"Guérison" ? Non, une rémission fonctionnelle

5 Mars 2013
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La prudence, la modération des présentations de chercheurs (si, si, cela arrive) lors des grandes conférences internationales scientifiques ne sont pas toujours celles des médias. Dernier exemple en date, lors de la CROI 2013 à Atlanta, avec la publication dans les médias, en boucle, de l’annonce d’une "guérison" du VIH d’un bébé, une petite fille, aux Etats-Unis. Responsable santé et thérapeutique à AIDES, Franck Barbier a publié (4 mars sur le PLUS/Nouvel Observateur) une tribune suite à cette annonce qui recadre et explique ce que dit vraiment ce cas : "VIH : attendons avant de parler de la "guérison" de ce bébé, ce n'est qu'une rémission". L’annonce "de la "guérison fonctionnelle" d'une fillette contaminée par le VIH a fait l'effet d'une bombe. Aussitôt les médias se sont enthousiasmés, quitte à oublier que le virus n'a pas totalement disparu du système immunitaire touché", rappelle Franck Barbier. Pour lui, il "ne s’agit pas de guérison, comme certains le disent de façon un peu rapide et sensationnelle" comme cela avait été le cas pour Timothy Ray Brown. "En fait, la situation de cette petite Américaine, hormis la singularité de la situation et de son âge, ressemble à celles d’autres personnes qu’on a déjà identifiées et qu’on appelle les "patients Visconti". Il s’agit de certaines personnes bien particulières traitées très tôt après leur infection par le VIH (en phase très précoce de "primo-infection"), ce qui va réduire les réservoirs viraux latents (ADN du VIH intégré dans les cellules, alors que les virus circulant dans le sang sont sous forme d’ARN). Cette réduction des réservoirs leur permet de contrôler ensuite la multiplication du virus sans médicament et de reconstituer un système immunitaire presque "normal", explique-t-il. Dans ce cas, "il serait plus juste de parler de rémission fonctionnelle - de l'anglais "functional cure" – que de guérison du VIH (…) On ne peut prédire l’évolution à long terme de la présence du VIH chez cette petite fille et rien ne garantit que le virus ne "repartira" pas un jour vers une multiplication et des conséquences pour sa santé". "Bien sûr", explique Franck Barbier, "on peut se réjouir de l’avantage qu’a cette petite fille de pouvoir se passer de médicaments en gardant un virus indétectable", mais il ne faut pas perdre de vue le véritable objectif qui est "de réduire de 80 % les transmissions mère-enfant à l’horizon 2015 (…) C’est ça, aujourd’hui, le véritable enjeu que souligne l’histoire somme toute heureuse de cette fillette". Et pourtant, les moyens financiers manquent cruellement aujourd’hui pour atteindre cet objectif… sujet dont la presse parle moins !

Lire la tribune en intégralité.

Commentaires

Portrait de guppy

Dans le cas présent la mère n'a pas été traitée durant sa grossesse d'après ce que j'ai pu lire et ignorait qu'elle était séropositive, donc on administre un traitement précoce à l'enfant pour éviter une contamination? où pour "aider" l'organisme de l'enfant à contrôler le virus? Car j'avais compris qu'un enfant né de mère séropositive naissait séropositif jusqu'à ce que son organisme se débarasse du virus.(enfin pas toujours il me semble)

Si la mère avait été traitée durant sa grossesse l'enfant serait né séronégatif ?

Portrait de Sophie-seronet

La charge virale de la mère qui ignorait sa séropositivité jusqu'à l'accouchement était détectable au moment de la naissance. Des analyses effectuées 30 heures après l’accouchement sur le bébé ont indiqué la présence de l’ADN et de l’ARN du VIH avec une charge virale d’environ 20 000 copies /ml. Une trithérapie antirétrovirale à base d’AZT, (zidovudine, Rétrovir), de 3TC (lamivudine, Epivir) et de névirapine (Viramune) a été immédiatement initiée. Cette association étant recommandée pour tous les enfants nés d’une mère dont la charge virale est détectable. Après sept jours, la névirapine a été remplacée par du Kaletra (lopinavir/ritonavir). La charge virale de l’enfant est tombée à un niveau indétectable (inférieur à 20 copies/ml) après 29 jours de traitement. Le traitement a continué pendant 18 mois. Ensuite la mère et l'enfant ont disparu des circuits de soins pendant 6 mois où il y a eu interruption du traitement.

En ce qui concerne la transmission mère-enfant, les traitements antirétroviraux des femmes enceintes permettent actuellement d'éviter de transmettre le virus à l'enfant dans 98 % des cas. Et c'est le manque de moyens financiers internationaux qui empêche la réduction des transmissions mère-enfant au niveau mondial.

Bonne journée. Sophie