VIH : l’OMS recommande le traitement précoce

Publié par jfl-seronet le 04.07.2013
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Thérapeutiqueaccès aux traitements

Les nouvelles recommandations thérapeutiques de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) concernant le VIH recommandent de proposer le traitement antirétroviral (TAR) à un stade plus précoce. Des éléments récents indiquent qu’un TAR administré plus précocement aide les personnes vivant avec le VIH à vivre plus longtemps et en meilleure santé et réduit substantiellement le risque de transmettre ce virus à d’autres personnes. Cette nouvelle approche pourrait éviter 3 millions de décès et prévenir 3,5 millions de nouvelles infections par le VIH entre aujourd’hui et 2035.

Le document s’intitule : "Consolidated guidelines on the use of antiretroviral drugs for treating and preventing HIV infection". C’est la nouvelle bible de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui comprend les toutes nouvelles recommandations en matière d’utilisation des médicaments anti-VIH et elle vient de sorti, fin juin. "Ces recommandations représentent un autre bond en avant vers des objectifs toujours plus hauts et des réalisations toujours plus ambitieuses", indique le Directeur général de l’OMS, le Dr Margaret Chan dans un communiqué de l’agence. "Avec près de 10 millions de personnes [9,7 millions de personnes pour être précis] maintenant sous traitement antirétroviral, nous voyons que les perspectives actuelles — inconcevables il y a seulement quelques années — peuvent donner l’élan nécessaire pour entraîner l’épidémie de VIH vers un déclin irréversible".

Traitement : démarrer plus tôt

Ces nouvelles recommandations encouragent tous les pays à mettre en route le traitement chez les adultes vivant avec le VIH dès que le nombre des CD4 devient inférieur à 500 CD4/mm3 ou moins – c’est-à-dire lorsque leur système immunitaire est encore fort. Les précédentes recommandations de l’OMS, datant de 2010, incitaient à proposer le traitement au stade de 350 CD4/mm3 ou moins. 90 % des pays avaient adopté les recommandations de 2010. Quelques autres, dont l’Algérie, l’Argentine et le Brésil, proposaient déjà le TAR au seuil de 500  CD4/mm3. L’OMS rappelle qu’il fonde ses recommandations sur des "éléments prouvant que traiter plus précocement les personnes porteuses du VIH avec des médicaments sûrs, abordables et faciles à gérer peut à la fois les maintenir en bonne santé et abaisser leur charge virale, ce qui réduit le risque de transmettre le virus à une autre personne". Autrement dit, "si les pays peuvent intégrer ces changements dans leur politique nationale concernant le VIH et les appuyer avec les moyens nécessaires [notamment financiers, ndlr], ils observeront des bénéfices sanitaires importants tant en termes de santé publique qu’à l’échelle individuelle".

Jeunes enfants vivant avec le VIH et femmes enceintes

Les nouvelles recommandations de l’OMS "prévoient aussi de fournir un traitement antirétroviral, indépendamment du nombre de leurs CD4, à tous les enfants vivant avec le VIH de moins de 5 ans, à toutes les femmes enceintes ou celles qui allaitent vivant avec le VIH et à tous les partenaires séropositifs pour le VIH lorsque l’un des partenaires n’est pas infecté [couples sérodifférents]". L’Organisation continue de "recommander que toutes les personnes vivant avec le VIH et atteintes d’une tuberculose évolutive ou d’une hépatite B au stade maladie reçoivent le traitement antirétroviral." Une autre des nouvelles recommandations préconise de prescrire à tous les adultes débutant un TAR la même pilule quotidienne unique renfermant une association de médicaments en doses fixes. Le traitement de référence indiqué par l’OMS est ténofovir et lamivudine (ou emtricitabine) et efavirenz, sous forme de pilule unique, administrée une fois par jour.

"Cette association est plus facile à prendre et plus sûre que d’autres associations précédemment recommandées et peut être utilisée chez l’adulte, la femme enceinte, l’adolescent et le grand enfant", précise l’OMS. "De tels progrès permettent aux enfants et aux femmes enceintes d’accéder au traitement plus tôt et dans des conditions plus sûres et nous rapprochent de notre objectif d’une génération sans sida", explique, de son côté, le directeur exécutif de l’UNICEF, Anthony Lake.

Améliorer la prise en charge

L’OMS "encourage (…) les pays à améliorer les modes de délivrance des services liés au VIH, par exemple en les liant plus étroitement à d’autres services de santé tels que ceux relatifs à la tuberculose, à la santé de la mère et de l’enfant, à la santé sexuelle et génésique [qui se rapporte à la reproduction, ndlr] et au traitement de la dépendance aux drogues". Les nouvelles recommandations de l’OMS arrivent "vraiment en temps utile compte tenu des progrès rapides que nous avons réalisés dans l’expansion des programmes de prévention et de traitement", déclare Dr Mark Dybul, directeur exécutif du Fonds mondial de lutte contre le sida. "C’est un exemple de la façon dont le Fonds mondial et l’OMS collaborent pour appuyer les pays dans la progression vers l’élimination du VIH en tant que menace pour la santé publique", ajoute-t-il.

