Ma journée VIH (des news autrement dit pour ceux qui suivent les aventures de Rimbaud au pays du VIH)

Publié par Rimbaud le 05.01.2018
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            Oui, oui, bonne année. Bon, revenons aux choses essentielles. Hier, journée consacrée au virus en trois temps.

            Face à l’infectio, le matin, j’étais bien décidé à ne pas masquer ma vulnérabilité et à lui faire comprendre que je pige enfin pourquoi tant de séropos pensent autant à l’allègement. Après avoir fait la liste des effets secondaires (angoisses, fragilité psychologique, insomnies, maux de ventre, légères douleurs articulaires (du sport ? Non mais tu rigoles !)), après avoir expliqué que je ne mettais pas tout sur le compte du Triumeq, après avoir à nouveau affirmé que l’arrêt du tabac m’obsédait depuis le début bien davantage que le VIH (« non, je n’ai pas toujours pas trouvé la force de téléphoner à un tabacologue »), la doc de mon cœur, à son habitude, fait retomber la pression :

-          Arrêter le tabac ? Ce n’est pas le moment et vous culpabiliser est contre-productif. Vous en êtes à la phase 1, vous vous rendez compte de ses méfaits mais pas encore au stade 2 (euh oui, enfin, ça fait bien vingt ans que j’en suis à la phase 1, faudrait peut-être passer la seconde à un moment donné !). Je vais dès lundi en réunion présenter votre cas pour un passage en bithérapie. (Elle consulte mon dossier) Vous remplissez tous les critères : rapidement indétectable, des CD4 toujours élevés, observant… donc dès notre prochain rendez-vous, en juin, nous pourrons débuter le nouveau traitement. Mais il y aura deux cachets, plus petits…

-          Les américains ont sorti le Juluca en un comprimé…

-          Oui mais…

-          Ils vont faire une demande de mise sur le marché européen.

-          Ce sera long vous savez.

-          Non mais moi, je m’en fiche du nombre de comprimés, ce n’est pas un problème. Bon, vous m’aviez parlé de Tivicay et Edurant mais j’ai vu que c’était aussi lourd pour le système nerveux. On ne devrait pas essayer Tivicay et Lamuvidine plutôt parce que ce dernier a l’air mieux toléré et que l’essai Lamidol a validé son efficacité ?

-          (souriante) Je vois que vous êtes bien renseigné ! Dans votre cas, il faudrait se passer du dolutegravir, ce qui réduirait les choix mais nous devons en parler avec mes confrères car…

Impossible de vous transcrire la suite car cela dépasse mon cerveau : délicieux moment que celui où l’on ne comprend plus rien, où l’esprit abdique, renonce à tout contrôle et se délaisse délicieusement dans des mains expérimentées. Je ne suis pas de ceux qui cherchent à prendre un pouvoir illusoire sur leur infectio ou qui pensent se hisser à l’égal des médecins dont les connaissances se chiffrent en années d’études et de recherches. Ils en parlent, ils décident, elle m’informe et ensuite je ferai des recherches.

Vous le savez, le truc de mon infectio (en réalité coordonnatrice médicale), c’est de me prescrire de nouveaux examens mais cette fois j’ai tenu bon : rapport du scanner, procto, stop. Laissez-moi tranquille ! Aussi, lorsque nous avons évoqué la possibilité d’apnées du sommeil (probables à mon sens), je l’ai vu venir à cent mille… N’y compte même pas ! Niet ! Nada ! Dégage ! TG ! Ne formule même pas le début d’une phrase sur l’éventualité d’un examen complémentaire ! « Bon, d’accord, on le garde sous le coude et on en reparle en fin d’année ». Voilà, on va faire comme ça, j’aime autant. Arthur : one point. Je vous passe le reste : auscultation, tension nikel, discussion sur mon homme qui rechigne à faire ses examens, la Prep. Direction l’infirmière avec qui je parlerai repas du réveillon et vins.

      En passant dans les couloirs, j’ai croisé deux gays séropos. Une seconde, mon cœur s’est figé. Je ne sais pas pourquoi. Subitement, je n’étais plus le seul gay de l’univers séropositif. J’aurais eu envie de les serrer dans mes bras. C’est ridicule, je sais. Une sorte de tristesse s’est emparée de moi immédiatement. Je ne vivais plus ça seul dans mon coin, en autogestion. Ça devenait , non plus en théorie mais réellement, une maladie mondiale.

