Quand les patients sont informés sur leurs droits, ils s’en saisissent

Publié par Rédacteur-seronet le 11.02.2017
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Initiativemaladie chronique

Le collectif [im]Patients, chroniques & associés (Ica) vient de publier un nouveau guide à destination des personnes malades chroniques et de leurs aidants. Ce dernier se veut un recueil d’informations et de sensibilisation des patients à leurs parcours de santé. Un moyen selon Muriel Londres, coordinatrice du collectif Ica, de mieux se retrouver dans le système de santé, mais aussi de mettre en valeur l’expertise et les droits des personnes, pour qu’elles en fassent usage. Interview.

Pourquoi Ica a-t-il souhaité faire un guide sur le parcours de santé des personnes vivant avec une maladie chronique ? Quelle est leur situation en 2017 ?

Muriel Londres : Le collectif compte des associations en contact direct avec des malades chroniques. Petites ou grosses, elles ont toutes des actions en lien avec le vécu de ces personnes. A travers le projet des Etats-généraux permanents, les associations composant Ica se sont réunies pour travailler sur les problématiques communes aux personnes malades. Durant ces journées d’échanges, à travers la France, nous nous sommes intéressés aux parcours de santé. Tous les malades chroniques, malgré une expérience différente de la maladie et des problématiques spécifiques, traversent des obstacles et des moments similaires, et ont des revendications communes. Ils ont, par exemple, tous affaire aux soignants, ont un parcours de soin dont les enjeux de coordination demeurent important, doivent la plupart du temps composer avec la prise de médicament(s), élaborer leur propre "vivrologie", c’est-à-dire trouver les moyens de mieux vivre au quotidien. Les personnes malades chroniques sont donc légitimes à se retrouver, pour échanger, entre personnes concernées, afin de faire part de leurs expériences, de leurs besoins et réfléchir à améliorer ces parcours et leur vie avec la maladie. En lien constant avec le système de santé, nous savons que c’est très difficile de s’y orienter. Alors faire un guide d’information généraliste, sur les dispositifs techniques et les droits des personnes traversant ce parcours nous paraissait important et légitime pour notre association.

Pourquoi un guide en forme de parcours de santé, tel qu’il existe réellement, et en quoi ce format est-il pertinent ?

Jusqu’à présent, nous avions fait plusieurs guides sur l’enjeu strict de l’emploi, puisque l’on sait que l’emploi est souvent une source de grandes difficultés pour les personnes vivant avec une maladie chronique. Il existe des aides pratiques ou des dispositifs qui peuvent leur permettre de se maintenir dans l’emploi et/ou d’accéder à des compléments de revenus ou une reconnaissance du handicap. Nous faisons beaucoup de sensibilisation dans les entreprises, où les personnes malades chroniques rencontrent beaucoup de discrimination.

Pour ce guide sur le parcours de santé, nous avons d’abord opté pour une version papier. En effet, en 2017, la fracture numérique est encore une réalité. En effet, 15 % des Français n’ont pas accès à internet et 80 % des plus de 65 ans n’ont pas de smartphone. Commencer par faire un guide papier, un support qui n’est pas discriminant, volontairement aéré et clair, qui coïncide avec le parcours de santé de la personne nous semblait légitime. Et cela ne signifie pas que l’on rejette les applications mobiles ou autres. Quand on est un collectif d’associations de personnes malades, on commence par faire ce que l’on sait faire : de l’information fiable et claire à destination des personnes concernées. Par écrit, c’est déjà un premier pas. Le guide est aussi en diffusion PDF sur notre site internet chronicite.org.

Plus précisément, quelles sont les grandes problématiques de soin des personnes vivant avec une maladie chronique ?

Les malades chroniques ont affaire à un système parcellé, en silos, des silos qui ne communiquent pas très bien entre eux. Le médecin traitant, qui est l’interlocuteur principal, doit les orienter, mais les retards et problèmes de transmission des résultats et le manque de temps des praticiens font que la coordination et l’orientation dans le soin reste loin d’être optimale. Il y a des outils numériques qui tardent à arriver, et la dématérialisation se fait attendre, notamment pour le Dossier médical partagé (DMP). On espère que ces outils là changeront la donne. Il y a toujours l’enjeu des restes à charge pour les personnes (voir article sur Seronet), qu’on a pu constater grâce à l’observatoire du CISS [En moyenne, le reste à charge pour une personne en ALD, donc supposée prise en charge à 100 %, est de 752 euros par an, ndlr]. L’émergence des pluri-pathologies reste pour l’instant sans réponse, avec un découpage de la prise en charge par "parties du corps", et pas assez dans une approche holistique (1) de la santé de la personne. Il y a, enfin, des personnes en errance diagnostique, faute de reconnaissance de la maladie ou de recommandation officielle de prise en charge. La question des droits, enfin, est fondamentale. Les patients n’ont jamais été autant représentés et inclus dans le système de santé. Mais cette représentation des usagers n’empêche pas une méconnaissance profonde des patients sur leurs droits ou les dispositifs de prise en charge de la maladie. On pense à l’éducation thérapeutique des patients. D’après notre étude "Vivre avec" (voir encart), il y a seulement 8 % des répondants qui ont déjà participé à une séance d’ETP, sans parler de ceux qui ignorent l’existence même de ce dispositif. Les taux de non-recours à des dispositifs restent importants, faute de les connaitre ou de savoir y être éligibles.