Des difficultés subsistent

Si le nombre d’enfants susceptibles de bénéficier du TAR a augmenté de 10 % entre 2011 et 2012, ce progrès est encore trop lent au regard de l’augmentation de 20 % enregistrée chez les adultes. Une autre source de complications réside dans les obstacles juridiques et culturels auxquels des populations clés telles que les utilisateurs de drogues par injection, les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes, les transgenres et les professionnels du sexe continuent de se heurter pour obtenir le TAR, qui, sinon, leur serait plus facilement accessible. Un autre problème encore à surmonter est la proportion importante de personnes qui, pour des raisons diverses, abandonnent le traitement.

Données encourageantes

"Entre 2011 et 2012, on a enregistré la plus forte accélération jamais observée du recrutement par les programmes de délivrance du TAR, avec 1,6 million de personnes bénéficiant du traitement antirétroviral de plus, ce qui porte leur nombre total à 9,7 millions", indique l’OMS. Toutes les régions du monde, et l’Afrique au premier chef, ont bénéficié d’une augmentation de la couverture en médicaments. Sur 5 personnes débutant le traitement en 2012, 4 vivaient en Afrique sub-saharienne. "Aujourd’hui près de 10 millions de personnes ont accès à ce traitement salvateur. C’est un véritable triomphe du développement", indique Michel Sidibé, directeur exécutif de l’ONUSIDA. Mais tout n’est pas rose. "Nous devons (…) faire face à un nouveau défi : garantir que les 26 millions de personnes susceptibles de bénéficier du traitement y aient effectivement accès, pas une personne de moins. Toute nouvelle infection par le VIH ou tout nouveau décès lié au sida dû à un accès insuffisant au traitement antirétroviral est inacceptable".

Tout n’est pas rose… en effet

Médecins Sans Frontières (MSF) salue les nouvelles directives et "appelle à une mise en œuvre rapide de ces recommandations ainsi qu'à un soutien international, politique et financier accru". Pour MSF, ces recommandations changent radicalement la donne. "Rien ne motive davantage les patients à respecter leur traitement contre le VIH que de savoir que le virus est "indécelable" dans leur sang", explique le Dr Gilles Van Cutsem, coordinateur médical de MSF en Afrique du Sud. "Le dépistage de la charge virale est le meilleur moyen de savoir si les patients doivent poursuivre leur traitement de première ligne ou passer à un traitement de deuxième ligne". Reste que mécaniquement, l'introduction de ces nouvelles recommandations augmentera également le nombre de personnes éligibles au traitement. "Des pays comme la République centrafricaine, la République démocratique du Congo, la Guinée et le Myanmar ont dix ans de retard en matière de lutte contre le VIH et bien trop de patients meurent faute d'avoir accès au traitement. Il convient d'améliorer la couverture des populations vulnérables comme les pauvres des régions rurales", explique le Dr Van Cutsem. Mais qui va financer ? MSF exhorte les gouvernements bailleurs de fonds et le Fonds mondial destiné à financer les programmes de traitement contre le VIH à soutenir la mise en œuvre de ces nouvelles directives. "La communauté internationale ne doit pas permettre que des patients ayant besoin d'un traitement soient toujours négligés dans les pays et régions instables, où les systèmes de santé sont défaillants ou la volonté politique absente", explique-ton à MSF.

AIDES aussi est préoccupée par cette question du financement. L’association a demandé (début juillet) au gouvernement français de traduire  budgétairement  l’engagement français envers le Fonds Mondial en augmentant sa contribution à hauteur de 400 millions d’euros par an lors de la conférence de reconstitution 2013. L’association demande aussi de faire de la "fraction solidaire de la taxe française sur les transactions financières un véritable financement innovant en s’assurant du caractère additionnel de ces ressources". Autrement dit, soutenir qu’une partie de la taxe aille en plus aux enjeux de développement dont la lutte contre les grandes pandémies et ne remplace pas l’engagement habituel de l’Etat dans ce domaine. L’idée est bien de faire plus, donc de verser davantage à la lutte contre le sida.

Pour AIDES, le gouvernement français doit soutenir au niveau européen l’allocation de 5 % de la future taxe sur les transactions financières commune au Fonds mondial. En parallèle, la France doit promouvoir une diplomatie active pour la défense des droits des personnes séropositives et des populations les plus vulnérables, soutenir la production et la diffusion de traitements à moindres coûts et l’engagement de s’opposer aux dispositions des accords négociés par la Commission européenne qui risquent d’entraver la production de médicaments génériques. Enfin, il serait nécessaire que le gouvernement communique aux Français les résultats sanitaires et sociaux obtenus grâce à la contribution française au Fonds mondial.