Prep : de la recherche à l'action

Publié par Rédacteur-seronet le 07.04.2018
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ConférencesPrEPAfravih 2018

A l’Afravih 2016 à Bruxelles déjà, Coalition PLUS appelait à une mobilisation pour l’accès universel à la Prep. Autrement dit un accès pour toutes et tous, maintenant et partout. Où en est-on depuis des projets de mise en œuvre de la PrEP ?

Peux-tu te présenter brièvement ?

Mathilde Carreau : J'ai 29 ans. Je suis volontaire à AIDES depuis sept ans et salariée à AIDES depuis cinq ans. Avant d’arriver à l'association, j'ai travaillé en tant qu’animatrice de prévention, notamment concernant l’alcool auprès des jeunes dans la rue. L’approche communautaire, notamment en matière de réduction des risques, est un sujet qui m'intéresse beaucoup.

Est-ce ta première conférence internationale sur le VIH/sida ?

Oui. Je trouve les sujets des présentations intéressants et je prévois d'ailleurs d'en faire une présentation dans mon lieu de mobilisation à mon retour.

Comment se passe l’accompagnement Prep ?

C’est assez facile pour les accompagnatrices et accompagnateurs grâce aux guides Prep que nous avons réalisées. Ce qui est délicat, c'est que l’accompagnement Prep ouvre de vraies questions techniques, mais également amène à des questions personnelles liées à l’intimité et à la sexualité des personnes. On y aborde aussi la façon de parler de la Prep autour d’eux, de gérer une potentielle discrimination en lien avec l'usage de la Prep... Finalement, cet accompagnement est assez large et touche à bien des domaines. Ce qui est important, c'est de pouvoir donner les éléments et les informations pour que les personnes puissent faire les choix les plus adaptés à leurs besoins, à leur protection. J'entends faire passer le message que chacun, chacune doit avoir le choix : dans ses soins, dans celui de son médecin, dans son schéma de prise de la Prep, etc.. La Prep est, selon moi, aussi un outil d'empowerment.

Quelles sont les barrières à la Prep ?

Les personnes qui bénéficient principalement de la Prep aujourd'hui sont très majoritairement des hommes ayant des relations sexuelles avec d'autres hommes. Il faut approcher les femmes, les migrants, toutes les personnes qui peuvent avoir besoin de cet outil, en adaptant les informations, la communication pour faire mieux connaître cet outil et son intérêt selon tel ou tel groupe. Une autre barrière importante, c'est le fait que les consultations Prep sont actuellement limitées au milieu hospitalier. Le lieu de mobilisation de Bordeaux, où je milite, souhaite trouver un médecin infectiologue qui vienne dans nos locaux... ce qui permettrait de proposer des horaires plus flexibles, des horaires du soir, un autre cadre et une autre ambiance.

Propos recueillis par Rosemary Delabre

Prep, c'est où, c'est qui ?
En Europe, ce sont principalement les hommes ayant des relations sexuelles avec d'autres hommes qui bénéficient de la Prep. Malgré le fait que certaines femmes considérées comme étant à "haut risque d’infection" puissent également en bénéficier, peu de données sont disponibles sur leur intérêt pour cet outil, particulièrement en Europe. Eté 2016, plus de 15 000 personnes à travers douze pays européens ont répondu à l’enquête Flash ! PrEP in Europe qui visait à évaluer le niveau de connaissances et l’intérêt de la PrEP. Parmi les 678 répondantes de l’enquête Flash PrEP en Europe, presque la moitié a déclaré connaitre la Prep avant l’enquête. Les femmes qui ont une perception élevée d’être à risque ou sont à haut risque d’infection au VIH sont aussi celles les plus intéressées par cet outil de prévention. Ces résultats montrent donc l’intérêt de la Prep auprès de populations plus larges que les HSH.

Au Maroc, 65 % des infections au VIH surviennent parmi les populations clés qui n’utilisent pas systématiquement le préservatif. Forte de ce constat, l’ALCS, première association de lutte contre le sida au Maroc, mène actuellement la première étude sur la PrEP dans la région Moyen-Orient et Afrique du Nord, en collaboration avec le ministère de la Santé, l’Onusida et le Fonds mondial. L’objectif du projet "PrePare Morocco" est d’évaluer l’acceptabilité par les hommes ayant des relations sexuelles avec d'autres hommes (HSH) (300) et les travailleuses du sexe (TDS) (100) de l’utilisation de la Prep en continu pour une période de neuf mois dans trois villes marocaines. Ainsi, sept médecins et douze accompagnateur-trice-s communautaires ont été formé-e-s sur la Prep. Plus de 35 séances de sensibilisation et d’information sur la Prep ont été réalisées avec environ 500 bénéficiaires de l’ALCS. A ce jour, 330 participants sont sous Prep dont 84 femmes. La phase de suivi se poursuit jusqu'à la fin du mois d’avril 2018. Les prochains résultats sont donc à venir !

En Afrique de l’Ouest enfin, les HSH sont particulièrement concernés par l’épidémie (près de 5 % pour 100 personnes-années). Dans le cadre du projet CohMSM ANRS 12324, une cohorte de 564 HSH séronégatifs se sont vus proposer un suivi préventif trimestriel incluant le dépistage du VIH et des autres IST mais pas d’offre de Prep. A l’inclusion dans la cohorte, 85 % des HSH n’avaient pas connaissance de la Prep, mais après avoir eu les informations, 87 % ont déclaré être intéressés pour la prendre. Cette analyse a démontré que les HSH les plus exposés au risque d’infection du VIH sont intéressés pour prendre la PrEP. Le projet CohMSM-PrEP, actuellement en cours dans les mêmes régions, vise à évaluer l’acceptabilité et l’utilisation de la Prep.

