Vaccination thérapeutique anti-VIH : comprendre les essais et leurs résultats

Publié par Renaud Persiaux le 28.03.2013
15 477 lectures
Notez l'article : 
4
 
0
Thérapeutiquevaccination

Depuis quelques mois, les effets d’annonce concernant la vaccination thérapeutique se sont succédés, avec des équipes ou des sociétés qui prétendent qu’elles ont découvert "LE" vaccin contre le sida, qu’il suffirait désormais de mener le vaccin jusqu’à la mise sur le marché. Seronet vous propose les règles de base pour savoir comment comprendre les objectifs de ces essais et leurs résultats.

1. Qu’est-ce qu’un vaccin ?

Les vaccins sont des outils importants du contrôle des maladies infectieuses et donc des épidémies. Leur principe est de stimuler le système immunitaire pour accroître nos défenses naturelles vis-à-vis d’un agent pathogène (un virus, par exemple), pour empêcher l’infection (vaccin préventif) ou diminuer sa gravité (vaccin thérapeutiques). De nombreux candidats-vaccins contre le VIH sont actuellement expérimentés à travers le monde. Début 2013, environ 25 essais vaccinaux contre le VIH chez l’humain ont lieu dans le monde.

2. Quels sont les objectifs des candidats-vaccins thérapeutiques anti-VIH ?

Pour schématiser, il y a deux grands objectifs portés par des candidats-vaccins très différents :

- être une alternative à la trithérapie antirétrovirale : le but est de susciter des réponses immunitaires qui vont permettre de contrôler le virus efficacement. Assez efficacement pour rendre la charge virale indétectable pendant un temps donné, et donc se passer d’antirétroviraux. L’enjeu est d’avoir un candidat-vaccin suffisamment efficace pour dépasser le très bon rapport bénéfices/risques des antirétroviraux actuels. Il est aussi important que la charge virale (CV) soit indétectable car cela permet une quasi-suppression de la transmission. A terme, ce type de vaccin thérapeutique pourrait aussi être utilisé au sein de stratégies d’éradication du VIH de l’organisme ;

- être un complément à la trithérapie : dans cette approche plus récente (et plus rare), le but est de protéger les cellules immunitaires, sans espérer d’effet important sur la charge virale. Il s’agit aussi de réduire la sur-activation immunitaire et l’inflammation liées au VIH, qu’on pense impliquées dans un certain nombre de problèmes de santé (troubles cardio-vasculaires, cancers). Ce type de vaccin pourrait principalement bénéficier à deux groupes de personnes :

 - les personnes pas encore traitées, en ralentissant la baisse des CD4 et en leur permettant de se maintenir au-dessus de 500 CD4/mm3 (actuel seuil où la mise sous traitement est recommandée pour avoir un bénéfice sûr pour la santé) ; 
 - les personnes qui prennent un traitement antirétroviral efficace mais dont les CD4 ne remontent pas au dessus de 500 CD4/mm3 malgré une charge virale indétectable (quasiment la moitié des personnes traitées).

3. Est-ce chez l’animal ou chez l’humain ?

Si c’est chez l’animal (souvent le singe) et même si c’est annoncé comme très prometteur, prudence. Cela peut être du SIV (le virus de l’immunodéficience simien, donc spécifique au singe) ou du SHIV. Les systèmes immunitaires des singes sont différents de l’humain. Leurs virus le sont aussi, et ils sont aussi beaucoup plus variables que chez les différents types du VIH. Certains essais utilisent du SHIV, un virus chimère de VIH et de SIV, fabriqué en laboratoire.

L’essai chez le singe est une étape indispensable, mais ce n’est pas parce que cela marche chez le singe que cela marchera chez l’humain. Dans tous les cas, il va falloir prouver que l’effet observé dans ces étapes préliminaires se maintiendra quand on testera le candidat-vaccin chez des personnes vivant par le VIH.

4. Si l’essai a lieu chez l’humain, quels sont les différents types d’essai ?

Les essais vaccinaux chez l’humain se différencient selon différentes phases successives qui correspondent à des objectifs différents (numérotées en chiffres arabes ou romain). On parle d’essais de phase 1, de phase 2, de phase 3 ou de phase I, phase II, phase III. Parfois, il y a des nuances (phase 2a ou 2b) ou des phases mixées (phase 1/2 ou phase 2/3).

- Phase 1 (innocuité) : il s’agit de la première évaluation chez l’humain, qui vise à établir une idée de la sûreté du vaccin (est-il bien toléré ? cause-t-il déjà des effets indésirables ?) et de son immunogénicité (sa capacité à produire des réactions immunitaires). Mais certainement pas à mesurer l’efficacité thérapeutique précise de ce candidat-vaccin. Parfois différents dosages sont testés. Plusieurs candidats-vaccins contre le VIH ont déjà eu des bons résultats dans des essais de phase 1.

- Phase 2 (immunogénicité et dosage) : chez un petit nombre de participants, on vérifie que le rapport bénéfice/tolérance est favorable et n’entraîne pas d’effets indésirables importants. On cherche à établir la dose de vaccin optimale (parfois on parle de phase IIA), celle qui va produire des réactions immunitaires suffisantes. On va regarder les effets biologiques, mais le nombre de participants est trop faible pour conclure.

Parfois, l’équipe de recherche mélange ces deux étapes en faisant ce qu’on appelle un essai de phase I/II (ou phase 1/2), ce qui permet d’accélérer la recherche.

