Salle de consommation supervisée : le Conseil d'Etat dit non

Publié par jfl-seronet le 12.10.2013
7 772 lectures
Notez l'article : 
3
 
0
ProduitsSCMRsalle de consommation à moindre risque

C’est France Inter qui, la première, a annoncé (10 octobre) que le Conseil d'Etat avait rendu un avis négatif sur l'installation d’une salle de consommation supervisée alors que la première ouverture expérimentale était attendue à Paris dans le quartier de la gare du Nord, avant la fin de l’année. Cet avis renvoie le projet à un avenir incertain puisqu’il faudra désormais en passer par la loi. Explications.

Pour le Conseil d'Etat, l'installation d’une salle de consommation de drogues à moindre risque ne serait pas conforme juridiquement à la loi de 1970 sur les stupéfiants. Une loi fondée sur un principe de prohibition, en interdisant tout usage de stupéfiant. Cet avis n’est pas contraignant pour le gouvernement. C’est d’ailleurs lui qui a saisi le Conseil d’Etat de ce dossier. Mais on voit mal, a fortiori dans le contexte d’opposition très virulent au projet, et les municipales de 2014, comment le gouvernement pourrait passer outre.

Il semble que l’affaire se soit jouée dans l’interprétation du décret de 2004 qui autorise des centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues, les CARRUD, à accueillir les personnes consommatrices de drogues dans un programme de réduction des risques, mais pas dans le cadre d'une consommation qui reste interdite. Ce décret laisse aussi une latitude à l’expérimentation en matière de réduction des risques. C’est ce décret que le gouvernement envisageait de modifier pour créer, à titre expérimental dans un premier temps, ces salles de consommation. Le Conseil d'Etat ne voit pas les choses ainsi. Il a privilégié une approche restrictive et recommande donc "d'inscrire dans la loi le principe de ce dispositif pour plus de garantie juridique".

En passer par la loi

C’est là que les ennuis commencent car une loi va prendre du temps, beaucoup de temps. Et on imagine déjà la teneur des débats à l’Assemblée Nationale quand on voit le niveau actuel des arguments des opposants. Sur France Info, la première adjointe de Bertrand Delanoë, Anne Hidalgo, a expliqué (10 octobre) : "Nous allons retravailler avec le ministère de la Santé." Le communiqué de la mairie de Paris (10 octobre) précise : "La Ville de Paris attend donc que le Gouvernement, comme il l’a annoncé dans son plan de lutte contre la drogue et les conduites addictives du 19 septembre dernier, procède aux adaptations juridiques nécessaires pour permettre l’ouverture annoncée". Dans son communiqué (10 octobre), le ministère de la Santé fait le service minimum : "Le gouvernement a souhaité apporter son soutien au projet d’expérimentation d’une salle de consommation à moindre risque à Paris, impliquant associations de patients et professionnels de santé. Un décret devant permettre ce type d’expérimentation a été préparé à cette fin et soumis pour avis au Conseil d’Etat. Le Conseil d’Etat a procédé à l’examen de ce projet le 8 octobre dernier et a recommandé au gouvernement d’inscrire dans la loi le principe de ce dispositif pour plus de garantie juridique. Le gouvernement va travailler avec les acteurs concernés par ce projet à la sécurisation juridique de ce dispositif". Aucun élément sur le calendrier, ni la méthode, ni le pilotage… Bref le grand flou sur l’avenir.

