Mariage pour tous : un vote historique et après

Publié par jfl-seronet le 13.02.2013
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Droit et socialmariage pour tous

Grand jour mardi 12 février avec le vote solennel du projet de loin sur l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe. Affluence des grands jours et une bonne nouvelle pour le gouvernement… ce qui est rare en cette période. Seronet fait le point sur ce premier point d’orgue sur le mariage pour tous.

Le week-end précédent le vote a connu la fin des débats, c’était samedi matin à 5h40, au terme de 110 heures de discussion et de l’examen de 4 999 amendements, et les échanges entre la garde des Sceaux, Christiane Taubira, et la députée UMP, Nathalie Kosciusko-Morizet. L’objet de ces échanges : la décision de la députée UMP de s’abstenir lors du vote sur le projet de loi. Dans une tribune intitulée "L'abstention, meilleure des solutions" et publiée sur le "Huffington Post" (11 février), Nathalie Kosciusko-Morizet et son collègue le député UMP Edouard Philippe expliquent les raisons de leur choix. Selon eux, il ne s’agit pas d’un "refus de choisir", mais d’une "abstention militante et engagée". D’un côté, les deux députés indiquent qu’ils pourraient voter ce texte car le "mariage de personnes de même sexe viendra organiser, dans le droit, un engagement réciproque à fonder une union juridique respectable" ; ils notent aussi qu’un "enfant peut être élevé, et bien élevé, par un couple homosexuel". Alors qu’est-ce qui les freine ? Une seule raison : "l'adoption plénière, autorisée par le texte, [qui] nous engage sur une voie qui n'est ni nécessaire ni raisonnable. (...) Le gouvernement a choisi de cliver par calcul politique". De son côté, la ministre de la Justice Christiane Taubira a interpellé l’ancienne ministre UMP en lui demandant de reconsidérer son choix. "Dans l'immédiat et plus tard, chacun pourra  expliquer un vote pour, un vote contre. Par le temps qui passe, l'abstention, sur un sujet de société majeur, s'obstine toujours à demeurer énigmatique ou se prête aux plus fantaisistes interprétations", soutient la ministre.

Qui a voté pour et qui a voté contre ?

L'Assemblée nationale a adopté mardi 12 février, en première lecture, par 329 voix contre 229 et dix abstentions, le projet de loi ouvrant le mariage et l'adoption aux couples de même sexe. Comme le détaille l’AFP. Quatre députés membres du groupe socialiste ou apparentés ont voté contre : Bernadette Laclais, Jérôme Lambert, Patrick Lebreton et Gabrielle Louis-Carabin. Cinq se sont abstenus : Ibrahim Aboubacar, Marie-Françoise Bechtel, Jean-Luc Laurent, Jean-Philipe Mallé et Dominique Potier.

Deux députés UMP ont voté pour, l’ancien ministre Benoist Apparu et Franck Riester, tandis que cinq se sont abstenus : les anciens ministre Nicole Ameline, Nathalie Kosciusko-Morizet, Pierre Lellouche, Bruno Le Maire et le député Edouard Philippe.

A l'UDI, quatre ont voté pour : Philippe Gomes, Yves Jégo (ancien ministre), Sonia Lagarde et Jean-Christophe Lagarde, auxquels il faut ajouter Jean-Louis Borloo qui a voté par erreur contre, mais a ensuite fait savoir sur l'analyse officielle du vote qu'il avait voulu voté pour.

Neuf députés du Front de gauche sur dix ont approuvé le projet de loi, à l'exception de Patrice Carvalho. Mais aucun des élus d'outre-mer qui cohabitent avec eux au sein du groupe de la Gauche démocrate et républicaine n'a soutenu le texte.

Le seul groupe à avoir unanimement voté le texte est celui des écologistes, tandis que les sept non-inscrits ont voté contre, dont Marion Maréchal-Le Pen et Gilbert Collard (FN), Nicolas Dupont-Aignan, Jacques Bompard et le Modem Jean Lassalle.

Sur les 26 députés d'outre-mer, 11 ont voté contre (notamment 3 Martiniquais du GDR, 2 Guadeloupéens PS et RRDP, 3 Polynésiens de l'UDI), 9 pour (dont 4 Réunionnais du PS, 2 UDI de Nouvelle-Calédonie) et 1 s'est abstenu (1 Mahorais du PS). Cinq n'ont pas pris part au vote (1 PS de Mayotte, 2 PS de Guadeloupe dont la suppléante du ministre Victorin Lurel, 1 Guyanais et 1 Réunionnais, tous deux GDR).

