La malédiction du rhinocéros

Publié par Ferdy le 11.04.2012
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En cette période d'intense campagne électorale, nous aurions tort de négliger l'avenir promis à ce paisible mammifère terrestre qui accumule autant de disgrâces que de handicaps.
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Il ne s'agit pas ici de railler un-e candidat-e, puisque vous êtes assez malin pour avoir lu le titre et qu'il ne vous aura pas échappé non plus qu'il est rarissime de désigner un quelconque adversaire politique sous le terme générique de mammifère.

Chacun appartenant à cette classe de vertébrés à sang chaud, il serait évidemment absurde et contreproductif de renvoyer la concurrence à ses origines laitières. C'est à peu près tout ce que nous avons en commun, et il n'y a pas lieu d'en être fier.

Admettons maintenant qu'il existe dans cette catégorie un prototype dont on se demande s'il pourra survivre à l'issue du prochain mandat. Dès l'origine, tout avait été fait par le Créateur pour lui nuire. Encombrant, lourd, massif, trapu, doté d'une peau si épaisse qu'il paraissait légitime de se poser la question à quoi il pouvait bien servir.

Herbivore, solitaire, polygame et polyandre, inactif de l'aube au crépuscule, presque aveugle mais doté d'un odorat subtil et d'une audition assez remarquable, le rhinocéros ne se connaissait aucun ennemi car même sa chair est incomestible.

Il lui aura fallu cette fantaisie ridicule qui lui sera probablement fatale : cette corne sur le nez. Un appendice fabriqué de toute pièce, sans lequel il aurait pu passer inaperçu même dans un zoo. Ce n'est rien de plus qu'un chignon extravagant, constitué de la même substance que le cheveu ou l'ongle de notre espèce, la kératine, mais qu'il porte avec quelle effronterie. Pour le désigner, les Grecs ne l'ont pas coupé en quatre, rhinocéros : un nez et une corne. Point barre.

L'Asie en raffole depuis toujours, et surtout depuis 2009, après qu'un homme politique vietnamien ait eu la bonne idée de mettre sur le compte de décoctions à la poudre de corne sa guérison d'un cancer généralisé.

Du coup l'animal, pour spectaculaire qu'il paraisse, se trouve progressivement décimé au motif de cette seule protubérance nasale à laquelle on accorde des vertus médicinales et aphrodisiaques tout aussi fantaisistes, mais très juteuses pour les mafias internationales. La valeur de cette poudre serait infiniment plus élevée que la cocaïne, et les risques encourus par les braconniers nettement inférieurs au trafic de drogue.

La bestiole, protégée par la Convention sur le commerce international des espèces menacées d'extinction (Cites), n'a toujours pas trouvé de protection idéale. Il s'en tue deux bêtes par jour en Afrique du Sud, où se concentre 90% du cheptel mondial (estimé à 20 000).

Notre rhinocéros a eu le tort de s'égarer jusqu'au 21ème siècle. Rien ne le prédisposait à résister à cette barbarie.

Commentaires

Portrait de Coeursauvage

Je trouve le rhinocéros magnifique de force et de prestance. La disgrâce physique est une création de l'esprit humain qui ramène tout à lui, à son apparence, à son intelligence, à ses capacités et à ses dons. Mais il existe quantité de créatures sur terre toutes admirables d'adaptation et d'originalité. La vie serait bien triste sur notre planète s'il n'y avait que des humains pour la peupler, avec leurs problèmes, leurs haines, leur intolérance, leur ambition...

Je souhaite longue vie à l'animal fabuleux qu'est le rhinocéros, sachant que le rhinocéros noir vient de disparaître de la planète. Il reste le blanc. Sachons lui préserver sa vie paisible d'herbivore pacifique.

Merci à Ferdy pour ce sujet important, même si le rhinocéros noir a disparu dans l'indifférence quasi générale et l'ignorance.