Sida : pour un vrai plan d’urgence destiné à l’Afrique

Publié par Rédacteur-seronet le 16.08.2017
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Initiativeplan urgences

D’importantes organisations non gouvernementales se mobilisent en faveur de l’adoption d’un "vrai plan d’urgence destiné à l’Afrique de l’Ouest et du Centre", condition impérative si on veut en finir avec l’épidémie de sida en 2030. Elles s’en expliquent dans cette tribune publiée initialement dans "Le Monde" (20 juin 2017).

Il y a un an, l’organisation non gouvernementale Médecins sans frontières tirait le signal d’alarme en révélant dans son rapport "Le Prix de l’oubli" des chiffres édifiants. En Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale, qui concentrent à elles seules 20 % des nouvelles infections au VIH et 45 % des ­enfants naissant avec le virus dans le monde, c’est 1,3 million de personnes qui se savent séropositives au VIH et qui n’ont pas accès au traitement. Soit un taux d’accès au traitement deux fois inférieur à celui prévalant dans le reste de l’Afrique.

Un problème que les Nations unies ont décidé de prendre enfin à bras-le-corps, en annonçant le lancement d’un plan d’urgence contre l’épidémie de sida en Afrique de l’Ouest et du Centre en juillet prochain. Ce plan est une ­occasion unique de corriger les injustices et de rattraper le retard qu’accuse cette région, à condition qu’il ne se ­révèle pas être une coquille vide. Démédicalisation, mobilisation des malades et des personnes les plus à risque, accès à l’innovation comme la PrEP (prophylaxie pré-exposition), le dépistage communautaire ou la charge virale : les ­solutions pour améliorer l’accès au traitement antirétroviral dans la sous-région sont connues. Il revient désormais aux leaders politiques d’y souscrire et de les mettre en œuvre.

Première solution : démédicaliser. Cela consiste à autoriser du personnel non médical ou encore les malades eux-mêmes, formés à cet effet, à effectuer certains actes biomédicaux que les progrès scientifiques ont permis de simplifier. Cette approche présente deux avantages. D’une part, pallier le manque de personnel de santé, obstacle majeur pour permettre au plus grand nombre d’accéder aux soins. D’autre part, atteindre les malades les plus discriminés qui n’osent pas se rendre spontanément dans les centres de santé.

Recommandé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le ­dépistage démédicalisé est réalisé par des "pairs-éducateurs", du personnel non médical formé et issu des communautés concernées, se trouvant dans un rapport de proximité, d’égalité et de confiance avec les personnes les plus vulnérables. Autre option recommandée par l’OMS : autoriser les infirmiers et les ­sages-femmes à prescrire les antirétroviraux et à renouveler les ordonnances chez les patients stables, et permettre aux associations communautaires de participer à la distribution des traitements. Dans un contexte de pénurie de personnel médical et paramédical et de centres de santé, cela permet de multiplier le nombre de points d’accès au traitement, de réduire les distances de déplacement, les temps d’attente et les barrières financières, et donc de maintenir les personnes dans le soin.

Deuxième solution : concentrer les efforts de prévention sur les groupes les plus à risque d’infection, afin ­d’endiguer la propagation du virus. A l’échelle mondiale, il s’agit des travailleurs et travailleuses du sexe, des hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes, des usagers de drogues injectables et des personnes trans. Davantage exposées aux discriminations économiques, sociales et culturelles, ces populations ont besoin d’une prise en charge spécifique comme le démontre le succès des ­centres de santé sexuelle qui leur sont consacrés.

A l’instar de la clinique ­Confiance d’Abidjan ou la clinique des Halles de Bamako, ces centres se caractérisent par des horaires adaptés et un personnel médical et paramédical spécialisé. Selon les contextes, d’autres ­populations très touchées ont elles aussi besoin d’actions adaptées, comme les personnes handicapées, les enfants, les adolescents ou les détenus.

La mise en place de services adaptés pour les populations les plus à risque permet d’optimiser les ressources ­actuellement disponibles contre le sida, d’améliorer la santé des personnes et de soulager des systèmes de santé souvent saturés.

Mais ne soyons pas dupes. S’il est possible de faire mieux avec les ressources existantes, il ne sera pas possible de ­venir à bout de l’épidémie sans financements supplémentaires. Alors qu’il faut tripler le nombre de personnes sous antirétroviraux dans la région Afrique de l’Ouest et du Centre et le doubler au niveau mondial d’ici à 2020, le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme ne dispose que de un milliard de dollars de plus sur 2017-2019 par rapport à 2014-2016. Des millions de vies sont en jeu. Chaque jour dans le monde, plus de 3 000 personnes, dont 300 enfants, meurent du sida. Les Etats d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale doivent être en première ligne pour augmenter leurs budgets alloués à la santé, mais ils ne parviendront pas à mobiliser les sommes nécessaires sans l’appui des Etats les plus riches de la planète, comme les Etats-Unis et la France. A l’échelle mondiale, l’Onusida estime qu’il manque 7 milliards de dollars (6,3 milliards d’euros) par an d’ici à 2020 pour mettre fin au sida d’ici à 2030.

Aujourd’hui, nos associations en ­appellent aux responsables politiques, du Sud et du Nord. Sans une Afrique ­débarrassée du VIH, l’épidémie continuera sa propagation sur le reste de la planète. L’hécatombe doit cesser.

ACS/AMO Congo – République Démocratique du Congo, Affirmative Action – Cameroun, AfricaGay contre le sida – réseau africain, AfriCASO (conseil africain des ONG d’action contre le VIH/sida) – Sénégal, AIDES, ANBS (Alliance nationale burundaise de lutte contre le sida) – Burundi, AMSHER Dakar (African men for sexual health and rights) – Sénégal, ANCS (Alliance nationale des communautés pour la santé)– Sénégal, ANSS (association nationale des séropositifs et sidéens du Burundi) – Burundi, ARCAD-Sida (association de recherche, de communication et d’accompagnement à domicile de personnes vivant avec le VIH) – Mali, Association AND SOPPEKU – Sénégal, Coalition PLUS – International, ENDA Santé, EVA (Enfants et VIH en Afrique) – réseau africain, Fédération Handicap International, Health GAP (global access project)– États-Unis, ICW (La Communauté Internationale des Femmes Vivant avec le virus VIH ou le SIDA), International HIV/AIDS Alliance, ITPC Afrique de l’Ouest (international treatment preparedness coalition) – Côte d’Ivoire, Kénédougou Solidarité – Mali, Plateforme Société Civile AOC, RAP+ Afrique Centrale et de l’Ouest (réseau africain des personnes vivant avec le VIH), Réseau des associations des PVVIH en AOC, Réseau nigérien des personnes vivant avec le sida – Niger, REVS+ (responsabilité espoir et vie de façon positive) – Burkina Faso, RIP + (réseau ivoirien des organisations de personnes vivant avec le VIH-sida), RMAP+ (Réseau Malien des Associations de Personnes Vivants avec le VIH/SIDA), RNP + – Sénégal (réseau des personnes vivant avec le sida au Sénégal), Sidaction, SIDIIEF (secrétariat international des infirmières et infirmiers de l’espace francophone), Solidarité Sida, Wale – Mali.