L’Afrique du Sud, le bon élève du continent africain ?

Publié par Mathieu Brancourt le 13.07.2016
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ConférencesAids 2016

Depuis la première conférence de Durban, en 2000, l’Afrique du Sud est devenue un leader régional dans la réponse à l’épidémie de VIH. Le retour, seize ans après de la conférence Aids en Afrique du Sud, est l’occasion de faire un bilan de l’action politique en matière de prévention et d’accès aux soins pour les personnes séropositives.

La boucle est bouclée. Plus de quinze ans après la première conférence mondiale sur le sida sur le continent africain, la ville de Durban accueille une nouvelle fois l’International aids society, du 18 au 22 juillet prochain. En matière de lutte contre le VIH, l’Afrique du Sud partait d’assez loin. Au début du troisième millénaire, le pays possédait l’un des plus hauts taux de prévalence du virus parmi sa population : 24,5 % en 2000. Nelson Mandela, ancien président d’Afrique du Sud, avait rappelé en 2000 dans son discours de clôture de la conférence, que si rien n’était fait, un jeune Sud-africain sur deux mourrait des suites du sida. Alors même que les gouvernements du moment refusaient de prendre en compte l’épidémie, voire mettaient en péril la lutte contre le sida, en contestant le danger immédiat de l’épidémie. Depuis, des politiques de santé publique ont permis à un des pays les plus riches d’Afrique de faire d’énormes progrès, certes encore insuffisants, contre le VIH.

Couverture et prévention

Avec 54 millions d’habitants, et d’une taille similaire à l’hexagone, l’ampleur de l’épidémie est sans comparaison possible avec la France. Selon les estimations de 2015, le nombre de personnes vivant avec le VIH en Afrique du Sud dépasse les 7 millions (chiffres Onusida), contre environ 150 000 en France. Cette situation d’épidémie généralisée dans la population a déjà coûté la vie à plusieurs millions de personnes. Les femmes payent un tribut encore plus fort, avec une prévalence, chez les jeunes filles, quatre fois plus élevée que chez les jeunes hommes. Mais la conférence de Durban en 2000 a eu l’effet d’un électrochoc salvateur. Alors que la ministre de la Santé de l’époque jugeait les antirétroviraux inutiles, préférant un "remède ancestral", le président de l’époque, Thabo Mbeki, a lui longtemps nié l’urgence du sida, et a durablement refusé l’arrivée des traitements, perçus comme un impérialisme des entreprises occidentales. En 2003, il se décide enfin à mettre en place un programme d’accès aux traitements antirétroviraux en Afrique du Sud. A partir de là, la prise en charge des personnes vivant avec le VIH a connu une amélioration spectaculaire. Et a porté ses fruits. En 2012, plus de 80 % des femmes enceintes avaient accès à un traitement pour empêcher la transmission mère-enfant. Un taux parmi les plus élevés d’Afrique. Le pays a aussi bénéficié, avec la création du Fonds mondial de lutte contre le sida en 2001, de la mise en place d’une solidarité internationale via des financements de programmes de prévention et de soins. En Afrique subsaharienne, on estime à 1,4 million le nombre des nouvelles infections à VIH en 2014. Une chute de 41 % depuis 2000. Les décès ont baissé de 34 % entre ces deux dates. Ce qui a bénéficié naturellement à l’Afrique du Sud. La prévalence, en 2015, chez les personnes de 15 à 49 ans est de 19,2 %.

Continuer et accentuer le travail initié

Tout est loin d’être parfait évidemment, mais les progrès accomplis en moins de deux décennies sont un signal fort, montrant que l’Afrique du Sud, comme bon nombre de pays du continent, a saisi l’importance de prendre en charge cet enjeu de santé publique. Les outils sont connus, sont de plus en plus accessibles, mais des obstacles politiques ou sociaux se posent encore. Les violences, sexistes ou homophobes, freinent l’accès aux soins des femmes ou des hommes gays, très vulnérables à l’épidémie. L’Afrique du Sud est plutôt un ilot de progressisme au niveau légal, avec des lois anti-discriminations. Mais un énorme chemin reste à parcourir pour mieux prendre en compte les besoins spécifiques des personnes vivant avec le VIH. "Aujourd’hui, les efforts organisationnels et financiers sont réels, l’aide internationale est mobilisée pour lutter contre le VIH dans le pays et plus de deux millions de personnes sont sous antirétroviraux (environ 40 % des personnes en indication de traitement). Toutefois, l’Afrique du Sud aurait besoin de trois fois plus de professionnels de santé face à l’épidémie de VIH", expliquait encore Sophie Lhuillier de l’association Sidaction, en octobre 2014. Le traitement pour tous, c’est l’un des messages principaux de Durban édition 2016, qui n’est toujours pas effectif en Afrique du Sud comme ailleurs. Ce sera un des axes clés dans la réponse contre l’épidémie. Il faudra voir si, sur ce point comme sur d’autres, il y aura comme en 2000, un nouvel effet Durban pour l’Afrique du Sud.