SFLS 2017 : le quatrième 90 % et autres nouvelles

Publié par Jana Morales le 12.11.2017
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ConférencesSFLS 2017

Le 18e congrès de la SFLS (Société française de lutte contre le sida) a traité de nombreux sujets lors des plénières comme des différentes sessions parallèles proposées les 19 et 20 octobre derniers. Militante à AIDES, Jana Morales a participé à ce congrès et fait le point sur les sessions auxquelles elle a participé.

Le quatrième 90 %, bien vivre avec le VIH

Pour améliorer le dépistage, ce premier 90 % qui nous hante et que nous n’arrivons pas à atteindre — ces personnes qui sont séropositives mais ne le savent pas —, il faut travailler sur le quatrième 90 %, la qualité de vie de personnes vivant avec le VIH, selon Eric Cua, infectiologue du CHU de Nice. Comment arriver à toucher cette épidémie cachée ? Pour avoir envie de se faire dépister, il faut faire reculer la stigmatisation et la discrimination qui pèsent sur les personnes séropositives à tel point que la dicibilité reste compliquée. Comment on le dit et avec quelle aide ?

Selon Eve Plenel, coordinatrice à la Mairie de Paris du plan "Vers Paris sans sida" ("et sans les putes", selon Thierry Schaffauser du Strass, cela dit en passant), il y a encore des infectiologues qui ne promeuvent pas le Tasp auprès des personnes vivant avec le VIH, alors que les personnes concernées de la "vieille" génération ne se sont pas habituées. Il faudrait trouver la bonne formule... des messages clairs, sans ambiguïté, positifs, tel que U=U, indétectable=intransmissible. Il y a du travail à faire pour passer le message dans le grand public.

Selon l'enquête internationale Positive Perspectives de Finkielsztejn (laboratoire ViiV HealthCare) auprès de personnes vivant avec le VIH, 70 % de participants étaient des hommes qui ont de relations sexuelles avec des hommes, 77 % présentaient une co-morbidité avec une autre maladie, 46 % présentaient de l'anxiété et/ou dépression (on comprend bien les recommandations du rapport Morlat sur l'importance d'une prise en charge psychologique suffisante), 30 % avaient des troubles de sommeil. Un sur deux n'était pas satisfait avec sa vie sociale, un sur quatre avait peur de révéler son statut sérologique, un sur sept s’inquiétait des effets du traitement. De plus, 82 % disaient percevoir ou vivre des situations de stigmatisation, 61 % parlaient d’auto-stigmatisation, 53 % avaient vécu une stigmatisation sociale, 46 % une stigmatisation verbale. Je me dis que c'est énorme, même si je n'ai pas des chiffres pour comparer avec la population générale.

Comment faire pour réduire ce sentiment de stigmatisation ? Selon Eric Cua, cela passe par l'éducation du grand public et par une meilleure formation de professionnels de la santé (personnel para-médical, généralistes, infirmiers, dentistes, etc.), par une communication positive et une dédramatisation de la séropositivité, par l'éducation thérapeutique des personnes vivant avec le VIH, par l'information. Présent à la table ronde, Franck Barbier, militant à AIDES (secteur Nouvelles stratégies de santé) a, de son côté, mis l'accent sur l'importance du plaidoyer contre les lois discriminatoires.

Il ne faudra pas oublier la "vieille" génération de personnes séropositives, elle diminue, mais elles sont là, bientôt avec le statut de "personnes âgées". Comment bien vieillir avec le VIH ? Beaucoup des questions se posent sur l'accueil en Ehpad ou la création de projets spécifiques pour exercer son droit à vivre dans la dignité.