- Phase 2B ("preuve de concept") : c’est un peu comme la phase II (ou IIA), mais avec une seule dose en général, et des recherches plus poussées sur un plus grand nombre de participants. On  commence à avoir une bonne idée de l’efficacité (c’est la "preuve du concept"), qu’il faut ensuite évaluer de manière plus poussée.

- Phase 3 (efficacité et bénéfice/risque) : le rapport efficacité/tolérance (ou bénéfices/risques) est vérifié sur un grand nombre de personnes (plusieurs centaines voire quelques milliers), ce qui va permettre de définir des précautions et conditions d’emploi. Il s’agit des études "pivot" qui sont censées permettre, à terme, l’autorisation de mise sur le marché (AMM) par les agences du médicament (américaine, européenne...).

Il faut de nombreuses années (au moins 7 à 10 ans), après le début des études de phase 1, avant d’arriver à la commercialisation d’un vaccin. Entre temps, beaucoup de candidats-vaccins sont abandonnés.

5. Comment comprendre les résultats annoncés ?

- par exemple, l’équipe évoque une réduction de la charge virale de 90 %. Cela semble impressionnant, mais ce chiffre de 90 % de baisse de la charge virale VIH est trompeur. En réalité, il correspond à une baisse d’un peu moins d’un log de charge virale. Or, une baisse de 1 log, c’est une division par 10 de la charge virale (par exemple, de 500 000 copies/ml à 50 000 copies, ou de 2000 à 200 copies). Significatif, mais pas suffisant pour espérer se passer des trithérapies antirétrovirales. D’autant que bien souvent les chercheurs n’ont pas observé cette baisse chez toutes les personnes participant à l’essai ;

- autre question à se poser, quelle est la durée de l’étude ? L’effet se maintient-il ou n’est-il que transitoire ? Il est très différent d’annoncer un effet sur la charge virale de 3 mois ou de plusieurs années. Si l’effet n’est que transitoire, il va nécessiter des vaccinations successives. Il faudra ensuite s’assurer que celles-ci seront possibles et que leur efficacité se maintiendra.

6. Quels sont les bénéfices et les risques à participer à un essai ?

Les risques sont d’autant plus importants que le développement est précoce (phase 1) : lors de la première injection chez l’humain, et même si aucun effet indésirable grave n’a été observé chez l’animal avec les doses utilisées, une réaction inconnue (jamais observée) est possible. Cela impose un suivi rapproché par le médecin en charge de la recherche, qui doit être informé de l’apparition de tout symptôme, qu’il soit lié ou non à l’étude.

Souvent, surtout dans les étapes précoces du développement, il n’existe pas de garantie que la participation à l’étude d’une personne lui bénéficie individuellement. Mais les informations recueillies pourront, dans l’avenir, aider d’autres personnes vivant avec le VIH.

7. Pourquoi ces effets d’annonces ?

De manière générale, ce sont des équipes qui veulent se faire connaitre et/ou des entreprises qui veulent lever des fonds. Trouver des fonds pour la recherche contre le VIH est un objectif louable et on ne peut que se réjouir de la vitalité de ce champ de recherche. On peut déplorer, en revanche, des effets d’annonce, assez souvent amplifiés par le traitement des médias, qui suscitent de faux espoirs, de la déception voire du découragement.

Début 2013, 25 à 26 essais de candidats-vaccins thérapeutiques anti-VIH chez l’humain ont lieu à l’échelle mondiale. Certains de phase 1, d’autres de phase 2. Aucun de phase 3.

Conclusion : bien souvent, il n’y a aucune raison de s’exciter outre-mesure à propos des résultats annoncés. Mais simplement de saluer un beau résultat scientifique, et de suivre les résultats ultérieurs de cette voie de recherche.

Merci à Constance Delaugerre (Laboratoire de virologie de l'hôpital Saint-Louis, Paris) et à Jean-Daniel Lelièvre (Institut de recherche sur le vaccin de Créteil) pour leur validation scientifique.

Commentaires

Portrait de bernardescudier

Et si on parlait des vaccins  avec les Hiv controllers ? Les Hiv controllers sonr reunis dans une nouvelle cohorte depuis mars 2013.

 

 Qui contacter pour rentrer dans cette étude  ? investigateur coordonnateur : Pr. Olivier Lambotte, Hôpital Bicêtre (Le Kremlin-Bicêtre) : 01 49 59 67 54 C’est fait !...

Portrait de tranny94

puis je avoir des détails (article ?) sur cette étude ?

 merci d'avance 

Portrait de Sophie-seronet

Bonojur Tranny94,

Tu trouveras un forum dédié sur la question des HIV controllers ici.

Bises. Sophie

Portrait de bernardescudier

Salut tu as un site wikipedia sur le sujet des Hiv controllers  http://fr.wikipedia.org/wiki/Contr%C3%B4leur_du_VIH mais si tu veux connaitre ou participer ( si tu es un Hiv controller appelé desormais, cohorte des codex ou des extremes ) aux recherches therapeutiques de ce groupe sur les vaccins voici d'autres indications :

1 -

http://www.actupparis.org/spip.php?article4790

2 -

ou chercher sur le net protocole 70

3 -

ou aller directement vers le texte de l'anrs sur les Hiv controller appelés aussi codex ou extremes avec l'adresse suivante https://docs.google.com/viewer?a=v&q=cache:34H_ZelLgKkJ:www.anrs.fr/cont...

Portrait de espoir2012hiv

merci pour ce texte qui résume notre interrogation sur le vaccin thérapeutique .sa mérite d’être clair

Portrait de JIPETTE

mise au clair et au point

indispensable face au déferlement des "découvertes miraculeuses" systématiquement contredites quelques semaines plus tard