Truvada : les raisons de la colère contre Gilead

Publié par Mathieu Brancourt le 03.06.2019
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Thérapeutique

Sous la pression, le laboratoire Gilead a annoncé un partenariat de généricage de son médicament anti-VIH Truvada pour son utilisation en Prep (prophylaxie pré-exposition). Une bonne nouvelle pour les activistes, mais qui ne sont pas dupes derrière l’intention « louable » du géant pharmaceutique. Cette volte-face dans la stratégie tombait peu de temps avant une audience devant une puissante commission de la Chambre des représentants étasunienne, le jeudi 16 mai dernier. En débat, les bénéfices astronomiques du laboratoire grâce à son brevet exclusif sur le seul médicament vendu en Prep, alors que la recherche pour son développement a été financée par le contribuable américain.

L’étincelle est née des activistes et leur campagne Prep4all (Prep pour tous-tes). Le feu s’est propagé jusqu’au secrétaire d’État à la Santé américain, Alex Azar. Le 8 mai dernier, il a annoncé que l’administration Trump et le laboratoire Gilead avaient conclu un accord de « donation d’un médicament pour la prévention pour près de 200 000 individus chaque année, pendant une durée maximum de onze années ». Concrètement, Gilead va fournir au Centre américain contre les maladies (CDC), qui mène la danse contre l’épidémie de VIH aux États-Unis, près de 2,4 millions de boîtes de Truvada tous les ans, pour les Américains-es n’ayant pas d’assurance maladie et étant exposés-es au virus. Ce « don » va courir jusqu’en 2030, où une transition est prévue avec Descovy, le remplaçant du Truvada, s’il est lui aussi autorisé pour la Prep. Gilead a autorisé à un seul laboratoire de génériques, Teva, la fabrication du médicament dès le 20 septembre 2020, soit un an avant la date de fin du brevet. C’est ce qu’ont découvert des médias américains en parcourant les documents publics, des rapports financiers de Gilead. Un timing au cordeau et une communication très favorable au laboratoire en apparence. Mais ces annonces sont loin d’avoir convaincu les activistes de baisser la garde, ni d’arrêter de questionner l’impact réel de cette décision sur la maximisation des profits par un laboratoire sur une molécule qui sauve des vies.

Dans un communiqué, le collectif #BreakThePatent (Cassons le brevet) explique que cet accord n’est pas une fin de brevet en soi, et ne recouvre pas l’ensemble des besoins en termes d’accès à la Prep sur le territoire américain. « Même après leur annonce, Gilead conserve les droits exclusifs sur le Truvada en Prep pour les 15 mois prochains mois et Teva sera le seul fabricant de médicaments génériques sur le marché américain. Cela impactera peu en faveur d’une baisse des prix significative et permettant un accès plus large », a réagi Aaron S. Lord du collectif #BreakThePatent. Ce dernier explique qu’il demeure « méfiant » quant aux termes de l’accord et du manque de transparence de la transaction. Sachant que les nouvelles déclarations de Gilead, quant à l’accord avec Teva, (supposément conclu en 2017) dateraient de 2014 et se contredisent dès lors.

On se voit devant la cour !

Le parcours du médicament Truvada est symptomatique de la course à l’échalote des prix des médicaments vitaux et leur inflation démentielle ces dernières années. Gilead Sciences, a gonflé le prix de plus de 25 000 %, selon le collectif #BreakThePatent. Vous avez bien lu ! Alors que le traitement coûtait moins de six dollars par mois, Gilead le fait facturer plus de 1 700 dollars pour une boîte de trente jours. Ce coût prohibitif amène au constat que seulement 10 % de la population la plus exposée au VIH peut se payer le médicament. Pour un médicament qui protège à plus de 99 % de toute infection par le VIH celui ou celle qui le prend. Le Washington Post révélait qu’en 2018, Gilead s’est fait près de trois milliards de bénéfices grâce au Truvada, alors que c’est la recherche publique américaine, financée par le contribuable, qui a conduit au développement du médicament. Et un peu plus tôt cette année, Gilead avait fait une autre annonce : une nouvelle augmentation du prix de 4,9 %, rapportait un confrère de Out. Il n’en fallait pas plus (sic) pour pousser les activistes anti-sida du continent nord-américain à se mobiliser sur cette question, jusqu’à attirer l’attention d’un des comités les plus puissants de la Chambre des représentants américains. Le Comité de surveillance et de réforme est le principal comité d’investigation de cette chambre du Parlement. Elle peut forcer des personnes à témoigner ou rendre des comptes publiquement. Et celle-ci a conduit une audition jeudi 16 mai dernier, intitulée « Médicament préventif du VIH : des milliards de bénéfices pour les entreprises après les millions d'investissements des contribuables ». « C’est énorme que le Comité de surveillance interne se confronte au PDG de Gilead et le conteste. C’est la possibilité de rendre des comptes pour les milliards qu’ils ont fraudés avec un médicament créé avec l’argent des contribuables », explique à Seronet Jason Rosenberg, activiste membre d’Act Up-New York. Lors de cette audition, l’élue démocrate Alexandria Ocasio-Cortez a une nouvelle fois fait parler sa verve devant le PDG de Gilead, Daniel O’day. Elle a mis en avant la comparaison de la situation de l’Australie, où le Truvada coûte 8 euros par mois, somme comparée aux 1 780 dollars américains. « Je pense qu'il est important de faire remarquer que c’est la recherche publique qui a développé ce médicament. Nous, les contribuables, avons payé pour ce médicament, nous avons développé tous les brevets nécessaires à la création de la Prep, puis ce brevet a été privatisé malgré le fait qu'il appartenait au public », a déclaré Ocasio-Cortez. « Il n’y a aucune raison que cela coûte encore près de 2 000 dollars par mois. Les gens meurent à cause de cela et il n’y a aucune raison pour cela », a-t-elle martelé dans un réquisitoire sans appel contre Gilead et, plus généralement contre l’avidité des laboratoires pharmaceutiques.

L’organisation citoyenne Public citizen, collectif contre les corporatismes et la défense des intérêts des citoyens américains, a cité les propos de l’élue démocrate, en rappelant que « comme d’habitude, les contribuables paient deux fois : d'abord en finançant la recherche et le développement, puis en faisant face aux prix inabordables du monopole fixé par une entreprise ». Jason Rosenberg d’Act Up-New York espère une prise de conscience, mais note déjà que « c’est incroyable que les membres du comité s’en saisissent, parce que cela montre que c’est dans leur radar et qu’il y a un intérêt. Cela pourrait également créer un précédent pour de nombreuses autres sociétés pharmaceutiques qui exploitent les gens à bon compte », indique-t-il aussi. À ce titre, le président du Comité de surveillance et de réforme, Elijah E. Cummings a adressé un courrier au secrétaire d’État à la santé Alex Azar, le 16 mai, lui rapportant les éléments présentés durant l’audience, et lui demandant, pour les différentes actions de Gilead, les documents officiels concernant les discussions et accords entre le gouvernement, ses instances, et le laboratoire, pour en évaluer la légalité. Avec, à la clé, des révélations fracassantes.

 

Commentaires

Portrait de Tony54100

Et j imagine que le vaccin doit être bien caché lui aussi ....

Portrait de Butterfly

Tout a fait ou certainement !!.. 

Mon père me disait dans les années 80 ;.. que seul les riches avait le droit a ce vaccin qu'il existait quoi .. bref ct dur d'entendre ça vrai ou pas vrai .. bref - 

Coupable de pas être riche pfff ptin de vie -