Les réactions d’après-vote

C’est sur le mode mauvais perdant qu’est intervenu François Sauvadet, vice-président du groupe UDI à l’Assemblée Nationale. "Aujourd'hui, le gouvernement se félicite du vote de sa loi. Il ne s'agit pourtant que d'une victoire à la Pyrrhus (…) La majorité favorable au mariage homosexuel se fissurera, consciente des dérives que la PMA (procréation médicalement assistée) et sa suite logique, la GPA (gestation pour autrui), impliqueront en termes de marchandisation du corps et d'abolition volontaire du lien de filiation". De son côté, Bertrand Delanoë, maire PS de Paris, a expliqué dans un communiqué : "C'est avec beaucoup de satisfaction et de fierté que je salue le vote par l'Assemblée Nationale du projet de loi sur le mariage pour tous. Ce premier pas constitue une étape fondamentale vers la conquête d'un grand progrès en terme d'égalité mais également de fraternité. Il fait honneur à la représentation nationale". Président du Parti radical de gauche (PRG), Jean-Michel Baylet s'est félicité par le biais d'un petit clip diffusé sur le site du parti, de l'adoption de la loi sur le mariage homosexuel, qui constitue selon lui un "message de justice et de fraternité". Pour Jean-Michel Baylet, "c'est une nouvelle page qui s'est inscrite dans l'histoire française des libertés publiques".

Les militants réagissent également

L’Inter-LGBT a exprimé mardi 12 février son "émotion" et sa "satisfaction" après l'adoption en première lecture du projet de loi. "J'étais dans l'hémicycle, j'ai ressenti beaucoup d'émotion, évidemment. On voit aboutir dans ce texte des années et des années de mobilisation des associations dans ce combat pour l'égalité des droits", a déclaré à l'AFP le porte-parole de l'association, Nicolas Gougain. "J'ai aussi ressenti beaucoup de satisfaction de voir qu'il y avait une majorité très claire, absolue, qui s'est prononcée sur ce texte qui vient couronner dix jours de débats qui ont permis de répondre à un certain nombre de contre-vérités assenées depuis des mois sur ce que pouvaient être les familles homoparentales", a-t-il ajouté. "On va être très attentifs sur les débats au Sénat", a assuré Nicolas Gougain, se disant d'ores et déjà "optimiste" quant à l'adoption du texte par la Chambre haute du parlement. Selon lui, l'Inter LGBT "fêtera cette avancée", le 29 juin à Paris, lors de la Marche des fiertés.

Act Up-Paris se "félicite du vote en première lecture à l'Assemblée Nationale du projet de loi ouvrant le mariage à tous les couples. Nous attendons une lecture conforme au Sénat afin que cette loi passe au plus vite. Si nous sommes conscients des efforts qu'ont dû faire au cours des 15 derniers jours les élus et ministres les plus combattifs en matière d'égalité des droits, nous rappelons aussi que c'est pour les LGBT, insultés quotidiennement depuis des mois, que la période a été la plus dure. Nous rappelons aussi que l'homophobie ne se serait pas exprimée aussi violemment, si, dès le départ, le Président de la République, le Premier ministre, le gouvernement et les élus de la majorité avaient mené un front commun pour défendre une égalité totale entre homos et hétéros".

AIDES salue ce vote historique... "Nous sommes fiers des députés qui, au cours des débats, ont dévoilé avec émotion une partie de leur vie intime, rompant ainsi avec la tradition d’invisibilité des LGBT sur la scène politique. Nous sommes fiers des membres de l’opposition qui ont choisi de rallier un grand mouvement de justice sociale plutôt que de céder aux sirènes politiciennes", écrit l’association. "En ce jour, nous avons une pensée toute particulière pour toutes celles et tous ceux qui sont partis sans avoir eu le droit de se marier, comme pour toutes celles et ceux qui ont perdu leur conjoint-e sans aucun droit sur leur propre deuil", explique Bruno Spire, président d'association. "Le mariage pour tous, c'est la reconnaissance sociale et citoyenne pour des milliers de femmes, d'hommes et d'enfants. A terme, l'égalité de droit nous permettra de vivre notre sexualité au grand jour, de nous affranchir enfin du stigma social pour mieux prendre soin de nous. Répétons-le : l'accès de tous aux mêmes droits est indissociable d'une politique efficace de lutte contre le sida".