      L’après-midi, la pneumologue ou devrais-je dire le retour du docteur Young de grey’s Anatomy… elle m’a trouvé moins enjoué que la dernière fois et elle s’est sentie obligée de se montrer sympathique mais comme ce n’est pas dans sa nature, tout sonnait faux. Ça m’a détendu de l’observer tenter de jouer la comédie. Ça m’a beaucoup amusé. Moi qui m’attendais à un petit rendez-vous de cinq minutes, que dalle : nouvelle prise de sang pour détecter une improbable maladie génétique, test du souffle (j’ai tout déchiré du premier coup, winner !), nouvelle auscultation (la tension est plus haute l’après-midi, je ne le savais pas), confirmation de ce que je savais déjà : le micro-nodule n’a pas évolué, dernier contrôle dans neuf mois et… tous les tests d’efforts à faire à nouveau. Oh bordel… elle avait pourtant conclu qu’ils étaient dans la norme de mon âge la dernière fois… ça mérite une vengeance ça :

-          Donc, dans neuf mois… ce sera début septembre…  ah, mais je ne serai plus là…

Attention, vengeance tendant à jouer sur l’ego surdimensionné du docteur Young : je fais monter un vent de panique dans tout mon corps, je laisse entrevoir une légère humidification de mes paupières puis lance :

-          Oh… non… ah bon ? Mais…

Elle sourit. Elle rayonne. Elle n’en peut plus de lire ma déception (inexistante). Elle jubile. Elle sent que ma vie tient à sa présence (mon cul !). Oh que c’est bon !

-          Oui, voyons-nous plutôt fin août avant mon départ.

Merde, salope ! Tu m’as eu… Et histoire de bien m’achever, elle enregistre au dictaphone le compte-rendu de notre charmante réunion et précise : « le patient n’a toujours pas de motivation pour arrêter la cigarette ». Connasse !

      Troisième temps attendu de ma journée : la rencontre avec un membre de Seronet. Je me suis enfin décidé à sortir de ma tanière, à accepter de partager autrement que planqué derrière un ordinateur, et c’est un choc. Il est calme, doux, extrêmement réfléchi (je le savais déjà), et il a morflé pendant des années. Il a la profondeur de ceux qui ont souffert. Il a la solidité de ceux qui ont côtoyé la mort et la fragilité de ceux dévastés par les effets secondaires. Il ne travaille plus et n’ouvre pas les volets. Il est d’une grande justesse dans son propos et contre toute attente je crois que je parviens à rester moi-même. Ce n’est pas toujours simple quand on se retrouve deux inconnus l’un en face de l’autre mais quand il n’y a aucun enjeu sexuel, aucun enjeu sentimental, les choses sont plus simples. Comme je ne voulais pas venir les mains vides, je lui ai offert une bougie rose pour le côté pédé, avec un message (je me demande s’il l’a perçu) : « you are beautiful »… parce qu’il faut être beau, je trouve, pour inviter un mec chez soi, comme ça, pour livrer une part de sa vie, cloper et boire un coup sans rien attendre en retour. Je ne sais pas à quoi cette rencontre a servi et je m’en fous. On ne fait pas toujours les choses dans l’espoir de, dans l’attente de, avec des arrière-pensées… On fait. Nous avons parlé de l’absence totale de rencontres entre séropos sur Besançon, alors, qui sait, peut-être que nous formerons ensemble ce que les modernes appellent un réseau qui sera l’occasion de faire reculer la solitude, à défaut de l’épidémie.

Commentaires

Portrait de jl06

toute en justesse , surtout le dernier paragraphe (troisieme temps )

Manque cruel je trouve aussi de rencontre entre séropos, mais le veuelent t,il? 

LE Juluca  Quesaquo !

par contre si j,ai tout bien compris ma viro ma bien dit que si je change pour un autre plus question de reprendre le triumeq ?

