Cannabis : l’amende forfaitaire votée

3 Décembre 2018
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L’Assemblée nationale a voté (23 novembre) la création d’une amende forfaitaire délictuelle de 200 euros pour sanctionner l’usage de stupéfiants. Cette disposition fait partie de la loi de Programmation 2018-2022 et réforme de la justice. Fumer un joint va désormais pouvoir vous coûter 200 euros. La création de cette amende forfaitaire a donc été adoptée à l'Assemblée nationale par 28 voix contre 14 lors de l’examen en première lecture du projet de loi justice. La mesure entend répondre à l’augmentation constante du nombre de consommateurs-trices de cannabis : cinq millions de personnes en 2017, dont 700 000 personnes ayant un usage quotidien de  ce produit, selon les chiffres officiels. En séance, la ministre de la Justice Nicole Belloubet a défendu une mesure qui « résulte d’un travail important » de la mission d’information parlementaire sur le cannabis menée notamment par le député Eric Pouillat (LREM), assurant que l’amende forfaitaire « marche bien pour d’autres types de contraventions ». Elle a également insisté sur « la palette de réponses possibles », le ministère public conservant la possibilité de poursuivre l’infraction devant le tribunal correctionnel. Le cadre répressif instauré depuis 1970 prévoit, quelle que soit la drogue, que le contrevenant risque jusqu’à un an de prison et 3 750 euros d’amende. Bref, cette mesure ne simplifie rien et renforce l’arsenal répressif. Plusieurs élus de gauche ont pointé l’absence de réponse sanitaire avec cette mesure, la ministre leur rétorquant que l’amende « n’entraînera pas de rupture dans la réponse de santé publique (sic)», indique l’AFP. Pour ces raisons notamment, le député Pierre Dharréville (PCF) a défendu un amendement pour supprimer l’article, mettant aussi en exergue le risque de ciblage des jeunes défavorisés. « Ce n’est pas ce type de dispositions qui amènera à améliorer l’état sanitaire », a renchéri lé député David Habib (PS), dénonçant, lui aussi, le caractère «inégalitaire» de la mesure. « Est-ce qu’on va régler le problème comme cela ? », a aussi questionné lé député Ugo Bernalicis (La France insoumise). « Si vous voulez lutter contre le trafic et les trafiquants, légalisons », a-t-il avancé. L’amende forfaitaire, dont le montant initial était de 300 euros, a été revue à la baisse en commission à 200 euros pour ne pas se heurter à l’insolvabilité des personnes usagères qui feront les frais du dispositif. Plusieurs organisations non gouvernementales, certains-es magistrats-es et policiers-ières ont prédit « l’échec annoncé » de cette énième mesure répressive. Dans un récent communiqué, plusieurs ONG (1) dénonçaient le fait, alors que 84 % des Français·es jugent inefficace la législation actuelle concernant le cannabis, que le « gouvernement a décidé de mener un combat d’arrière-garde ». Pour ces ONG, le gouvernement passe à côté des véritables enjeux auxquels il est confronté : appréhender de manière apaisée la question de l’usage des drogues pour mieux les réguler dans une société où la consommation de produits psychoactifs licites (alcool, tabac) et illicites (drogues) est culturelle, inscrite dans les sociabilités ; garantir les droits des usagers-ères et faire respecter les droits fondamentaux : lutter contre le ciblage des forces de l’ordre, les discriminations, les stigmatisations des publics les plus précaires ; s’attaquer véritablement à ce contentieux de masse qui embolise inutilement la police et la justice ; mettre en place une politique publique efficiente tournée vers la prévention, la réduction des risques et la santé : la France reste, depuis de nombreuses années, le pays européen premier consommateur de cannabis ; elle l’est également lorsqu’il s’agit de la consommation de cannabis chez les adolescents-es ; notre pays occupe la troisième position en ce qui concerne la consommation de cocaïne. Les ONG rappellent aussi que la politique actuellement conduite à des « coûts sociaux et économiques très élevés ». « Cette obstination répressive risque d’accentuer et d’aggraver les échecs de la France en matière de politique publique des drogues. Elle isole, aussi, un peu plus notre pays sur la scène internationale à l’heure où de nombreux États ont revu leur politique au bénéfice d’une régulation (dépénalisation, légalisation). Même, la France va à contre-courant de la déclaration commune de l’Organisation mondiale de la santé et de l’ONU de 2017 en faveur d’une décriminalisation de la consommation et de la détention personnelles de drogues ».