PMA : Taubira s’engage

La procréation médicalement assistée (PMA) voulue par les couples de lesbiennes est une "demande légitime", a affirmé mardi 12 février la ministre de la Justice Christiane Taubira dans une interview sur France 2, soulignant que "c'est un sujet très lourd, avec de lourdes conséquences. Cette demande étant légitime, nous devons y répondre le mieux possible pour la société", a déclaré la ministre en ajoutant que "le gouvernement aura le souci de traiter le sujet de la façon la plus complète, la plus juste et la plus efficace possible". La ministre de la Justice a indiqué avoir fait connaître dès le mois de septembre 2012 sa position au président François Hollande, mais qu'elle s'était abstenue jusqu'à aujourd'hui de l'exposer publiquement pour "éviter de participer au brouillage du texte que nous présentons". "Dès le mois de septembre, j'ai fait connaître au président de la République que j'estimais légitime cette revendication des couples de femmes tout en disant que c'est un sujet très lourd qui doit être traité en tant que tel et qui soulève toute une série de difficultés entre les couples hétérosexuels et homosexuels", a-t-elle dit.

Quelle est la suite ?

Une date en mars avait été annoncée, mais finalement c’est à partir du 2 avril que le projet de loi ouvrant le droit au mariage et à l'adoption pour les couples de même sexe sera examiné au Sénat. C’est ce qu’a annoncé mardi 12 février le ministre des Relations avec le Parlement Alain Vidalies. "Nous avons convenu de proposer que l'examen du texte commence à partir du mardi 2 avril sous réserve de l'accord de la Conférence des présidents" (au Sénat), a déclaré à la presse le ministre à l'issue de la réunion hebdomadaire du groupe PS du Sénat. La date du 18 mars avait été précédemment évoquée mais le gouvernement a choisi le 2 avril, "compte tenu des délais nécessaires pour finaliser les auditions et surtout rédiger le rapport", selon Alain Vidalies.

Commentaires

Portrait de fioredelmiosegreto

Le vote erroné de Boorlo ressemble davantage à un acte manqué ! 

S'agissant de Kociusko et compagnie qui se sont abstenus, belle hypocrisie ! Ils savent que dans quelques mois, le mariage pour tous sera une évidence pour tout le monde, et même s'ils sont foncièrement contre quoi qu'ils en disent officiellement, ils le savent bien et ne veulent pas qu'on les ringardise, comme cela a été fait pour les opposants de l'époque au PACS.

Portrait de Muffin64

S'abstenir c'est soit ne pas connaître la France de 2013 mais aussi une incapacité a gouverner et a prendre des décisions. Pour un député c´est ballot. Mais pour la plupart c'est une manière simple de se défiler car la plupart des deputes, particulierement ceux de droite sont défavorables au mariage et a l'adoption pour les couple gays et ils ne veulent pas que l'on pense qu'ils sont homophobes et ringards. Certainement des considerations electoralistes pour mieux se faire valoir pour les prochaines elections. Pour moi c´est de l'hypocrisie. Encore une fois Jean Louis Boorlo, centriste, se fait remarquer. Il a du encore picoler mdr. Il aurait pu s'abstenir au lieu de voter contre!!!. L'abstention ça colle mieux aux centristes ;) 

Portrait de guppy

Ce sont les députés PS qui ont voté contre le projet où se sont abtenus!

Portrait de Muffin64

Je ne crois pas qu'en nombre ou en pourcentage ils soient très important pour être affligeant et surtout par rapport a d'autres groupes de députes. En outre, ils n'ont pas empêche le gouvernement d'agir. 

Portrait de fioredelmiosegreto

Ca ne peut pas être deux poids deux mesures. Quel que soit le bord politique, je trouve affligeant de s'être prononcé contre. 

Portrait de Muffin64

Oui je suis trop rigide mais pas encore parfait lol. Mais il y aura toujours des gens contre et encore de l'homophobie a combattre. 

Portrait de frabro

Dans les débats de société, il y a toujours des personnes qui prennent parti en raison de convictions profondes, et d'autres qui se positionnent par posture politique parce qu'ils n'ont justement pas le courage de défendre leurs convictions.

Lorsque l'on se penche sur les motivations des "politiques", entre en ligne de compte qu'ils ne perdent jamais de vue les enjeux de leur future ré-élection. Il est fort possible que, pour ou contre, certains aient choisi de suivre la consigne de vote de leur parti pour être sûrs de bénéficier de l'indispensable investiture pour les prochaines échéances électorales.

Le seul vote qui m'inquiète réellement est celui des députés d'outre mer, dont les deux tiers n'ont pas voté le texte (contre ou abstention). Ceci révèle à quel point l'homophobie est encore très présente dans ces territoires de la République, et bien supérieure à ce que l'on connait en Métropole.

Portrait de guppy

En outre mer on a pas le droit d'être raciste mais homophobe oui.

Portrait de fioredelmiosegreto

avec ce que vous dites, Frabro et Guppy, votre analyse est plus fine que la conclusion que j'ai faite préalablement.

Muffin, la rigidité est parfois un avantage certain. ^^