Plus de contraintes pour les médecins ?

5 Décembre 2017
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Comment faire pour "guérir" l'Assurance maladie de ses déficits chroniques, la Cour des comptes a bien quelques idées et l’a fait savoir dans un récent avis (30 novembre). La Cour veut inscrire dans la loi une "règle d'équilibre" qui obligera l'Assurance maladie à réaliser des économies, grâce notamment à un arsenal de mesures financières drastiques à l'encontre des médecins libéraux. L'Assurance maladie "n'a pas retrouvé l'équilibre depuis 25 ans", provoquant "l'accumulation d'une dette sociale considérable", pointe la Cour des comptes dans son rapport. Une situation "dangereuse" qui nécessite, de son point de vue, un remède radical : instaurer une règle "obligeant à présenter et à voter ses comptes sans déficit". Face à l'explosion annoncée des dépenses liées au vieillissement, aux maladies chroniques et aux nouveaux traitements (surtout, si rien n’est fait en matière de régulation, de transparence dans la fixation des prix), il faudra "puiser dans les gisements d'efficience" pour tenir cet objectif, analyse la Cour. Autrement dit, il s’agira de serrer toutes les vis. A titre d'exemple, à l'hôpital "le simple réajustement des tarifs dans quelques domaines (...) permettrait d'envisager des gains élevés proches de deux milliards d'euros", affirme la Cour, qui préconise un alignement progressif "sur les coûts observés dans les établissements les plus performants". Autre filon identifié : les médicaments génériques, qui permettraient de dégager "près de deux milliards d'euros supplémentaires". Mais ces ajustements techniques ne suffiront pas, estime l’instance officielle. "Des évolutions fortes et vigoureuses seront nécessaires", a affirmé Didier Migaud, président de la Cour des comptes, lors de la présentation de cet avis, appelant à des "restructurations" à l'hôpital, où les pouvoirs publics ont jusqu'à présent fait preuve d'un "renoncement croissant". Dans le rapport, les mesures les plus explosives sont réservées aux médecins libéraux, dont les négociations avec l'Assurance maladie vont de réformes "enlisées" en "désaccords insurmontables", critique la Cour des comptes. Puisque "les déconvenues s'accumulent", la Cour des comptes recommande de changer de méthode : fini la carotte, place au bâton, ironise d’ailleurs l’AFP. Par exemple, pour porter "un coup d'arrêt" aux dépassements d'honoraires, le rapport suggère d'inclure dans la loi "des règles de plafonnement (...) entraînant en cas de non-respect l'exclusion du conventionnement du professionnel de santé en cause". Une sanction synonyme de déremboursement pour les patient-e-s, la consultation chez un médecin non conventionné n'étant remboursée qu'entre 60 centimes et 1,20 euro par la Sécurité sociale. De son côté, l'Assurance maladie fait valoir l'efficacité des mesures incitatives engagées depuis 2012 avec la profession. "Nous sommes parvenus à inverser une tendance historique de plus de 30 ans d'augmentation du taux de dépassement des médecins" à tarifs libres, s'est ainsi félicité son directeur général, Nicolas Revel. "Pour obtenir un rééquilibrage" de la répartition géographique des médecins [autrement dit la lutte contre les déserts médicaux, ndlr], la Cour des comptes veut par ailleurs leur imposer le "conventionnement sélectif", déjà appliqué aux infirmiers et aux sages-femmes. Deux options sont envisagées: une mesure limitée aux "zones les mieux dotées", ou un dispositif national avec "un nombre cible de postes conventionnés" dans chaque territoire. Autre piste : forcer les jeunes diplômés à exercer "dans des zones sous-denses pour une durée déterminée". L'enjeu est aussi financier, une répartition homogène des médecins libéraux pouvant générer des "gains potentiels d'efficience" de 800 millions à 1,4 milliard d'euros, selon le rapport. D'autres formes de contrainte financière sont proposées par la Cour, comme la création d'"enveloppes limitatives" par région pour "limiter le nombre d'actes et de prescriptions". Les magistrats conseillent en outre de lier "une partie des rémunérations des médecins" à leur participation à la permanence des soins, pour remédier à leur "disponibilité insuffisante" et désengorger les urgences hospitalières. Comme on pouvait l’imaginer, ces recommandations semblent largement rejetées par les syndicats de médecins qui parlent d’"idées saugrenues", de "solutions de facilité" voire de "vieilles recettes éculées". Bref, le débat est ouvert et la polémique ne fait sans doute que commencer.