Vaccin thérapeutique InnaVirVax : un essai démarre en France

Publié par Renaud Persiaux le 04.03.2012
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Un essai de vaccination thérapeutique démarre dans deux hôpitaux parisiens : Cochin et la Pitié Salpêtrière. Ce candidat-vaccin fabriqué par la société InnaVirVax ne cherche pas à agir directement sur le VIH, mais à réduire la destruction des CD4. Objectif de l’essai : s’assurer de la tolérance et de l’innocuité de ce candidat-vaccin appelé VAC-3S, et sélectionner la dose optimale pour les études ultérieures.

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Quel est l’objectif de l’essai ?
Autorisé par l’Afssaps (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé) le 13 octobre 2011, cet essai (nom de code : IVVAC-3S/P1) sera mené par le Pr Christine Katlama et le Dr Odile Launay sur 24 personnes vivant avec le VIH, sous traitement anti-VIH (antirétroviraux), avec une charge virale indétectable, dans deux hôpitaux parisiens : Cochin et la Pitié Salpêtrière. On parle d’essai de phase I/IIA parce qu’il s’agit de la première administration chez l’humain (phase I) et qu’il s’agit de personnes vivant avec le VIH (phase IIA) et pas de personnes non infectées.


Double objectif :
- S’assurer de l’innocuité (absence d'effets indésirables majeurs) de ce candidat-vaccin thérapeutique administré en trois injections intramusculaires espacées d’un mois ;
- Déterminer la dose du vaccin permettant la production suffisante d’anticorps.
Il ne s’agit pas, à ce stade, de tester l’efficacité réelle du vaccin dans la "vraie vie", ce qui nécessitera d’autres études et un nombre plus élevé de personnes essayant le vaccin. Celui-ci est fabriqué par la société de biotechnologie française InnaVirVax, au Génopole d'Évry.


Quel est le mode d’action ?
L’objectif du candidat-vaccin VAC-3S est de "protéger le système immunitaire, en diminuer sa sur-activation qui persiste même lorsque la charge virale est indétectable", explique Joël Crouzet, président d’InnaVirVax. "L’action supposée de VAC-3S est conçue pour être complémentaire de l’action des traitements antirétroviraux". On sait depuis très longtemps qu’une grande partie des CD4 qui sont détruits le sont alors qu’ils ne sont pas infectés par le VIH, mais simplement du fait de la présence du virus dans notre organisme, et des différents effets qu’elle entraine.

En cause notamment, un petit fragment du virus appelé "3S" qui se fixe au CD4 et fait que les cellules immunitaires dites "naturelles tueuses" se mettent à détruire les CD4. Ce qui a été progressivement démontré, à partir de 2005, par des chercheurs français de l’Unité mixte 945 située à l’Hôpital de la Pitié Salpêtrière (1), Patrice Debré et Vincent Vieillard. Le vaccin doit permettre à l’organisme de produire des anticorps capables de se fixer sur le fragment 3S et de l’empêcher d’entrer en contact avec les CD4. Et donc de bloquer l’effet négatif du fragment 3S et de réduire la destruction des CD4.

A qui ce candidat-vaccin pourrait servir ?  
VAC-3S ne vise pas à contrôler la réplication et la propagation du virus, mais à protéger l’immunité. Il est donc complémentaire des trithérapies. Selon Joël Crouzet, ce candidat-vaccin "très innovant" pourrait être principalement utilisé chez deux types de personnes :


- D’une part, "Les personnes qui ne sont pas encore traitées, avec l’objectif de ralentir la baisse des CD4 et de les maintenir au-dessus de 500 CD4" (seuil de mise sous traitement) et de réduire la sur-activation immunitaire et l’inflammation liées au VIH (qu’on pense impliquées dans un certain nombre de problèmes de santé, comme les troubles cardio-vasculaires, certains cancers, etc.). En revanche, le candidat-vaccin ne devrait pas réduire la charge virale, alors que le souhait de la personne de réduire par le traitement antirétroviral son risque de transmettre le VIH est devenu une indication de traitement (CV indétectable = quasi suppression du risque de transmission) .


- "Mais aussi, et surtout, les personnes sous traitement antirétroviral dont les CD4 ne remontent pas au dessus de 500 CD4 malgré une charge virale indétectable". On parle de non répondeurs immunologiques, et en France, 87% des personnes traitées ont une charge virale indétectable, mais seulement 56% ont plus de 500 CD4. C’est donc plutôt chez ces personnes qu’on pourrait espérer le gain le plus significatif.


Est-ce le même principe que les anciens essais d’immunothérapie avec l’IL-2 ?

Pas du tout. Alors que l’interleukine 2 visait à faire proliférer les CD4, le vaccin VAC-3S vise à les protéger. "Pour donner une image, c’est un peu comme une baignoire remplie dont la bonde est ouverte et dont on veut maintenir le niveau d’eau", explique Joël Crouzet. "L’IL-2 fonctionnait en ouvrant les robinets à pleins tuyaux. VAC-3S vise à fermer la bonde pour arrêter la fuite".


Comment se déroule l’étude ?

L’étude durera 14 mois. Il y aura en tout onze visites de suivi à l’hôpital (dont trois pour les trois vaccinations successives à un mois de distance) soit neuf visites supplémentaires par rapport au suivi médical standard. Un groupe de personnes recevra le candidat-vaccin et un autre le placebo (substance inactive). On aura une probabilité sur quatre de recevoir le placebo et trois de recevoir le candidat-vaccin (dose faible, intermédiaire ou forte). Certaines doses pourraient ne pas être suffisantes, et la dose potentiellement efficace n’est pas encore connue. Le vaccin est constitué d’un fragment de 3S fixé sur une protéine porteuse et associé à un adjuvant, c’est-à-dire un produit "booster" pour accroître son efficacité, "qui a déjà été utilisé chez l’humain", précise Joël Crouzet.


Pour plus d’informations :
Pr Christine KATLAMA Pitié Salpêtrière 01 42 16 01 03 - christine.katlama "@" psl.aphp.fr
Dr Odile LAUNAY Cochin Téléphone 01 58 41 23 00 - odile.launay "@" cch.aphp.fr
InnaVirVax : 01 80 85 60 83 - contact "@" innavirvax.fr


(1) Unité mixte INSERM/ Université Pierre et Marie Curie UMRS 945, Hôpital de la Pitié Salpêtrière.