Portrait de Rimbaud

(ton pseudo sonne comme un médoc je trouve lol)

 

Ils ne le veulent sans doute pas et je peux le comprendre. Le vih doit rester secondaire mais il doit quand même avoir sa place : je suis partagé personnellement. Je pense que c'est nécessaire de temps en temps sans en faire un mode de vie... mais bon, ici, il n'y a rien du tout, le vide total.

 

Le juluca c'est tivicay edurant en un seul médoc : https://julucahcp.com/ (dolutegravir + rilpivirine), pas encore en europe.

 

Pour un retour en arrière, je ne sais pas, j'ai entendu des choses contradictoires. Faudra que je lui demande.

Portrait de jl06

WinkOui ta raison pour le médoc , nouveau sur le marché , il sert à referer les hymen détendu ....

Portrait de sonia

Il y a longtemps que je n'avais pas lu un article aussi intéressant qu'émouvant. 

Merci Rimbaud pour ce rainbow sur seronet.

Portrait de Rimbaud

Alors c'est cooool ;)

Portrait de Pierre75020

Je suis heureux d'avoir de tes nouvelles.Très peu disponible ces quinze derniers jours, je ne trouve que ce soir le temps pour te poster un petit commentaire. A propos de l'éventualité de passer en bithérapie as-tu demandé à ton infectio si les deux pilules pouvaient être prises en un seule fois ou en deux comme me l'avait dit la mienne ce qui m'a fait reculer car j'ai conservé un mauvais souvenir des débuts du traitement où il fallait prendre le matin trois pilules et le soir quatre avec toutes les perturbations que cela entraînait lorsque je devais me rendre au spectacle ou à une invitation.Je crois qu'il est sage de se conformer à l'avis des médecins même s'il arrive qu'ils se trompent. Mes amis me conseillent de préserver mon capital d'immunité en attendant les nouveaux traitements et le résultat des expérimentations en cours, il sera toujours temps d'alléger quand cela sera possible sans risque. Je préfère fait preuve d'une prudence exagérée que de devoir reprendre un traitement lourd.

Soit le VIH occupe encore beaucoup trop mes pensées mais la pilule du matin a le mérite de m'en délivrer pour le reste de la journée.Je trouve très bien que tu ais pu rencontrer un membre de Seronet et trouver ainsi quelqu'un pour échanger directement,humainement si je puis dire.

Portrait de Rimbaud

Je suis content d'avoir un message de toi. Je demanderai à mon infectio car elle ne me l'a pas précisé mais je suppose que je les prends en même temps. La connaissant, elle me l'aurait dit. En fait, faut aussi que je lui pose une question car j'ai l'impression que c'est soit une bi qui protège les reins mais entraîne des pbs psychiques, soit l'inverse en gros. Je me trompe peut-être mais si c'est le cas, je préfère protéger mes reins et elle s'achemine dans l'autre direction..; enfin, tout ça est en cours et on a jusqu'à juin pour décider. Aucun exam à faire d'ici là, youpi ! :)

Portrait de bob02

   suis séropo depuis 1998, j'ai pris  ma trie sagement comme on me disait ,j'ai commencer à réduire ma trie en 2013 , j'étais à plat fatigue douleur, vertige  et toute la panoplie du surdosage , mon virologue était contre mon allègement  , au bout d'un ans vue que tout les résultats étaient très bon mon virologue à commencé à  me faire mes ordonnances à ma convenance et la le pharmacien à commencé à se méler de mon ordonnance , il me dit ton virologue à le droit de faire des ordonnances comme ça , j'ai dit c'est moi qui avale tout ces médocs et moi seul sait qu'il sont trop fort pour moi  ,  et là j'ai compris que j'avais gagné , mon corps commençait à me remercier , mon virologue aussi, il me dit j'ai le droit de faire des ordonnances allègés avant il n'avait pas le droit , il me dit on a gagné  , il me dit je comprend pas , les résultats sont très bon ,cd plus qu'il n'en faut et copies moins de vingt ,indétectable , je lui dit si je vous avais demandé un allègement, je l'aurais eu , il m'a dit non je prend ma trie un jour sur deux et la je vais bientôt la prendre un jours sur trois , mon corps commence à me parler de nouveau les vertiges reviennent