Little Odyssée

Publié par Mathieu Brancourt le 27.11.2012
1 963 lectures
Notez l'article : 
0
 
prévalence VIHOdessa
Reporter pour Seronet, Mathieu Brancourt poursuit, à l’invitation du Fonds mondial de lutte contre le sida, son voyage en Ukraine. Le Fonds mondial a proposé à quelques journalistes français de voir quels étaient les enjeux de la lutte contre le VIH/sida, les hépatites et la tuberculose dans ce pays aux frontières de l’Europe. Mathieu nous propose chaque jour un billet de voyage…Troisième étape.
odessa.jpg

La Marseille ukrainienne. Construite sous l'égide du Duc de Richelieu, la cité portuaire et du film "Potemkine" est riche de symboles. Odessa porte néanmoins une autre histoire, plus récente et moins attractive. C'est dans cette région du sud que furent recensés les premiers cas de sida en Ukraine. En 1987, dans la petite ville de Nikolaïev, cinq personnes sont alors dépistées séropositives. La suite, bien d'autres pays la connaissent. La maladie, encore méconnue, commence à s'étendre à l'ensemble du pays. En 1995, le VIH atteint les consommateurs de produits par injection et entre dans une dynamique très active. Bien des années plus tard, nous voilà de retour sur les rives de la mer noire. Les bolides ont remplacé les Lada et la ville est un des poumons économiques ukrainiens. Pourtant, les derniers chiffres de l'ONUSIDA montrent que la lutte contre la maladie n'a pas connu le même essor.

Les populations vulnérables, malgré un travail sans relâche des organisations non gouvernementales, connaissent des niveaux de prévalence du virus record (23 % chez les usagers de drogues, 13 % chez les travailleuses du sexe et 16 % chez les gays, d'après les chiffres du centre du sida d'Odessa). L'arrivée des traitements en 2005 et la mise en place de programmes de prévention (dépistage, échange de seringues) et de substitution (méthadone ou buprémorphine) a permis, assez récemment, une baisse du nombre de nouvelles contaminations et une amélioration de la santé des personnes séropositives. Reste la difficulté à atteindre toutes les personnes concernées, mais aussi à gérer la situation sanitaire, au delà du VIH.

Car ici comme ailleurs, la tuberculose fait des ravages. Pire encore, la difficulté à assurer un bon suivi et maintenir l'observance aux traitements a rendu les souches résistantes. Très résistantes. A l'instar du continent africain sont apparus des cas de XDR, comprenez extrême résistance aux médicaments. Dès lors, il ne reste quasiment plus d'espoir de guérison de la tuberculose. Dans un service spécialisé dans la co-infection VIH/tuberculose, les personnes, dont certaines sont aussi prises en charge dans le programme de substitution (encore et toujours financé par le Fonds mondial...), doivent parfois passer 24 mois sans sortir de l'hôpital. Morne plaine pour ces personnes, déjà stigmatisées et désocialisées. Les organisations et le gouvernement ont bien compris l'intérêt de faire front commun sur les deux épidémies. Le Fonds mondial, grâce à ses financements dans des actions de dépistage, de soutien et de mise sous traitement, permet de maintenir dans le soin les personnes les plus vulnérables à ces maladies. Mais cette aide ne sera pas éternelle. Natalia Nizova, directrice du centre du sida (dépendant du ministère de la santé), le reconnaît : "Il manque un certain leadership de la part des pouvoirs publics pour que les programmes [qui vont bientôt être pris en charge par le gouvernement, ndlr] restent pérennes et suffisamment développés". Cette dernière y croit, mais il n'y a guère de choix. C'est la condition sine qua none, à Odessa comme dans le reste de l'Ukraine, pour que les efforts du Fonds mondial et du front ne soient pas vains.