Poutine reçoit de bien curieux soutiens

Le Premier ministre n'a jamais caché la méfiance naturelle qu'il porte à ces nouvelles technologies de la communication incontrôlable et du danger que représentent les réseaux sociaux à ses yeux. Il avait confié récemment n'avoir jamais envoyé un seul mail. Et on peut le comprendre.

Seulement voilà, il a bien dû se résigner à écouter ses conseillers qui lui ont bidouillé un site officiel de campagne. C'est ainsi qu'a été lancé le 14 janvier 2012 au matin le site www.putin2012.ru.

Briguant un troisième mandat au Kremlin, le candidat se trouve depuis les élections législatives de décembre 2011, la cible privilégiée des jeunes internautes, indignés par les fraudes électorales constatées dans de très nombreux bureaux de vote. Mais entravés par le froid polaire qui sévit habituellement en Russie en cette saison. Alors intox ou riposte ? Le site officiel de Vladimir Poutine devait tenter de maquiller un peu la pagaille calamiteuse de ces derniers mois.

Aussi, en plus d'une maquette attrayante, résolument moderne, vivement colorée et interactive, les webmasters avaient intégré un onglet prometteur à vocation participative qui connut un succès imprévisible : "propositions des électeurs".

Quelques heures à peine après l'ouverture du site, cette rubrique était encombrée de messages particulièrement clairs :

"Ne poussez pas le pays à la révolution, (…) Renoncez à votre candidature à la présidentielle. (…) S'il vous plaît, quittez la politique. (…) Je vous ai supporté pendant douze ans, c'est lassant. (…) Partez avant qu'il ne soit trop tard !" pouvait-on notamment y lire, dans des formulations variées, polies mais résolues.

En début d'après-midi, toutes les propositions exprimant autant la colère que l'exaspération d'un peuple à l'égard du candidat avaient été censurées, enfin, expédiées aux oubliettes, ne laissant surnager que les commentaires positifs, réels ou créés de toute pièce par les rédacteurs et les supporteurs zélés de son parti.

Dans un pays qui compte environ 143 millions d'individus, Vladimir Poutine peut cependant compter sur le soutien traditionnel des personnes âgées, du monde rural, et de la plupart des bénéficiaires du système.

Et aussi, plus anecdotiquement... de Brigitte Bardot ! (77 ans). Dans un courrier rendu public en décembre 2011, soit en pleines manifestations réclamant sa démission, l'ex sex-symbol reconvertie dans la défense des animaux, remerciait Vladimir Poutine avec effusion, pour avoir signé un décret interdisant le commerce des peaux de phoques du Groenland : "Mon premier ministre préféré, je vous souhaite le meilleur pour les mois et les années qui viennent".

Il est vrai que le massacre des bébés phoques paraît d'une cruauté barbare, insoutenable et inadmissible au XXIe s.

Mais elle aurait pu s'abstenir d'une déclaration de reconnaissance quasi fusionnelle à l'adresse d'un Premier ministre qui n'hésite pas à sacrifier une partie de la jeunesse de son pays, en s'opposant à toute campagne de prévention aux VIH/VHC, et tandis que son gouvernement et la Chine jouent à l'ONU la carte du génocide en Syrie.

"C'est merveilleux la vieillesse... dommage que ça finisse si mal" (François Mauriac)

Sources : Le Monde (Marie Jégo - 16/01/12, et Jean-Michel Normand - 31/12/11)