Leçons du passé pour réussir l’avenir sans sida

Publié par Mathieu Brancourt le 08.04.2017
4 625 lectures
Notez l'article : 
0
 
Initiative

A l’occasion d’une rencontre avec des grand-e-s donatrices et donateurs de l’association AIDES, Françoise Barré-Sinoussi, prix Nobel de médecine et co-découvreuse du VIH et Bruno Spire, chercheur à l’Inserm et ancien président de AIDES, se sont livrés à une conversation ouverte sur la lutte contre le sida. Un double regard tourné vers le futur, mais aussi rétrospectif sur ce combat de la recherche et des malades pour leur survie, puis leurs droits. Seronet a assisté à leurs échanges.

"Je vais laisser fiston commencer". C’est ainsi que Françoise Barré-Sinoussi, chercheuse émérite, que certains surnomment, avec affection, "Mamie Nobel", laisse Bruno Spire, "chercheur militant", débuter la discussion avec les donatrices et donateurs présents dans une salle du Marais, à Paris. L’affection qui les lie depuis de nombreuses années permet une complicité peu commune dans le monde de la recherche, et donne l’occasion d’une discussion à bâtons rompus, où les deux personnalités, de génération différente, commentent, nuancent, analysent, rebondissent aux propos de l’autre ou acquiescent. Des débuts balbutiants de la lutte aux "maintenants" conquérants, dans le champ scientifique qui a le plus progressé en si peu d’années.

"La recherche est un temps long. Mais une recherche qui aboutit à des outils efficaces et qui commencent à être accessibles partout, c’est déjà pas mal", explique Françoise Barré-Sinoussi. En matière de VIH, les progrès ont été phénoménaux, de l’ignorance aux traitements qui sauvent en quinze ans à peine.

Commencer

"Cette aventure a embarqué les chercheurs, les médecins au contact des malades, et ces derniers, quand ils ont eu recouvert un peu de force. Les tâtonnements des premiers ont rejoint la colère des personnes concernées, qui appartenaient à des groupes stigmatisés. Les années 80 ont été une tragédie pour nous aussi, avec la douleur de l’impuissance", se remémore la prix Nobel. Gays, consommateurs de drogues, personnes migrantes, le sida est un révélateur social des inégalités. Il l’est toujours, 33 ans plus tard. "C’est merveilleux de voir ces avancées, et de voir qu’aujourd’hui les traitements maintiennent en bonne santé, mais sont aussi une prévention", ajoute-t-elle encore, en référence au Tasp ("treament as prevention", traitement comme prévention) consacré en 2008.

Mais les traitements restent à vie, en l’attente de la guérison, voire d’un vaccin. "Pour la suite, il faut une mobilisation. On galvaude beaucoup le terme, mais la réussite dans le domaine du sida tient à la multidisciplinarité", défend Bruno Spire. Il faut dire qu’il est lui-même une "synthèse" de deux mondes qui ont appris à se fréquenter : la science et le militantisme. Chercheur de formation, l’ancien président de AIDES a rencontré l’association pour ne plus la quitter. "C’est grâce à Françoise que j’ai rencontré AIDES, où j’ai trouvé un lieu où je voulais être". Il explique que son propre militantisme, en résonance avec son intimité, a eu une influence sur son travail scientifique. "D’un chercheur séronégatif, je suis devenu un chercheur séropositif, ouvertement gay. Cela m’a fait recentrer mon objet de recherche, en regardant où étaient les besoins des personnes séropositives".

Au fil des années, après la colère de l’urgence, les militants et activistes ont progressivement intégré les lieux de discussions et de décision et ont eu une voix au chapitre. "De vrais partenaires de recherche, indispensables, experts dans leur domaine, chercheurs en tant que tels", assure Bruno Spire.

François Barré-Sinoussi, fronce les sourcils et prend le micro : elle n’est pas vraiment d’accord. Selon elle, "les chercheurs savaient dès le début qu’ils pouvaient compter sur AIDES". "Même si les associations étaient en attente d’avancées thérapeutiques. La colère se reportait plutôt sur les cliniciens, en contact avec les malades, même si c’étaient les chercheurs qui ne trouvaient pas". Pour la prix Nobel, la relation association/recherche est née, dès le départ.

