Une révolution dans son fauteuil

Faire tomber des têtes, nous avons eu l'occasion de le constater, de Louis XVI à Saddam Hussein, pour réjouissant que cela puisse paraître sur l'instant, n'a jamais permis d'engager les nations vers un quelconque progrès. En France, le passage de la royauté au système républicain tel que nous le connaissons aujourd'hui s'est effectué dans un bain de sang appelé la Révolution, puis la Terreur, mais le suffrage universel en est encore à restaurer son souverain dans la même dévotion monarchique. Et, pour ne citer que l'Irak, la disparition d'un tyran n'est pas encore parvenue à imposer un semblant de vie démocratique dans ce pays divisé. Loin s'en faut. Plus près de nous, en Égypte, la révolution poétiquement regroupée sous l'appellation prometteuse de printemps Arabe, menace de faire la part belle aux islamistes qui ont déjà reçu le ralliement de l'armée.

Aussi, pourrions-nous considérer que la décapitation d'un régime ne résout en rien les problèmes d'un corps gangréné.

C'est ce que certaines organisations tentent de corriger, à travers leurs campagnes et leurs capacités de mobilisation.
Lorsque, par exemple, Avaaz.org, une fondation créée par un militant canadien, Ricken Patel, basée à New York, et forte aujourd'hui de plus de 10 millions de membres, parvient à faire infléchir en mai 2011 le parlement Ougandais lequel, sous l'influence des extrémistes religieux, avait dans l'idée de promulguer une loi condamnant à mort les homosexuels et qui y renonce, face à 1,6 million de signataires du monde entier, le virtuel a bien gagné le monde réel.

Présente dans 193 pays, publiant en 14 langues, Avaaz (qui signifie "voix" dans plusieurs langues orientales), avec une force de pression jusqu'alors inédite, est parvenue à recueillir 1,2 million de signatures pour exiger l'interdiction des pesticides toxiques tueurs d'abeilles ; près de 1 million pour condamner la pratique du "viol correctif" en Afrique du Sud ; plus de 830.000 afin de réintroduire les remèdes à base de plantes interdits au sein de l'Union européenne, etc. Son spectre d'action très large se fonde sur un credo simple : "Avaaz réduit l'écart entre le monde tel qu'il est et le monde tel que nous le voulons, une campagne après l'autre".

La force de la pétition numérique plus efficace qu'une révolution ? Cela reste encore à démontrer. Il s'agit pourtant d'une mutation de l'exercice démocratique comme la planète n'en avait jamais connu.

Sans remettre en cause la pertinence des manifestations populaires traditionnelles, avec ses rassemblements parfois détournés de leurs cibles par quelques hooligans profitant de l'aubaine pour saccager les vitrines ou les biens publics, cette "révolution numérique" préfigure peut-être un nouveau contre-pouvoir mondialisé, déterminé et non-violent.

Il convient de se réjouir parfois de ces petites avancées qui, si elles demeurent un petit pas pour l'homme, incarnent un réel espoir pour l'humanité.