Rencontres sur Internet : je déclare mon statut ?

9 Février 2016
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Bien des questions de la vie quotidienne avec le VIH se posent pour Internet. La toile peut être considérée comme un entre-deux : c’est à la fois la vraie vie et un monde virtuel. C’est un espace de vérité et un espace où l’on crée, imagine, fantasme… On peut filtrer ce qu'on dit, calculer ce qu'on dévoile plus facilement encore que dans sa vie personnelle. C'est essentiel dès lors qu’on utilise ce moyen de communication pour y faire des rencontres, qu’elles soient amicales, affectueuses ou sexuelles. Se rencontrer sur Internet, c’est plus facile que dans la vraie vie, plus rapide avec plus de gens d’horizons plus divers mais dans une relation qui se noue à distance. Les échanges peuvent y être spontanés ou plus anticipés voire calculés. Dans ce contexte, la déclaration du statut sérologique, une des questions majeures que pose la vie avec le VIH, prend un relief tout particulier. L’affirmation de son statut est-elle un préalable à la discussion, à un échange plus construit puis à un projet commun ? Est-ce le premier élément qu'on a envie de mettre en avant ? A-t-on une obligation de vérité ? A quel moment ? On le voit, ces questions complexes et délicates sont nombreuses. Et vous comment faîtes-vous ? Venez en discuter pendant le chat thématique mardi 9 février à partir de 21 heures, en compagnie d’Ernesto.

Commentaires

Portrait de ernesto-seronet

Environ une quinzaine de personnes pour se poser la question de déclarer ou pas son statut sur un site de rencontres. En premier lieu, faut-il des sites de rencontres dédiés pour les séropos, qui permettent d'emblée d'évacuer la question ? En dehors de Seronet avec ses annonces (et qui marchent !), les sites spécialisés sont peu nombreux et payants (par ex : rencontre-sero.com), et comme pour les sites généralistes on en dénonce la visée mercantile, quand on ne parle pas carrément d'arnaque. Leur spécialisation pose aussi la question d'un risque de ghettoïsation, et de l'abandon de la perspective de rencontre de partenaire séro-différent et de constitution de couple séro-différent, et ce qui motiverait à n'aller que des personnes séropositives. Vient ensuite la question de le dire ou de ne pas le dire. Comme on ne mettrait pas en avant un cancer dans un profil de rencontre, pourquoi aborderait-on son statut sérologique ? Et que intérêt y aurait-il à afficher d'emblée sur son profil son statut ? Pour certain-e-s, dans le souci de rester discret, le profil affiché, et même les échanges qui suivent, ne doivent évoquer que les passions communes, et ne pas entrer dans la sphère du privé et de l'intime, et encore moins donc dévoiler un statut, et certains jugeraient même bizarre de le faire, anticipant quelques fois la peur de la réaction hostile, ou un possible outing, ... ou au contraire l'attente de la personne qui leur correspond vraiment. Pour certain-e-s il serait possible et plus évidente s'ils-elles rencontraient moins de méconnaissances du VIH et du statut de séropositif et de réprésentations dissuasives qu'elles engendrent. Pour d'autres c'est une évidence d'en faire mention dans sa description, parce qu'on ne peut pas le cacher, par franchise, par honnêté, parce que l'on veut se regarder dans le miroir, et préserver l'estime de soi. Mais s'il parait finalement pour tous à un moment donné incontournable, c'est la question du moment adéquat, du bon "timing" qui devient l'enjeu et peut diviser les participants du chat. Dans un contexte où beaucoup d'applications sur mobile facilitent les rencontres quasi-instantanées, pour un plan ou un coup d'un soir : on n'en parlera pas. Mais quand le feeling s'installe entre deux partenaires avec le désir réciproque de poursuivre une relation, parce qu'il vaut mieux assumer le risque de la rupture, et se prendre la claque le plus tôt possible, pour ne pas laisser s'installer une relation qu'une révélation plus tardive pourrait briser et laisser de plus amères frustations, certain-e-s font le choix de le dire le plus tôt possible, dès la première rencontre "physique", ou peuvent passer par le détour d'une évocation du VIH, et selon la réaction vont susciter le moment le plus propice pour le dire, ou attendre celui qui semble évident de l'abandon du préservatif. Enfin ne pas le dire suffisamment tôt peut créer le doute, générer chez le partenaire un sentiment de trahison que le temps écoulé n'aura fait qu'amplifier quand sera venu le temps de (se) le dire. Mais quoi qu'il en soit, pour beaucoup, pouvoir être amoureux et ne pas s'arrêter à ça.