"Mobilisme" de l’épidémie cachée

Dans son intervention sur les vulnérabilités et réponses urbaines au sida en Afrique de l'Ouest, Daouda Diouf, de l'association Enda Santé, du Sénégal, nous explique que dans son pays on est encore loin de la cascade 90-90-90. Pour nous donner une idée de l’épidémie dans cette région, il indique que les chiffres de la cascade sont : "36-28-12".
Il nous présente un projet de cartographie de vulnérabilité au VIH, prenant en compte la mobilité des groupes où la prévalence est forte, la dimension spatio-temporelle et une approche territoriale locale. L'équipe qui a conduit ce travail était formée de dix personnes : personnes concernées, acteurs et actrices de l'offre de santé, sociologues et anthropologues. Ils se sont rendu compte que l'offre de la prévention et le dépistage et les populations vulnérables n'étaient pas aux mêmes endroits. Autrement dit, il y avait parfois un décalage voire une inadéquation entre les besoins et l’offre à certains endroits. Il fallait aller vers, au bon moment. Connaître les jours et les heures de forte affluence selon les endroits où les populations vulnérables au VIH  sont ou vivent, s'adapter à leurs pratiques.

Daouda Diouf a expliqué l'implication des autorités sanitaires intéressées, un peu timides, un peu tardive, mais présentes, et l'importance de travailler ensemble, dans un réseau local de soins où il y a une intervention multi-acteurs. Quand il explique que ce travail a pris trois mois — en petit comité, il dira "jour et nuit" —, on entend le brouhaha de la salle. Est-on capable en France de réaliser un tel exploit ?

Réunir tous les acteurs de lutte contre le VIH autour de la table c'est rapide, ça existe, voilà les Corevih, mais encore, il faudra qu'ils se mobilisent et qu'ils prennent en compte les personnes concernées. Une collaboration étroite entre les associations et les institutions sanitaires (hôpital) est difficile, mais nécessaire. Une représentation des personnes usagères est décisive, les associations peuvent faire de la médiation. Le jour d'avant le congrès de la SFLS, avec la coordinatrice du Corevih Arc Alpin, on se disait qu'on pourrait faire une cartographie de l'arc alpin, par exemple, à partir du "parcours d'une journée d'une personne migrante dans la ville", et mettre en place des leviers pour améliorer l'accès  aux soins, au dépistage, à la prévention. Mais peut-être que cela nous prendra plus de trois mois !

Du lien... au maintien de soin

Dans une première partie, Caroline Giacomoni, anthropologue de la santé, nous présente son rapport, une étude qualitative de rupture du parcours de soins chez les personnes vivant avec le VIH en Aquitaine. C'est effarant, mais l'expérience fait que l’on n’est pas si surpris. Les participants ont fait des entretiens de deux à quatre heures avec la chercheure. Les facteurs principaux de rupture de soins qu'ils citaient le plus étaient les effets indésirables (fatigue, diarrhée, perte de mémoire, douleurs, etc.) Certains diminuaient leur traitement sans le dire au médecin et osaient en parler une fois que leurs bilans sanguins étaient corrects. Le suivi contraignant, l'impact sur leurs projets de vie, comme aller à l'étranger, étaient des facteurs importants. La difficulté d'approvisionnement et de confidentialité dans les pharmacies de petites villes était un troisième motif de rupture de soins.

Caroline Giacomoni recommande de prendre en compte les effets, trouver des solutions du côté de médecines alternatives, de diminuer les doses, d’envisager une négociation entre le patient et le médecin qui développe l'empowerment et la notion de liberté (si importante dans les maladies chroniques), plutôt qu'une soumission du patient au discours médical. Elle parle de travail pour faire un suivi plus adapté à la personne et former les professionnels de la santé.

Autres facteurs importants de rupture du parcours des soins étaient les aléas et les dysfonctionnements dans l'hôpital : lien pas assez impulsé, retards dans les consultations, absence d’explications sur des rendez-vous annulés, défaut d’information concernant le départ à la retraite de leur médecin, pas de transmission des informations. Ces exemples peuvent être catastrophiques, à l’exemple d’une personne, perdue de vue, qui a été retrouvée aux urgences dans le coma. Caroline Giacomoni recommande encore : le développement d'une prise en charge cohérente et organisée, le maintien constant du lien (qui passe par le toucher, l'auscultation), de replacer le patient au centre des attentions, de réduire les annulations et reports des rendez-vous, d’éviter la focalisation sur les résultats biologiques qui crée une lassitude. Cette analyse du travail de médecins mérite une réflexion entre professionnels et patient-e-s, le corps médical doit se remettre en question pour améliorer les choses, et cela est dit par un médecin dans la salle.

