La Cimade dénonce des "préfectures hors-la-loi"

Publié par France le 30.10.2017
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Droit et socialpréfectureasile

Chaque année, au gré de différents rapports réalisés par des organisations non gouvernementales, on constate de sérieux dysfonctionnements de la part des préfectures concernant les personnes étrangères et les procédures relatives au séjour ou à l’asile. Le 25 octobre dernier, la Cimade est, une nouvelle fois, montée au front pour dénoncer "Ces préfectures hors-la-loi".

"Dans le zèle qu’ils mettent à toujours accueillir moins et expulser plus, plusieurs préfets ont allègrement franchi le cap de la violation délibérée de la loi", dénonce la Cimade dans un récent communiqué (25 octobre). "Ce sont les "dubliné-e-s" (1) qui en font les frais, ces demandeurs et demandeuses d’asile auxquel-le-s il est imposé de retourner effectuer cette démarche dans le premier pays européen d'accueil, en application du règlement dit "Dublin III".

Par un arrêt du 15 mars 2017 (2), la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a jugé que celles et ceux qui doivent être transféré-e-s dans ce premier pays d’accueil ne peuvent être préalablement placés en centre de rétention que si la loi nationale a déterminé les critères objectifs permettant de craindre qu’ils-elles prennent la fuite. Et par un arrêt du27 septembre 2017(3), la Cour de cassation a jugé "qu’en l’absence [dans la législation française] de disposition contraignante de portée générale, fixant les critères objectifs sur lesquels sont fondées les raisons de craindre la fuite du demandeur d’une protection internationale qui fait l’objet d’une procédure de transfert", un tel placement en rétention était illégal.

Et pourtant, nombre de ces hommes et femmes "demandeurs d’une protection internationale" sont encore convoqués dans les préfectures pour y être interpellés et placés en rétention, avant d’être ensuite rapidement transférés dans un autre pays avant même qu’un juge ait pu constater l’irrégularité de la procédure, dénonce la Cimade.
Autrement dit, ces préfets "pratiquent la privation de liberté en dehors de tout cadre légal", indique l’ONG.

"Faut-il rappeler que les personnes concernées n’ont commis aucun délit, qu’elles sont parmi les plus vulnérables, qu'elles ont fui leur pays pour préserver leur liberté ou sauver leur vie, et qu'elles attendent simplement que l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) – ou tout autre organisme équivalent dans un pays de l'Union européenne – statue sur leur cas ?", interroge la Cimade.

"Le gouvernement organise-t-il la violation de la loi en ordonnant aux préfectures d’organiser des procédures aussi illégales qu’expéditives, ou s'agit-il d'initiatives individuelles de préfets zélés qui, coïncidence troublante, décideraient au même moment de s’opposer aux décisions des plus hautes juridictions ?", demande-t-elle encore.

"Dans un cas comme dans l’autre, un retour à l'Etat de droit s’impose. C'est pour que ses exigences soient fermement rappelées que les associations de défense des droits et les avocats qui défendent les personnes demandeuses d'asile s’adressent solennellement au gouvernement.

Signataires : Acat, Adde, Ardhis, Centre Primo Levi, Droits d’urgence, Fasti, Gisti, JRS, La Cimade, Ligue des droits de l’Homme, Mrap, Observatoire citoyen du CRA de Palaiseau, OEE, revue Pratiques, Saf, SMG, Syndicat de la magistrature.

(1) : Pierre angulaire de la construction d’une politique européenne d’asile, le règlement Dublin est né en même temps que l’espace de « libre circulation » en Europe. Son principe est simple : il ne devrait y avoir qu’un examen d’une demande d’asile dans toute l’Europe (il ne faut plus que les demandeurs d’asile partent chercher meilleure fortune dans un autre Etat) et le pays responsable de cet examen est celui qui a laissé entrer, volontairement ou involontairement, le demandeur d’asile, explique la Cimade.
(2) : cf. CJUE, 15 mars 2017, Al Chodor, C-528/15
(3) : Pourvoi no 17-15.160, arrêt N° 1130