni se rendre dans un accueil collectif. D’autres points sur l’après Trod ont été traités. Si l’accompagnement à la confirmation du Trod dépend de la volonté des personnes dépistées positives, il faut, en amont, que cette proposition d’accompagnement ait été pensée. Une des pistes proposées serait de créer un groupe de réflexion sur l’accompagnement pour améliorer l’accès à la confirmation du test et aux soins. Autre constat : celui d’un besoin d’échange d’informations sur le devenir des personnes dépistées. Les participant-e-s du séminaire notent un manque de coordination d’une part entre les associations entre elles et d’autre part avec les soignants. Lorsqu’une personne est orientée vers une structure (qu’elle soit associative, médicale ou autre), la structure qui l’a orientée n’a presque jamais de retour sur la suite du parcours. Et souvent si elle a de nouveau des nouvelles de la personne c’est parce qu’elle se trouve confrontée à une difficulté… médicale ou administrative. Cela invite l’ensemble des acteurs à prendre le temps de travailler ensemble afin que soit proposé aux personnes rencontrées à l’occasion des Trod un parcours de santé cohérent, global et personnalisé. Il faut, par ailleurs, plus et mieux formaliser les partenariats via des conventions entre structures. Aujourd’hui, dans bien des cas, le suivi des personnes est parfois chaotique, avec de nombreux interlocuteurs intervenant parfois sur les mêmes champs. Dans certains cas, le suivi des personnes est tout bonnement inexistant. Les acteurs, au sens large du terme, doivent se connaître, s’identifier (notamment dans leurs champs de compétence) et se coordonner. Peut être faut il, pour cela, remobiliser les Ateliers Santé-Ville.

Y’a comme des manques !

Les participant-e-s du séminaire en pointent deux principaux : un défaut d’information des personnes migrantes, un manque de formation des acteurs communautaires. Plus encore que pour le VIH, les personnes migrantes semblent manquer d’informations sur le VHB et le VHC. Cela concerne aussi bien les raisons de se faire dépister, la vaccination anti-VHB, les stratégies de traitement, la guérison de l’infection par le VHC, etc. Et lorsque les personnes ont des informations, certaines s’avèrent déformées voire erronées. Deux pistes sont envisagées : intervenir dans les foyers en particulier de jeunes travailleurs ou de femmes isolées ; former les acteurs communautaires à transmettre les bons messages.

Autre point : il faut prendre en compte les représentations sur les hépatites dans le counseling Trod. Il y a un poids important des représentations sur les hépatites qui freine l’accès au dépistage. On note parfois une confusion entre les hépatites virales et le VIH. A contrario, certaines personnes n’ont pas peur des hépatites virales parce qu’elles pensent que la maladie est maitrisable. Là encore, la solution est logique, il faut prendre en compte ces représentations pour adapter les informations et messages du counseling avant et après  le Trod VHC et le Trod VHB lorsqu’il sera autorisé.

Se mobiliser ici et là-bas

Côté constats, les participant-e-s du séminaire notent que les gens restés au "pays ne se font pas dépister pour les hépatites" ; que les personnes ne connaissent pas toujours l’existence des Trod ; qu’il y a un déficit de prévention de la transmission des hépatites, notamment la transmission de la mère à l’enfant dans le cas du VHB ; qu’il y a un accès très réduit aux traitements. Côté solutions, il y a la mobilisation depuis "ici" vers les pays d’Afrique. Par exemple, en formant les associations déjà engagées dans la lutte contre le VIH à la lutte contre les hépatites virales. Il faut aussi interpeller les dirigeants des pays sur des campagnes de prévention et de dépistage et l’accès aux traitements. Faut-il mobiliser sur les hépatites ici el là-bas dans  le même temps ou d’abord prioriser la formation et la mobilisation des acteurs ici, avant d’envisager celles dans les pays d’Afrique ? De son côté, le Raac-sida a décidé de privilégier les actions en France et de soutenir les actions extérieures menées par des réseaux internationaux et des associations locales.

Autre point de vigilance pour les participant-e-s du séminaire : la formation et la sensibilisation des professionnels de santé aux problèmes administratifs rencontrés par les personnes concernées par les hépatites virales. Les professionnels de santé rencontrés (hôpital ou ville) ont parfois une véritable méconnaissance des parcours du combattant des malades (accès aux titres de séjour, accès aux droits sociaux, accès à une couverture maladie). Il est indispensable, pour un meilleur suivi des personnes et une meilleure réponse aux besoins, que les professionnels soient informés des difficultés administratives que peuvent rencontrer leurs patients en terme d’accès aux droits et donc aux soins.

Hépatites : quelles priorités pour le Raac-sida ? Quelles stratégies de mobilisation ?

Ici, vous trouverez les axes travaillés, discutés et retenus par le réseau. Ils sont présentés de façon thématique.

1 - Sensibiliser les communautés africaines et caribéennes au VHB et au VHC (Modes de contamination ; moyens de prévention ; traitements et accès aux traitements)
Formation et sensibilisation des acteurs associatifs aux hépatites virales ;
Mise à disposition pour les acteurs de terrain d'outils de communication adaptés (documentations disponibles ou à créer) ;
Information sur les différents outils de prévention : dépistage, vaccins, traitements, préservatifs.

2 - Développer le dépistage du VHB et du VHC
Lutter contre l’éloignement des adultes des programmes de dépistage, en dehors des femmes enceintes :
- par des campagnes de sensibilisation ;
- en renforçant et diversifiant les outils de dépistage des hépatites virales (plaidoyer pour un Trod VHB communautaire, Trod VHC).

3 - Vaccination contre le VHB
Promouvoir la vaccination du VHB aux partenaires et à l’entourage des personnes qui vivent avec l'hépatite B ;
Plaidoyer pour des campagnes de vaccination des adultes originaires d'Afrique et Caraïbes contre le VHB ;
Lever les inquiétudes sur les effets indésirables supposés du vaccin contre le VHB par une communication adaptée.

4 - Accès aux traitements des hépatites virales
Traiter toute personne porteuse du VHB ou VHC (traitement universel des hépatites virales) ;
Favoriser une prise en charge globale pour l'accès aux droits et aux soins des personnes dépistées positives (précarité, titre de séjour, logement, etc.).

5 - Difficultés de partenariat entre les associations
Dynamiser et faciliter les partenariats associatifs et la coordination de l’accompagnement ;
Sensibiliser et former les acteurs communautaires partenaires et professionnels de santé.

On le voit, l’ambition est grande.

(1) Les trod VHC seront mis en œuvre lorsque le projet de loi Santé sera définitivement adopté. C’est prévu en automne 2015.