La durée de rétention inquiète l'Europe

19 Mars 2018
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Le commissaire aux droits de l'Homme du Conseil de l'Europe, Nils Muižnieks, a adressé récemment un courrier au président de l'Assemblée nationale François de Rugy et à la présidente (LREM) de la commission des lois à l'Assemblée, Yaël Braun-Pivet, les exhortant à "rejeter" l'augmentation de la durée maximale de la rétention prévue dans le projet de loi "asile et immigration", indique l’AFP. Dans cette lettre, rendue publique le 13 mars, le commissaire européen letton se dit "fortement préoccupé par l'augmentation de la durée maximale de rétention à 90 jours, pouvant être portée à 135 jours dans certains cas". Nils Muižnieks "exhorte" les présidents de l'Assemblée et les parlementaires de la commission des lois "à rejeter" ce point du projet de loi. "Je vous exhorte (...) non seulement à rejeter cette augmentation de la durée maximale de rétention administrative, mais aussi de mettre fin à la rétention des mineurs", qui s'est notamment traduite, à ce jour, par la condamnation par six fois de la France devant la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) en 2012 et 2016, rappelle-t-il. "La rétention est une atteinte considérable au droit des migrants à la liberté. Une telle durée tendrait à modifier la nature et la fonction de la mesure et à les assimiler à des délinquants", s'inquiète le commissaire européen. Nils Muižnieks insiste sur les "effets néfastes sur la santé mentale, et tout particulièrement celle des enfants qui vivent souvent la rétention comme une expérience choquante". Tout en saluant "un certain nombre de mesures visant à sécuriser le séjour des bénéficiaires", notamment la délivrance d'un titre de séjour de quatre ans, Nils Muižnieks s'inquiète de la réduction envisagée de 120 à 90 jours du délai de dépôt des demandes d'asile, au-delà duquel celles-ci sont examinées en procédure accélérée. "Si la volonté de raccourcir la durée globale de la procédure d'asile est un objectif louable, ceci ne doit pas se faire au prix d'une atteinte à l'effectivité de cette procédure", rappelle-t-il. De plus, les "nombreuses poursuites" qui ont visé en France, ces deux dernières années, des militant-e-s associatifs "pénalisant l'aide à l'entrée et au séjour irréguliers" inquiètent aussi ce responsable européen. Il invite les parlementaires à saisir l'occasion du débat pour réformer le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Cedesa), "afin que la nécessaire solidarité à l'égard des migrants ne soit plus dissuadée, ni entravée". Evidemment, cette initiative n’a que peu de chances de faire bouger le texte, mais elle est un signe de plus que le projet de loi asile-immigration est loin d’être perçu, y compris à l’étranger, comme le modèle d’équilibre entre rigueur et humanité, qu’il prétend être.