Mariage pour tous : ça va être chaud !

Publié par jfl-seronet le 21.01.2013
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Droit et socialmariage pour tous

Le 29 janvier démarrent à l’Assemblée Nationale les débats sur le projet de loi de mariage pour tous. En amont, les travaux parlementaires, ceux des commissions, ont commencé. Lundi 14 janvier, la commission des Affaires sociales a rendu un avis consultatif et mardi 15 janvier, c’était au tour de la commission des lois de traiter du texte. Le déroulement des travaux du lundi a d’ores et déjà donné une idée de la façon dont l’opposition allait traiter de cette question : propositions alternatives et claquements de porte. Cela promet pour les futures discussions fin janvier.

Le succès de la manifestation du dimanche 13 janvier (entre 400 000 et 800 000 selon les sources) a donné des ailes à la droite qui a manifestement envie d’en découdre et de prolonger le combat. Il faut dire que c’est un sujet en or pour elle qui lui permet de jouer (même facticement) la cohésion et de faire oublier la guerre fratricide entre Jean-François Copé et François Fillon. Ce succès (qui doit beaucoup à la mobilisation catholique, à celle de l’UMP elle-même et à celle de l’extrême droite), l’UMP entend le prolonger quitte à en faire des tonnes dans le registre de la protestation outrée, des demandes excessives et des manœuvres de diversion. Retour sur quelques points.

Des alternatives de diversion

C’est assez étonnant de voir à quel point la droite s’intéresse désormais au sort des couples homos. Il aura suffi que la gauche s’engage à ouvrir le mariage pour tous pour que la droite se mette, au fil des semaines, à dégainer ses propositions alternatives. Avant, elle n’en parlait pas, jamais ! Une partie de l’UMP a compris que la seule ligne de la critique du projet de loi socialiste n’était pas à la hauteur des enjeux et de la demande sociale. L’UMP estime aussi que rejeter le mariage pour tous sans faire un geste en contrepartie n’est pas durablement tenable. La voici donc qui défend une "alliance civile" ou une "union civile". Même Jean-François Copé qui a défilé contre l’égalité des droits comprend qu’il faut faire quelque chose. Ainsi écrit-il le 11 janvier dernier dans un billet sur le site de l’UMP : "En revanche, il me semble anormal qu'un couple de personnes homosexuelles ne bénéficie pas d'un statut juridique protecteur en cas de décès ou de séparation, malgré parfois des années de vie commune. C'est pourquoi le groupe UMP défendra un amendement visant à créer une forme d'alliance civile réservée aux couples de même sexe. Cette alliance n'ouvrirait pas droit à l'adoption, mais protégerait les personnes des accidents de la vie. Notre démarche montre combien on peut à la fois être opposé au mariage pour les couples de même sexe et engagé dans la lutte contre toutes les discriminations, dont l'homophobie. Et je dénonce par avance tous les amalgames et excès qui pourraient inutilement blesser les citoyens qui s'engagent pour ou contre ce projet." Evidemment, les premiers concernés, les personnes LGBT, n’ont pas été consultés et d’ailleurs ce qu’ils réclament c’est l’égalité des droits, pas une solution de rattrapage conçue, de surcroît, à la va-vite.

Le référendum… l’UMP en rêve

Cela fait des semaines que la droite demande un référendum sur le projet de loi. Une centaine de députés UMP et UDI (le centre façon Jean-Louis Borloo) a déposé une motion réclamant la tenue d'un référendum… dont le gouvernement ne veut évidemment pas entendre parler. François Fillon est signataire de cette motion référendaire qui est à l’initiative de l’ancien ministre et actuel député UMP Laurent Wauquiez (UMP). Cette motion référendaire, qui devrait être présentée dans l'hémicycle, demande que "le projet de loi ouvrant droit au mariage pour les personnes de même sexe soit soumis au référendum afin que les Français puissent décider eux-mêmes de l'avenir de la société dans laquelle ils veulent vivre".  Le texte souligne notamment que "s'il était adopté, le projet de loi proposé par le gouvernement aurait nécessairement des conséquences majeures en matière de politiques sociales", notamment en termes de retraites ou de congés d'adoption. Si l’UMP avance cet argument, c’est que la question du référendum fait débat. La plupart des spécialistes de la constitution et le gouvernement estiment que ce sujet n’entre pas dans le champ du référendum. La Constitution dit, en effet, que peuvent être soumises à référendum "les réformes relatives à la politique économique ou sociale", mais pas les questions de société. L’UMP estime le contraire d’où sa tentative de passage en force. Le gouvernement sait qu’un référendum est risqué car l’adoption par les couples de même sexe (comprise dans le projet de loi) ne fait pas consensus dans la société. Le gouvernement avance aussi que François Hollande s’est engagé clairement lors de sa campagne présidentielle sur cette proposition, qu’il n’a pas avancé masqué et que les Français (qui l’ont élu) ont donc déjà dit oui à ce projet, d’ailleurs ils ont aussi voté en faveur d’une majorité PS à l’Assemblée Nationale qui défend ce projet.

