Soutien financier au 190 : Marisol Touraine botte en touche

Publié par Mathieu Brancourt le 10.09.2015
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Thérapeutiquecentre de santé sexuelle

La ministre de la Santé dit non à un soutien direct au centre de santé sexuelle parisien : le 190. Dans une réponse à l’interpellation d’un sénateur communiste, Pierre Laurent, sur la situation financière du 190, Marisol Touraine a avancé des alternatives pour le centre. Mais selon le président de SIS-Le 190, Franck Desbordes, elles sont inenvisageables et incompatibles avec la démarche du 190. Explications.

Le centre de santé sexuelle Le 190 a trouvé de nouveaux locaux parisiens, mais toujours pas la sérénité. Si les responsables avaient pu souffler en annonçant avoir signé, début juillet, un nouveau bail grâce à la mobilisation de la mairie de Paris et de la région Ile-de-France, la question financière restait une gageure. Là-dessus, le sénateur communiste de Paris Pierre Laurent avait interpellé – il y a presque un an – la ministre de la Santé, Marisol Touraine, sur le déficit structurel du centre et critiqué le manque d’engagement au niveau national. "Les différents organismes liés à l’Etat comme la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam), la direction générale de la santé (DGS) et l’Agence régionale de santé (ARS) sont restés à l’écart de cette mobilisation pourtant pleinement justifiée", avait critiqué le parlementaire. Début septembre 2015, Marisol Touraine lui a opposé une fin de non-recevoir, que Pierre Laurent a publiée sur son site.

Dans sa réponse, la ministre explique tout d’abord que l’élargissement des missions (des consultations de dentistes et de gynécologues, par exemple) et des lieux allait permettre de sortir les comptes du rouge. "En ce qui concerne les locaux, la mairie de Paris s’est engagée à proposer de nouveaux locaux plus grands qui devront permettre l’implantation d’un fauteuil dentaire, ce qui devrait participer au rééquilibrage financier du centre de santé", avance ainsi la réponse ministérielle. Malheureusement, ce n’est pas le cas. Contacté par Seronet, Franck Desbordes, président de SIS-Le 190 et vice-président de Sida Info Service, réfute cette affirmation. "Il aurait fallu la création de plusieurs postes de soins pour que l’activité dentaire permette de revenir à l’équilibre. Et les nouveaux locaux, certes plus grands, ne le permettront pas". Avec un seul poste dentaire, le centre de santé sexuelle ne pourra boucler son budget de la sorte.

Question de modèle

L’autre argument de la réponse de la ministre se fonde sur le statut et le fonctionnement propres du 190 : "La majorité de la population fréquentant le 190 n’est pas atteinte par l’infection du VIH. Dans ces conditions, ce centre […] pourrait demander le statut de centre gratuit d’information, de dépistage et de diagnostic (CeGIDD) créé par l’article 47 de la loi de financement de la sécurité sociale 2015". Marisol Touraine propose ici que le centre devienne une de ces nouvelles structures de prévention, résultat de la fusion des CDAG et Ciddist. Une démarche qui serait "de nature à consolider la structure du financement du centre de santé sexuelle". Pour Franck Desbordes, c’est tout simplement impossible : "Nous avions effectivement rencontré, courant juin, l’ARS avec Michel Ohayon [directeur médical du centre, ndlr], pour discuter de cette fameuse convention CeGIDD. L’activité potentielle qui en découlerait ne serait pas intéressante, voire accentuerait même le déficit. Mais cela signait surtout la fin du modèle spécifique et innovant du 190, vers un autre productiviste", ajoute Franck Desbordes.

Etre CeGIDD, ce n’est pas le sens du 190

Face à l’argument du nombre de séropositifs pris en charge, ce dernier renvoie aux fruits de la démarche communautaire et inclusive du centre. "Nous suivons 40 % de personnes séropositives, 40 % de personnes séronégatives et 20 % de personnes en consultation d’addictologie, où le statut sérologique n’est pas forcément déclaratif. Il faut retourner l’argument de la ministre. Si les personnes suivies ne se contaminent pas, c’est parce que nous nous occupons bien d’elles, avec un suivi dans la durée. Que nous changions de modèle n’est pas dans son intérêt ni dans celui de la santé publique. Nous ne sommes pas un CeGIDD, nous ne le serons jamais. Ce n’est pas le sens du 190", défend-il encore. Et de déplorer que "le dossier 190 ne soit pas mieux maîtrisé par la DGS". Franck Desbordes laisse cependant la porte ouverte. "Nous sommes bien évidemment ouverts à une rencontre avec madame Touraine, pour mieux expliciter nos missions". Pas sûr que, dans un contexte de contraintes budgétaires fortes, Marisol Touraine soit réceptive à ce nouvel appel.