Se suivent deux interventions sur justement l'aller vers, comment entrer et rester en lien avec les publics cibles. Joaquim Levi, dynamique directeur de l’association Nouvelle aube, association auto-support marseillaise, nous présente le travail de rue spécialisé, leurs interventions en prison, en squat et dans la rue avec un public de jeunes adultes en grande précarité, sans ressources, en errance et avec des problématiques d'addiction. Ça bouge, c'est vivant et ça marche !

Vincent Coquelin, responsable recherche communautaire à AIDES, nous présente le projet Hermetic, dans le cadre d'un projet européen. Hermetic consistait à proposer un dépistage du VIH par Trod au domicile de personnes vivant dans trois quartiers en Ile-de-France, en le proposant prioritairement aux hommes originaires d’Afrique subsaharienne hétérosexuels ou hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes. Avec une prévalence de 3 %, le résultat n'est pas mal.

Commentaires

Portrait de mountains

Une personne sur 4 a peur de révéler son statut sérologique!!!!Peut être dans les grandes villes ou l'on peut toujours s'évanouir dans un anonymat ,mais en province mieux vaut rester discret au risque d'être vu comme indésirable,regards réprobateur...Moins tu en parle mieux tu te porte...

Le suivit médical hospitalier en province est pas à la hauteur,il n'y a que dans des grandes villes comme Paris ou Marseille à proximité de centre de recherche et de regroupements de spécialistes structures pluridisciplinaire,offrant une adhérance de soins permettant de faire des économies,aussi de bénéficier de nouvelles stratégies thérapeutiques;et bien sous le couvert de vouloir faire soit disant des économies ou plutôt d'avoir une plus grosse enveloppe financière (R.Bachelot...) annuelle pour l'hôpital du coin,et bien maintenant tous déplacement en transport médical en dehors du régional est refusé,même en train ou avec un moyen de transport personnel.Par contre si le spécialiste du coin veut avoir un avis d'un autre spécialiste à 200 km là pas de problème!!!!!A croire que le patient client n'est devenu qu'un numéro qui doit être rentable qui doit être source de revenu pour la région...conseil...!!Je n'ai que dégoût envers tous ces administrateur à la solde des laboratoires et de la politique du chiffre!Aucune cohérence!Tu fais appel sur une décision de refus de transport ,là on t'envois voir un expert qui soit en 2 mn t'expédis,ou soit tu tombes sur le procédurier du coin qui connait même pas les molécules de trithérapies et qui va aller demander conseil après au médico conseil qui évidement ne va pas aller à l'inverse de sa décision,pardi !Et tes spécialistes à Marseille ou Paris n'ont plus qu'à s'arracher la tête par tant d'incompréhension du système mis en place par quelque secrétaires d'état qui eux si ils ruinent le système toucheront toujours grassement leur retraite plus tard sans qu'aucun compte ne leur soit demandé!!!Et l'entrepreneur lui on l'endette à vie!!Si demain on demandait des comptes à ces gens là ,en cas de perte je pense que ils reverraient la situation et leurs décision vers un peu plus de cohérence.

La rupture de soins ,un désastre c'est de l'auto suicide du genre ça passe ou cela casse..Non!

Aller à l'étranger avec sa trithérapie ,maintenant peu de pays refusent,et puis on set déjà tellement fichés que bon...

Pour conclure mieux vaut un suivit dans des centre spécialisés regroupant plusieurs spécialistes qui en une journée auront fait le tour de la question et pris la bonne décision par la synthèse.