Quelles vaccinations pour les gays ?

Publié par Mathieu Brancourt le 31.03.2017
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En un an à peine, la situation vaccinale a changé en France. Des études scientifiques, tout comme la pénurie de certains vaccins, ont poussé les autorités de santé publique à émettre des recommandations en rafale pour les personnes prioritaires, dont les gays, séropositifs ou non. Seronet fait le point.

Dans un contexte de défiance grandissante de l’opinion publique à l’égard de la vaccination, la publication de nouvelles recommandations concernant la vaccination est une gageure. Même si elle est aujourd’hui, de plus en plus contestée y compris par des politiques… voire même des médecins, en dépit des évidences scientifiques et de la prise en compte de la balance bénéfices/risques, la vaccination conserve évidemment un intérêt majeur tant collectif qu’individuel, notamment chez les gays.

Méningocoque C

En novembre 2014, le Haut conseil en santé publique (HCSP) a recommandé la vaccination contre le méningocoque C pour les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH). Cette recommandation concernait les personnes résidant en France et portait sur une période limitée à un an, d'ici à fin 2015. Les récentes données épidémiologiques 2015 ont montré que cette souche du virus s'est diffusée dans la population générale ; des cas d'infection par transmission sexuelle ont poussé le HCSP à recommander la prolongation de cette incitation à la vaccination chez les gays âgés de plus de 24 ans. "Le HCSP préconise ainsi de prolonger jusqu’à fin 2016 la recommandation de vaccination méningococcique C conjuguée pour les HSH et les autres personnes âgées de 25 ans et plus qui fréquentent les lieux de convivialité ou de rencontres gays ou qui souhaitent se rendre à un ou des rassemblements gays" indique le HCSP.

L'injection vaccinale est unique, efficace après dix jours environ. En version monovalente, le vaccin est remboursé à 65 %. Les versions tétravalentes ne sont pas remboursées, mais utiles en cas de voyages. Le Haut conseil en santé publique n’a, à ce jour, pas réactualisé sa recommandation, elle reste donc en vigueur puisque l’objectif du HCSP est d’améliorer la couverture vaccinale au sein de la communauté HSH contre le méningocoque C.

HPV (papillomavirus humain)

Le vaccin contre le papillomavirus a longtemps été recommandé pour les seules jeunes filles, afin de les prémunir des cancers du col de l'utérus provoqués à long terme par les différents HPV. Dans un avis rendu public en mai 2016, le Haut conseil en Santé publique a aussi souhaité protéger les jeunes hommes gays. Il recommande alors un accès à la vaccination anti-HPV aux hommes jusqu'à 26 ans ayant ou ayant eu des relations sexuelles avec un homme. Sachant que plus tôt intervient la vaccination, plus grande est l'efficacité du vaccin. Le HCSP en profite pour rappeler que cette protection est déjà fortement recommandée pour les personnes vivant avec le VIH. Le Haut conseil indique enfin que "l’augmentation de la couverture vaccinale des jeunes filles reste la priorité pour la prévention des maladies liées à l’infection par les HPV et qu’une couverture vaccinale élevée chez les femmes procure une protection indirecte chez les hommes hétérosexuels". En 2014, AIDES avait appelé à une vaccination plus large contre le HPV. "Nous demandons la mise en place de recommandations claires en faveur de la vaccination chez le jeune garçon, et le renforcement de l'indication vaccinale chez les jeunes filles. Nous appelons à un renouvellement des campagnes de sensibilisation, afin de mieux informer le grand public sur les effets positifs de ce vaccin pour les femmes comme pour les hommes", indiquait l’association. Par ailleurs, AIDES expliquait : "Il y a urgence à élargir la couverture vaccinale et à intensifier les campagnes d'incitation à la vaccination, en particulier pour certains groupes très exposés au virus du sida. D'abord parce que l'impact sanitaire du papillomavirus est largement sous-estimé en France, ensuite parce que la cohabitation du VIH et du HPV dans l'organisme entraîne des effets néfastes très importants". AIDES rappelait que "l'ensemble des IST, comme le papillomavirus, augmente les risques d'infection et de transmission du VIH".

