Prix du médicament : les représentants des usagers consultés

Publié par Théau Brigand le 13.08.2015
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En 2014, les débats sur le prix des traitements innovants contre l’hépatite C ont agi comme accélérateur de la mobilisation des associations sur les questions de prix et d’accès  aux médicaments pour toutes et tous. En lien avec de nombreux partenaires associatifs (Ciss, SOS hépatites, Médecins du Monde, TRT-5, etc.)  AIDES a travaillé sur des amendements à la loi Santé afin de permettre de faire évoluer les critères de prix, pour permettre plus de transparence et pour intégrer les représentants des usagers dans les différentes instances de décision. C’est sur ce dernier point que AIDES vient d’obtenir une évolution majeure. Explications.

En effet, un décret, publié mi-juillet, fait rentrer les usagers dans deux instances de la Haute autorité de santé (HAS) : la commission de la transparence et la commission nationale d’évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé.

Rappel sur la fixation des prix des médicaments

Lorsqu’un médicament obtient son Autorisation de mise sur le marché (AMM), c'est-à-dire quand il est validé pour être mis en vente, et que le laboratoire pharmaceutique souhaite qu’il soit remboursé, le prix n’est pas libre. Il doit être négocié avec l’Etat sur la base d’un certain nombre de critères et d’avis. Le médicament est présenté à la Haute autorité de santé (HAS), à la Commission évaluation économique et de santé publique (CEESP) qui rend un avis d’efficience (efficacité par rapport au coût), à la Commission de la transparence qui fixe le service médical rendu (SMR) et l’amélioration du service médical rendu (ASMR), c'est-à-dire qui évalue l’effet du médicament et son intérêt par rapport aux autres médicaments déjà sur le marché pour la même pathologie. Ces avis sont transmis au Comité économique des produits de santé (CEPS) qui négocie alors avec le laboratoire pour fixer un prix, prix qui sera le prix du remboursement par la Sécurité sociale.

Ce processus est marqué par un très haut niveau de complexité, un manque grave de transparence sur les négociations, et par une absence quasi-totale des usagers du système de santé, pourtant les premiers concernés.

Qu’ont gagné les associations ces derniers mois ?

A l’Assemblée nationale, pour répondre à ce défaut de démocratie sanitaire en matière de produits de santé, les associations avaient demandé à intégrer les instances déterminantes sur le prix, le CEPS et la Commission de la transparence de la HAS notamment, sachant qu’il y a déjà un représentant des usagers à la CEESP. Ces amendements avaient permis d’obtenir un droit d’alerte de la HAS et un accord-cadre CEPS/Associations d’usagers du système de santé. C’était déjà deux très belles victoires qui n’étaient pas franchement imaginables un an plus tôt.

Après l’Assemblée nationale, la mobilisation des associations s’est maintenue pour le Sénat. Ce décret qui fait entrer les représentants d’usagers à la commission de la transparence correspond justement à l’un des amendements déposés par AIDES et ses partenaires ! C’est une place stratégique que les associations viennent collectivement de conquérir pour les malades.

Les labos avec les assos… pour plus de transparence ?

A l’inverse, le Leem, le syndicat des industries pharmaceutiques, qui était représenté à la Commission de la transparence, s’en trouve désormais écarté. Le syndicat partage désormais des revendications des associations et demande maintenant avec force plus de transparence de la vie publique sur le médicament, notamment à la HAS !

HAS : le Leem privé de la Commission de la transparence
Le décret modifiant la composition de la Commission de la transparence de la Haute Autorité de Santé (HAS) a été publié au "Journal officiel" le 11 juillet. "Il acte la disparition pure et simple du représentant des entreprises du médicament, qui n’avait qu’un rôle consultatif et ne prenait pas part aux décisions", note le Leem dans son communiqué (16 juillet) La pilule ne passe pas. Le Leem parle d’"éviction" et d’une "décision inappropriée" qui "appelle de toute urgence à de nouvelles procédures pour l’équité et la transparence du système". Le Leem avance que la présence d’un de ses représentants au sein de la Commission de la transparence a "toujours permis d’éclairer utilement la Commission sur les problématiques industrielles, d’expliquer les choix de développement opérés par les entreprises, d’informer sur la place du médicament dans les autres pays et de veiller à l’équité de traitement entre les produits évalués". Au passage, le Leem conteste la trop forte présence des représentants des administrations (Direction générale de la santé, Direction générale de l’offre de soins, les caisses d’assurance maladie…) dans cette instance, ce qui créerait un "véritable biais dans l’évaluation médicotechnique". Evident, pas un mot sur les usagers… Bon, ce n’est pas grave car les associations de santé et de défense des malades ont, depuis des mois, réclamé d’avoir un représentant dans la dite commission… ce qui a été obtenu et ce qui sera bientôt mis en œuvre. De son côté, Le Leem en appelle à une "remise à plat des procédures" et demande des choses qu’il n’avait jamais demandées lorsqu’il était dans la place comme "la diffusion intégrale des débats, à l’instar des procédures mises en place par l’Agence nationale de sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé (ANSM)".