Résistance aux ARV : l’OMS demande d’agir

Publié par jfl-seronet le 19.08.2017
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Thérapeutiquerésistance arv

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) met en garde les pays contre la tendance à la hausse de la résistance du VIH aux médicaments. Cette hausse a été décrite dans un rapport fondé sur des enquêtes menées dans plusieurs pays. L’OMS avertit que cette menace croissante pourrait compromettre les progrès mondiaux en matière de traitement et de prévention du VIH si des mesures efficaces ne sont pas prises rapidement.

Le rapport 2017 de l’OMS sur la résistance du VIH aux médicaments montre que, dans six des onze pays en Afrique, en Asie et en Amérique latine où des enquêtes ont été faites (Argentine, Guatemala, Namibie, Inde, Zimbabwe, etc.), plus de 10 % des personnes commençant le traitement antirétroviral étaient porteuses d’une souche résistante à certains des médicaments les plus utilisés contre ce virus. Une fois le seuil de 10 % atteint, l’OMS recommande à ces pays de revoir d’urgence leurs programmes de traitement du VIH.

Un problème croissant

"La résistance aux médicaments antimicrobiens pose un problème croissant pour la santé mondiale et le développement durable", reconnaît le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’OMS, cité dans le communiqué de presse de l’institution. "Nous devons préventivement nous occuper des niveaux croissants de résistance aux médicaments anti-VIH si nous voulons atteindre la cible mondiale de mettre fin au sida d’ici 2030". La résistance du VIH aux médicaments se développe lorsque les personnes ne suivent pas le plan de traitement qui leur est prescrit. Ce n’est évidemment pas une question de volonté, mais le fait que ces personnes n’ont pas un accès régulier à un traitement et à des soins de qualité. Les personnes vivant avec un virus résistant seront progressivement en échec thérapeutique et pourront le transmettre à autrui, puisque l’effet Tasp ne jouera pas. Leur charge virale augmentera, sauf si elles changent de schéma thérapeutique et prennent un autre traitement pouvant être plus onéreux et, dans de nombreux pays, encore plus difficile à se procurer.

On sait déjà que sur les 36,7 millions de personnes vivant avec le VIH dans le monde, 19,5 millions avaient accès à la thérapie antirétrovirale en 2016. Dans leur majorité, ces personnes se portent bien, le traitement s’avérant très efficace pour supprimer le virus. Mais un nombre croissant est confronté aux conséquences de la résistance.

Nouvelles lignes directrices pour combattre la résistance

Pour cette raison, l’Organisation mondiale de la santé va publier de nouvelles lignes directrices afin d’aider les pays à combattre la résistance du VIH aux médicaments. Elle recommande aux pays de contrôler la qualité de leurs programmes de traitement et de prendre des mesures dès qu’un échec thérapeutique est détecté. "Nous devons veiller à ce que le traitement reste efficace pour ceux qui le commencent, afin de prévenir l’émergence de résistances", rappelle le Dr Gottfried Hirnschall, directeur à l’OMS du Département VIH/sida et du Programme mondial de lutte contre l’hépatite, dans le communiqué de l’institution. Lorsque les niveaux de résistance deviennent élevés, nous recommandons de changer de thérapie de première intention pour ceux qui démarrent leur traitement".

Plus de décès si aucune mesure n’est prise

Les tendances à la hausse de la résistance du VIH aux médicaments pourraient entraîner un plus grand nombre d’infections et de décès. Selon un modèle mathématique, on pourrait observer 135 000 décès et 105 000 nouvelles infections de plus dans les cinq prochaines années si on ne prend pas de mesures. Dans le même temps, les coûts du traitement du VIH pourraient augmenter de 650 millions de dollars. La lutte contre la résistance du VIH aux médicaments imposera une participation active de nombreux partenaires. Un nouveau plan d’action mondial sur cinq ans demande à tous les pays et les partenaires d’unir leurs efforts pour prévenir, surveiller la résistance du VIH, y riposter et ainsi préserver les progrès en cours visant à mettre fin à l’épidémie de sida d’ici 2030. De plus, l’OMS a mis au point de nouveaux outils pour aider les pays à surveiller la résistance du VIH, améliorer la qualité des programmes de traitement et passer à de nouveaux traitements, si nécessaire.

Le Fonds mondial et les CDC, coauteurs du rapport

"Ce nouveau rapport dresse un tableau inquiétant des niveaux croissants de résistance du VIH et, en l’absence de contrôle, ils pourraient poser un risque majeur pour l’impact du programme", a souligné Marijke Wijnroks, médecin et directrice exécutive par intérim au Fonds mondial. "Nous préconisons fortement d’appliquer les recommandations de l’OMS concernant les indicateurs d’alerte précoce et les enquêtes sur la résistance du VIH dans chaque plan national pour la thérapie antirétrovirale, ainsi que d’envisager leur financement par les subventions du Fonds mondial ou une reprogrammation". De son côté, Shannon Hader, médecin et directrice du Département VIH et tuberculose du CDC, a indiqué : "Le nouveau rapport réunit les conclusions essentielles des enquêtes sur la résistance du VIH dans le monde entier qui, avec d’autres données au niveau national, confirment la nécessité de réfléchir d’une manière prospective dans nos efforts pour combattre la résistance : étendre les tests mesurant la charge virale, améliorer la qualité des programmes de traitement et passer à de nouveaux médicaments comme le dolutégravir". "Les taux généraux élevés de suppression virale dans trois évaluations nationales récentes en population de l’impact du VIH ont montré que les traitements de première intention actuels demeurent largement efficaces. Toutefois, il sera crucial d’accorder une attention particulière aux populations exposées au risque de résistance, jeunes enfants, adolescents, femmes enceintes et autres populations clés, pour cibler des interventions plus urgentes. Nous appelons la communauté mondiale à une vigilance et à une réactivité continuelles", poursuit-elle.