Claquements de porte

Le débat en commission des affaires sociales a été houleux à l’Assemblée nationale indique l’AFP. Les députés UMP ont claqué la porte de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, qui a rendu un avis consultatif favorable sur le texte, avant que la Commission des Lois, compétente sur le sujet, s'en saisisse à partir de mardi 15 janvier. La raison de ce claquement de porte ? Le rejet par la majorité socialiste de la commission d'amendements UMP et UDI instaurant des solutions alternatives au mariage pour les personnes de même sexe, alliance civile ou union civile. "Les députés présents de l'UMP ont refusé de continuer à participer au travail en commission comme si de rien n'était, comme si la loi ordinaire était l'instrument légitime de cette réforme, comme si les Français n'avaient pas exprimé - et avec quelle force - leur souhait d'être consultés par référendum", ont expliqué dans un communiqué les députés UMP Henri Guaino et Jean-Pierre Door, principaux auteurs du coup d’éclat.  La grande thèse du député Guaino est que le Parlement ne serait pas légitime pour réaliser cette réforme. "Si le Parlement n'est pas légitime, à quoi servent Monsieur Guaino et ses amis, pourquoi se sont-ils présentés devant les électeurs ? (....)", a ironisé Bruno Le Roux, président du groupe socialiste à l’Assemblée Nationale. "Dans sa croisade référendaire contre le mariage pour tous, l'UMP est en train de perdre la tête", a estimé, dans un communiqué, le président du groupe socialiste.

La guerre… ou presque

Rodomontades, effets de manche et de voix… Christian Jacob, le chef des députés UMP, a affirmé mardi 15 janvier que les députés de son groupe mèneront "par tous les moyens à leur disposition" la "bataille" contre le projet de loi ouvrant le mariage et l'adoption aux couples de même sexe. "Il n'est pas question de laisser passer ce texte qui, au-delà du mariage, engage l'adoption, réforme la filiation, induit la PMA" (procréation médicalement assistée), a déclaré le président du groupe UMP à l'Assemblée lors d'une conférence de presse. Il oublie de signaler que la PMA ne fait plus partie du projet, mais tous les coups semblent permis. "On utilisera tous les moyens parlementaires à notre disposition, les amendements, les motions, etc. Cette bataille, on l'a engagée dès hier soir en commission des Affaires sociales, on va la continuer aujourd'hui en commission des Lois et à partir du 29 janvier dans l'hémicycle", a-t-il ajouté, cité par l’AFP. Interrogé sur le départ fracassant des députés UMP de la commission des Affaires sociales lundi 14 janvier, Christian Jacob a répondu : "Il y a eu un incident de séance hier soir en commission des Affaires sociales. Mais nous n'allons pas pratiquer la politique de la chaise vide." "On va redéposer nos amendements, notamment celui sur l'alliance civile, et continuer le débat parlementaire. Si notre amendement n'est pas retenu, on déposera tous nos amendements de suppression et on bataillera sur leur défense", a-t-il poursuivi.

Les débats, c’est pour quand ?

Programme très chargé pour les débats à l’Assemblée nationale qui sont prévus sur deux semaines. Si on en juge par le calendrier publié sur le site de l’Assemblée nationale, les députés vont démarrer l’examen du texte le 29 janvier et pourraient même siéger les week-ends des 2 et 3 février et des 9 et 10 février pour pouvoir achever le débat sur le projet de mariage pour tous, qui devrait se conclure par un vote le 12 février. Réunie mardi, la conférence des présidents de l'Assemblée, qui regroupe notamment les chefs de file des groupes politiques autour du président de l'Assemblée, Claude Bartolone (PS), a décidé, fait exceptionnel, d'ouvrir l'hémicycle du Palais-Bourbon durant ces deux week-ends pour permettre, le cas échéant, à un débat qui s'annonce long et houleux d'aller jusqu'à son terme. Le vote final sur le texte, qui partira ensuite au Sénat, devrait intervenir le mardi 12 février, selon le président de la commission des Lois de l'Assemblée, Jean-Jacques Urvoas (PS).