Continuer

A ce titre, Bruno Spire rappelle le sens de la démarche communautaire de AIDES : "Le communautaire, qui est de partir du besoin des personnes et de leur expertise de vie, de leur savoir profane, a un rôle majeur. Avec les nouveaux enjeux de prévention, nous voyons que les médecins ont du mal à parler de sexualité, plus habitués à parler santé, et pas santé sexuelle. Les acteurs de terrain doivent répondre à cette question car le milieu médical sait orienter vers les soins, moins vers la prévention. Ce créneau doit être pris, car c’est là que réside la solution". L’ancien président de AIDES ajoute : "Malgré le contexte, le communautaire ne doit pas faire peur, ou être taxé de communautarisme. Reconnaître le savoir profane des personnes et faire avec elles, c’est participer à transformer la société". Il cite l’exemple de la PrEP (prophylaxie pré-exposition), nouvel outil de prévention qui a été étudié, validé puis autorisé. "Nous avons démontré que cela marchait. Les personnes l’ont demandée et nous l’avons eue !", se réjouit encore le chercheur. Et de remercier aussi les grand-e-s donatrices et donateurs présents, qui peuvent parfois s’interroger sur le sens de leur contribution financière et de leur engagement solidaire.
"Vos dons, c’est du temps à ne pas réfléchir à la survie de l’association, une capacité à investir du temps dans cette recherche, qui permet d’apporter des solutions concrètes", défend Bruno Spire. Françoise Barré-Sinoussi opine du chef. Elle insiste sur le besoin de ces nouveaux outils pour réussir le défi ultime, un défi accessible : la fin de l’épidémie en 2030. "Nous nous orientons vers une prévention diversifiée, de plus en plus personnalisée, adaptative à chaque individu, avec une palette d’outils. Mais d’ici là, nous devons donner accès aux traitements à toutes les personnes séropositives, améliorer les systèmes de santé au Sud, continuer la recherche pour un vaccin, et surtout lutter contre les discriminations", martèle l’ancien président de AIDES.

Malgré les clichés, les controverses sur l’évolution de la prévention ou les critiques sur la banalisation du VIH, Bruno Spire explique que cette maladie a permis de tirer une leçon de santé publique, qui vaut dans d’autres domaines : "On ne peut pas imposer des comportements aux personnes s’ils ne leur conviennent pas. C’est inefficace et participe à la stigmatisation des plus vulnérables". Françoise Barré-Sinoussi ajoute qu’il est "désespérant, après tant d’années, de voir des lois discriminatoires pour les minorités continuer à maintenir des inégalités, dont on sait qu’elles favorisent la dynamique de l’épidémie". Elle nomme Donald Trump, évoque la future conférence mondiale à Paris, en juillet prochain, qui fera un focus sur la situation des personnes migrantes. Elle s’interroge, en conclusion, sur cette question des droits humains qui reste, en 2017, "bizarrement insoluble à l’échelle mondiale". "Le VIH n’est pas une maladie comme les autres, mais elle a permis de mettre la personne malade au centre. C’est un fondamental qui ne doit jamais disparaître", conclut Bruno Spire. Chiche ?

Commentaires

Portrait de unepersonne

... puis en 2040 puis en 2050 c'est comme ça depuis les années 80 !

faut etre plus qu'optimiste pour prendre l'info positivement , meme en 2030 , il  sera mort encore des milliers de VIH  , cette maladie ne sera jamais eradiquée parce que trop peu de fric y est consacré et qu'elle concerne une frange de la population dont tout le monde se fout dont le ministere de la santé,  qui finance je ne sais quels projets mais ne finance pas ou si peu  la recherche contre le sida 

 preuve en est , des dizaines de personnes se font encore contaminer en 2017 car la maladie du sida est  dans l'ombre , pas assez de prevention, pas assez de protection,  sans compter les personnes sero ingnorantes qui contaminent leurs prochains chaque jour

le sida a encore de belles decennies devant lui compte tenu de la situation actuelle  

sinon, avant de penser à eradiquer la maladie, il faudrait modifier les mollecules  des tritherapies qui sur le long terme entrainent  des maladies collateralles telles que les maladies cardio vasculaires et autres pathologies *** Un propos a été modéré ***, il faut arreter cette hypocrisie

seules les personnes nouvellement contaminées et jeunes verront peut etre un jour la fin du sida en 2030 si cette date n'est pas un enieme canular  , les autres,  notament les anciens seros des années 80 s'eteindront les uns apres les autres d'ici là

merci la recherche, merci à mon pays, merci à tous