Peux-tu te présenter brièvement ?

Je suis pair-éducateur à l’AAS, au sein de la section HSH depuis 2008 au Burkina Faso. AAS est une association créée en 1991 qui s’occupe de la prise en charge globale des personnes vivant avec le VIH, des orphelins et des enfants vulnérables, ainsi que des populations clés, notamment les HSH et les TDS.

Quel est le bilan de ces deux premières journées à l’Afravih ?

Bilan très positif car j’ai pu suivre plein de présentations, notamment celles sur la Prep, qui étaient très édifiantes, particulièrement concernant la Prep au féminin, ce qui a renforcé mes connaissances car j’avais plus de connaissances sur cet outil en milieu HSH, dans lequel je travaille. La présentation du docteur Pauline Penot (Hôpital André Grégoire, Montreuil) m’a beaucoup plus car elle a donné un volet plus humain à la Prep, et a permis de la sortir du cadre totalement médical des présentations que l’on voit en général. L’atelier au stand de Coalition PLUS sur le projet CohMSM-Prep sur lequel je travaille, a permis de pouvoir échanger avec des associations membres de Coalition PLUS, et notamment des personnes qui travaillent aussi sur la Prep en France, et qui n’étaient pas forcément informées des réalités que nous vivons en Afrique de l’Ouest. Cela a permis de soulever des questions aussi de mon côté, auxquelles je n’avais pas forcément pensé.

Le petit hic, c’est de ne pas pouvoir suivre tout ce que l’on veut, car des sessions intéressantes se déroulent parfois en même temps, comme celle sur l’engagement communautaire et les populations clés. C’est un peu ça la petite déception, vu que c’est la première fois que je participe, j’ai envie de voir plein de choses, mais on ne peut pas tout avoir !

En quoi c’était important pour toi de participer à la conférence ?

De mon point de vue non médical, c’est important d’avoir encore plus de connaissances plus poussées et si possible de pouvoir apporter le côté communautaire à ce genre de rassemblement, qui souvent est un peu lésé. Pour la bonne marche de toutes ces actions de prévention et de mobilisation de réponse à la lutte contre le VIH, il est important de prendre en compte les communautaires.

Est-ce que la Prep est disponible au Burkina Faso ?

Oui, la Prep est disponible dans le cadre du projet de recherche CohMSM-PrEP mais seulement pour une cohorte de 100 HSH qui sont en cours de recrutement.

C’est quoi le projet CohMSM-Prep ?

Un projet d’étude qui vise à évaluer l’acceptabilité et la faisabilité de l’usage de la Prep en Afrique de l’Ouest chez les HSH . Il se déroule dans quatre pays qui sont le Burkina Faso, le Mali, le Togo et la Côte d’Ivoire.

Comment as-tu connu la Prep ?

J’ai entendu parler de la Prep sur le projet CohMSM, car avant le démarrage du projet CohMSM-Prep, j’ai été moi-même participant du projet jusqu’à mon entrée comme pair-éducateur. CohMSM est un projet dont l’objectif est d’évaluer l’acceptabilité et la faisabilité d’une prise en charge globale préventive pour les HSH séropositifs et séronégatifs en Afrique de l’Ouest.

Quel est ton rôle dans le projet CohMSM-Prep ?

Je suis pair-éducateur chargé de l’accueil des participants, de l’explication du projet de recherche, de la programmation des rendez-vous, de l’explication des schémas de prise de la Prep, de la dispensation des préservatifs et gels, du remboursement des frais de transports des participants... Tout ça c’est l’accompagnement communautaire que nous faisons avec un autre pair-éducateur sur le projet au Burkina Faso. Nous sommes en tout neuf pairs-éducateurs sur les quatre sites de CohMSM-Prep. J’anime aussi les groupes de parole ouverts tout autant aux participants de CohMSM-Prep qu’aux autres membres de la communauté HSH qui désirent avoir des informations sur la Prep, et également des échanges avec le conseil communautaire. C’est un petit groupe membre de la communauté HSH participant ou non au projet CohMSM-Prep, dans le but de recueillir certaines informations relatives à la Prep qui circulent et de faire connaitre la Prep dans la communauté.

Que disent les participants du projet de la Prep ?

Au départ, les participants avaient quelques appréhensions et inquiétudes car ils n’avaient pas toutes les informations nécessaires sur l’efficacité de la Prep, déjà prouvée. Après leur inclusion, il commence à naître chez les participants une certaine confiance envers la Prep car ils se sentent rassurés, protégés du VIH en utilisant la Prep. Sur leur vie sexuelle et affective, pour certains cela permet une plus grande confiance avec leurs différents partenaires car le partage du statut n’est pas très réel sur le terrain, et également pour ceux qui savent ce qu’est la Prep, ils sont rassurés quand ils savent que leurs partenaires l’utilisent. On a une population de moins de 18 ans qui est sexuellement active, je me demande comment eux pourraient avoir accès aussi à la Prep ? Mon autre inquiétude est l’évolution possible des IST avec la Prep, c’est ce que nous allons voir aussi dans l’étude.

Je crois en la faisabilité de la Prep en Afrique de l’Ouest, la Prep est vraiment la bienvenue ! Mon souhait est que tous les HSH puissent avoir accès facilement à la Prep pour plus de sécurité et pour une baisse des nouveaux cas d’infections !

Propos recueillis par Paméla Palvadeau