Le guide s’adresse aux malades chroniques mais à qui d’autres peut-il être utile en dehors de ces derniers ?

Dans tout notre travail à Ica, et particulièrement dans ce guide, se place la co-construction avec l’ensemble des membres de nos associations. Bénévoles concernés, animateurs de rencontres ou écoutants, salariés ou représentants des usagers dans des instances, l’ensemble des expertises détenues dans nos réseaux est utilisée. Nous savons très bien que faire un guide à destination des malades s’adresse en filigrane à l’ensemble des personnes qui les fréquentent : leurs aidants et amis, mais aussi les travailleurs du médico-social ou leur équipe médicale. Nous n’avons pas fait un roman à lire, mais plutôt une boîte à outils dont tout le monde peut se saisir. Il se feuillette par étape, avec une construction chronologique dans le parcours de la personne et peut donc être utilisable à différents moments de celui-ci.

A sa façon, ce guide est-il politique ?

Nous n’avons pas voulu en faire un outil de plaidoyer ou de revendications, très clairement. Cela a été discuté et réfléchi. Mais au final, ce guide est éminemment politique. Quand les patients sont informés sur leurs droits, ils s’en saisissent. Et dès lors, on exige et cela aboutit à une transformation des pratiques et des rapports de force.
Une meilleure connaissance de sa maladie mais aussi des dispositifs et des droits auquel on peut se référer au cours de son parcours de santé, c’est avoir des outils pour mieux vivre son quotidien et mieux se frayer un chemin à travers. Lister leurs droits donne aux patients de la confiance pour faire valoir ces derniers. Et ainsi, bouger les lignes.

Propos recueillis par Mathieu Brancourt

(1) : L'approche holistique consiste à prendre en compte la personne dans sa globalité plutôt que de la considérer de manière morcelée dans une approche centrée sur un organe ou le(s) symptôme(s) d'une maladie.

"Vivre avec" : une enquête de constats
Pour appuyer l’intérêt d’un tel guide pratique d’information, le collectif Impatients chroniques et associés (Ica) a réalisé une étude entre octobre 2016 et janvier 2017. Cette enquête venait interroger, avec une quarantaine de questions, la vie avec la maladie, et plus spécifiquement les enjeux et problématiques rencontrés durant le parcours de santé. Les réponses parlent d’elles-mêmes. Un tiers des répondant-e-s vivant avec une maladie chronique note la qualité de leur prise en charge médicale comme "passable voire exécrable". Pour ceux et celles dont la pathologie est méconnue voire niée, l’errance diagnostique atteint en moyenne plus de quatre ans. Un tiers se déclare mal informé sur ses droits en tant que patients et usagers du système de santé. Un chiffre confirmé par la suite : 50 % des patient-e-s ne savent pas ce qu’est le dossier médical partagé, et 60 % ne connaissent même pas l’existence de l’éducation thérapeutique du patient (ETP). Des résultats, qui, en plus d’autres, "soutiennent la nécessité d’informer, encore et toujours, les personnes concernées", selon les auteurs de l’enquête.

Télécharger le guide.

Commentaires

Portrait de IMIM

cela fait 10 ANNEES "d'errance diagnostique" !!!

Dix ans de douleurs qui s'accumulent Dix ans de ce que j'appelle, ni plus ni moins, de la maltraitance de la part des divers "spécialistes" qui n'hésitent pas à me traiter de "dingue", de simulatrice, j'en passe et des meilleures du genre "vous êtes en vie, que voulez-vous de plus" !

Des services censés être "pluridisciplinaires" avec des docs incapables ne serait-ce que d'orienter les patients

Des ordonnances d'anti-douleurs... En veux-tu, en voilà, sans chercher les causes réelles

Des séances d'ETP ou on veut m'apprendre le HIV, après 30ans Ou on insiste pour que je vois un psy

Quand ils guériront mon corps, ma tête ira bien !

*** Un propos a été modéré ***

Je le répète ce sont les médecins qui doivent être EDUQUES