Un choix politique

L’ouverture de cette salle est un choix politique. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il est particulièrement mal assumé. Matignon avait pourtant donné son feu vert début février 2013, le ministère de la Santé s’engageait aussi. Résultat, un décret a été préparé, le gouvernement prétend avoir voulu s’assurer du soutien du Conseil d’Etat en lui soumettant le décret. Résultat, c’est raté. A se demander si ce n’est d’ailleurs pas voulu. Interrogée par Le Monde, la directrice de Gaïa-Paris, l'association qui devait mener le projet, se dit "atterrée" : "On nous avait présenté le passage devant le Conseil d'Etat comme une formalité. Cela fait trois ans que nous travaillons sur ce projet, le gouvernement s'est pris les pieds dans le sac". Adjoint au maire de Paris à la santé, le député PS Jean-Marie Le Guen, défenseur du projet, regrette également que le gouvernement n'ait pas garanti juridiquement ce projet et s'est dit prêt à défendre à l'Assemblée les adaptations législatives nécessaires.

A droite, c’est la fête au village !

L'équipe de Nathalie Kosciusko-Morizet, candidate UMP à la mairie de Paris, a salué une victoire "du droit et de la raison qui est un véritable désaveu pour la municipalité socialiste, et qui témoigne de l'amateurisme dans la construction de ce projet". "Le Conseil d'Etat rappelle que la majorité ne pourra pas passer en force au mépris de la loi", poursuit-elle. Nathalie Kosciusko-Morizet a une lecture très personnelle des événements : "La gauche tente d'étouffer un projet qu'elle assume de moins en moins, et qu'elle ressortirait du chapeau au lendemain des élections. Il est temps de stopper purement et simplement un projet qui ne consiste en rien d'autre qu'en une légalisation des drogues".

"Illégalité, plaintes des associations, contestation des riverains, effectifs policiers à contre emploi... Quand M. Delanoë et Mme Hidalgo entendront-ils raison ?", a réagi sur Twitter le député-maire UMP du 15ème arrondissement, Philippe Goujon. "Si la salle de shoot n'est pas installée, la région Ile-de-France récupèrera 200 000 euros, qu'elle pourra utiliser pour la formation des infirmières", s'est félicitée la députée des Yvelines Valérie Pécresse, toujours en pointe sur les questions de santé (on plaisante !). Ah oui, le candidat d’extrême droite à la mairie de paris y est allé aussi de son couplet, il estime "juridiquement, M. Delanoë et Mme Hidalgo se sont comportés très légèrement". "Non seulement ils sont nuisibles, mais en plus ils sont nuls !" indique son communiqué.

Aux limites de la RDR

L’analyse la plus pertinente vient du Réseau Français de Réduction des Risques. "Tout était prêt pour une ouverture de la salle de consommation parisienne début décembre. Le lieu avait été trouvé, des professionnels étaient sur le point d'être engagés. Les réunions de concertations avec les habitants avaient eu lieu. Les acteurs de la salle avaient travaillé avec la police, la justice, la mairie de Paris. Tout était prêt pour que la réduction des risques prenne un second souffle après 10 ans d'arrêt. Ne restait plus qu'un décret qui devait encadrer et sécuriser l'expérimentation", rappelle le Réseau Français de Réduction des Risques (communiqué, 10 octobre). Et puis voilà, retour à la case départ : la loi de 1970 sur les stupéfiants. "Que cette expérimentation n'ait pas été mieux bordée par le gouvernement nous interroge et nous met en colère. Le Conseil d’Etat a certes adopté une lecture stricte de la loi de 70 (en occultant la loi de 2004 définissant la réduction des risques), mais ne fallait-il pas s'y attendre ? La réduction des risques a toujours été aux limites de la loi de 70. Les établissements médico-sociaux (CAARUD) distribuent des seringues pour que des personnes s'injectent des substances interdites. Ils accueillent des usagers sans leur demander d'arrêter les drogues et les conseillent sur les méthodes d'injection à moindre risque. Mais les salles de consommation, en accueillant des usagers et en leur permettant de consommer des stupéfiants sur place sous la supervision des professionnels de santé vont un cran plus loin dans le paradoxe". Le "problème de fond est que nous travaillons avec des outils datant de 40 ans. La loi de 70 a été crée quand il n'y avait pas de consommation de drogues de masse, de scènes ouvertes, de dommages tel que le VIH et l'hépatite C, ou encore de la grande précarité dans les centres-villes... Aujourd'hui, elle empêche l'ouverture de la salle de consommation parisienne, et elle empêche un nouveau dispositif adapté à notre époque d'ouvrir. Il est temps de réfléchir à une politique et une loi plus adaptées", conclut-il. Mais de cela, le gouvernement ne parle jamais.