Hépatite A

Des difficultés d’approvisionnement concernant les vaccins contre l'hépatite A sont constatées depuis 2015 et entraînent la nécessité de revoir les schémas vaccinaux. Le HCSP recommande temporairement de n’effectuer qu’une seule dose pour les nouvelles vaccinations et de ne pas faire de rappel pour ceux qui ont déjà reçu une dose, même s’ils sont à nouveau en situation d’exposition (sauf pour les personnes immunodéprimées). Il faut vacciner en priorité les enfants (âgés d’un an et plus) quand ils sont nés de parents issus de pays où la maladie est très présente et lorsqu’ils vont faire un séjour dans leur pays d’origine. En cas de difficulté d'approvisionnement pour une vaccination, les personnes séropositives pour le VIH immunodéprimées sont donc prioritaires pour l'accès à deux doses de vaccin, selon cette nouvelle recommandation du Haut conseil de santé publique. Pour les personnes vivant avec le VHB ou le VHC, une sérologie concernant le VHA préalable est recommandée, de même que pour les gays, pour qui ce vaccin est recommandé. Compte tenu des difficultés d'approvisionnement, en prévision notamment des vacances d'été, notamment si un voyage en zone d'endémie est prévu (pourtour méditerranéen), il est préférable de s'y prendre le plus tôt possible. Ce vaccin est normalement payant, de même que lorsqu'il est associé au vaccin VHB (vaccin double). Certains dispensaires ou centres de santé sexuelle vaccinent gratuitement.

Hépatite B

Les recommandations d'experts (Rapport Morlat 2013) sont claires : "S’agissant de l’hépatite B, la vaccination est un élément essentiel de la prévention (…) Les préservatifs sont efficaces, mais insuffisants s’ils ne sont pas utilisés pour toutes les pénétrations y compris les rapports buccogénitaux. Le vaccin contre le VHB est recommandé chez les PVVIH, en vaccinant idéalement lorsque la charge virale VIH est indétectable, et si possible lorsque le nombre de CD4 est supérieur à 200 lymphocytes CD4/mm3". Cette vaccination est aussi recommandée et proposée à certains hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes exposés à un risque élevé d’infection par le VIH et les IST. Les schémas renforcés (double dose) sont recommandés. Il convient de s’assurer de l’efficacité de la vaccination. Un contrôle régulier du taux d’anticorps (niveau d’immunité) doit être ensuite réalisé (annuel s’il est proche du seuil protecteur). Une injection de rappel pourra être proposée si le niveau d’anticorps passe sous le seuil de protection.

Face à une – nouvelle – pénurie de vaccins contre l’hépatite B, le Haut conseil de la santé publique (HCSP) a publié le 3 mars dernier un avis, visant à déterminer les populations prioritaires pour la vaccination, dont notamment les gays fortement exposés au VIH. Pour les autres, il va falloir attendre que la situation s’améliore, ce qui est promis par les autorités de santé d’ici mai prochain.

Vaccinations et IST : le CNS donne son avis

Récemment, le Conseil national du sida et des hépatites virales (CNS) a publié un avis sur la prévention et la prise en charge des IST chez les adolescents et les jeunes adultes. L’avis traite évidemment de la vaccination et fait des recommandations très précises (pages 48 à 51 de l’avis). Le CNS recommande concernant les vaccinations anti-HPV et anti-VHB "d’assure une mise à disposition large et un accès gratuit au vaccin, aussi bien dans les structure publiques de vaccination qu’en médecine de ville", de refaire une communication sur l’intérêt de ces deux vaccinations auprès des parents et adultes éducateurs, des jeunes eux-mêmes et des professionnels de santé et de l’éducation. Il recommande aussi de faire du rappel de la vaccination DT-polio entre 11 et 13 ans une opportunité d’initiation de la vaccination anti-HPV et de rattrapage de la vaccination anti-VHB. Il recommande, par ailleurs, de "renforcer la promotion du rattrapage vaccinal anti-VHB actuellement recommandé : grands enfants et adolescent-e-s jusqu’à 15 ans, adolescent-e-s plus âgés et adultes selon les critères de risque majoré d’exposition définis par le calendrier vaccinal".