Commentaires

Portrait de frabro

Il y a longtemps que les associations et les professionnels de la réduction des risques demandent une profonde réforme de la Loi de 70 sur les produits stupéfiants, qui cultive depuis toujours le paradoxe de développer d'un coté la pénalisation et la répression de l'usage et de l'autre prône l'accès aux soins pour les toxicomanes.

Inscrire dans la Loi les nouveaux dispositifs de RDR les sécuriserait et permettrait de les financer de façon pérenne, au sein des CAARUD. En ce sens, l'avis du Conseil d'Etat est intéressant puisqu'il ne demande pas l'abandon du projet mais sa légalisation indiscutable.

Les acteurs de la RDR ont toujours été en avance sur la Loi : distribution de seringues avant que la vente libre n'en soit permise, ouverture de "boutiques de RDR" dix aans avant la légalisation et la définitioon des caarud, pratiques expérimentales avant l'inscription de la RDR dans la Loi de santé publique de 2004, programmes d'éducation à l'injection depuis plusieurs années.

Les opposants traditionnels, en cette péridode ou l'électoralisme se confond avec le populisme, se réjouissent un peu vite : la RDR devra subir un nouveau retard, mais elle aura comme toujours gain de cause et les rétrogrades figés dans leurs certitudes en seront au bout du compte pour leurs frais.

Portrait de Felix77

je suis dubitatif pour les salles de shoot sur l'objectif final (je cotoie des usagés du caarud de mon coin et connais cette population émotives, qui ont plus besoin d'Amour et soutiens, dans ce bordel sans nom, que sont nos sociétés hypocrites qui ne fait pas de place pour tout le monde et qui rend dingue par sa cadence absurde des Shadoks que nous sommes, où tout doit être formater pour rentrer dans des cases, ne laissant aucune place à la sérénité, écrasant dans le même temps, les gens les plus sensibles et créatifs.

http://www.youtube.com/watch?v=k61wWLwZtbA

Par contre, je suis pour des coffees shop, j'ai discuté avec les hollandais sur la gestion du cannabis bio et tous m'ont dit qu'ils préféraient le cannabis aux vertues calmantes que la violence de l'alcool et autre drogue dur comme en France, toute façon, je crois qu'ils n'ont pas le choix, car on a vite fais de tomber à l'eau là-bas. ^^

C'est ce que j'appele, du soins homéopathique et coviviale, contre les angoisses, les douleurs physiques est psychologique. En plus ils en retirent quelques bénéfices, puisque c'est le gouverne neerlandais qui culitve et contrôle ce marché. Plus de dispute entre Mafieux, donc moins de policier à payer pour ça, donc économie pour l'état. Quand aux enfants, car le problème étique est là, ils appréhendent natuellement la chose, ils s'adaptent et cela n'en fait pas de futur camé pour autant. Nous y gagnerions en économie sur la sécurité sociale, car les gens prendrais moitié moins d'anxiolytique, sommenifère (avec emballages poluhant) et autre merdes détenus par le lobby pharmaceutique (autre moyen de shooter une population), qui finalement nous file Alzheimer (encore des coûts très lourd à gérer).

Pour moi, le choix serait vite fait et indiscutable, puisque la prohébition n'a jamais marché, je controlerais et tirerais des bénéfices de la situation, sachant qu'un consomateur de cannabis ne tombe pas forcément dans les drogue dures et qui n'est pas plus sujet à l'alcoolisme qu'une tierce personne, et consomme moins d'anti-depresseurs. Les gens seraient plus zen, ouverts.