Vous êtes invité-e-s comme d'habitude à poster sur ce thème vos commentaires et réactions à la suite de celui-ci , et à exprimer vos suggestions de thèmes que vous souhaiterez aborder dans les mois à venir, ou d'évolution du "format" de ces chats thématiques.

La semaine prochaine, nous délaisserons la grande [dis]simulatrice pour nous pencher sur le cas de la Vénus de Milo et son différend avec le Petit Prince, que nous avait révélé en son temps la Minute Nécessaire de M. Cyclopède. Et dans une quinzaine, nous apprendrons pour la même Vénus, que, à trop recourir aux TROD, pourtant gratuits, proposés par les équipes du Lieu de Mobilisation de AIDES / Paris 02-Les Halles dans les jardins des Tuileries, cela lui avait finalement coûté plus d'un bras.

Portrait de Sophie-seronet

Hello,

En complément du compte-rendu, voici un article du Monde suite à une étude de l'Ined sur la vie affective des Français. L'amour en ligne fait parler pour la première fois les statistiques... et c'est assez intéressant.

Bonne lecture ! Sophie

Les histoires d’amour ne commencent pas sur Internet, en général
Par Gaëlle Dupont

Ils promettent l’amour à grands coups de campagnes publicitaires accrocheuses, et publient des chiffres aussi vertigineux qu’invérifiables sur le nombre de leurs utilisateurs… Au point que peu à peu, la croyance se répand que les sites de rencontres amoureuses sont devenus un moyen privilégié de trouver l’âme sœur. Une enquête de l’Institut national d’études démographiques (Ined), publiée mercredi 10 février, fournit les premières statistiques fiables sur l’amour en ligne en France. Le phénomène est ainsi ramené à ses justes proportions.

Quelque 7 800 personnes âgées de 26 à 65 ans, représentatives de la population française, ont été interrogées sur leur vie affective en 2013 et 2014 par l’Ined et l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Parmi elles, 14 % s’étaient déjà inscrites sur un site de rencontre – les applications de rencontre, dont le succès est grandissant, n’ont pas été prises en compte. Le chiffre grimpe entre 16 % et 18 % en incluant une estimation de l’usage des 18-25 ans. Ce qui est loin d’être négligeable.

Mais si leur fréquentation est importante, les utilisateurs y nouent surtout des relations éphémères (sauf pour les couples homosexuels, qui y trouvent souvent des partenaires durables). Parmi les personnes ayant connu leur conjoint actuel récemment, c’est-à-dire entre 2005 et 2013, moins de 9 % l’ont rencontré par le biais d’un site.

"Il y a un effet de génération"
"C’est une minorité significative, mais ce n’est pas devenu un mode de rencontre durable dominant", commente la sociologue Marie Bergström, auteure de l’étude et spécialiste de la formation des couples. Pour trouver un conjoint, les sites arrivent en cinquième position derrière les classiques indémodables que restent le lieu de travail, les soirées entre amis, les lieux publics, et l’espace domestique (chez soi ou chez d’autres).

Parmi les personnes interrogées, 7 % disent avoir connu des relations "moins importantes" par ce biais, de nature amoureuse ou sexuelle. La rencontre numérique serait-elle par nature superficielle ? C’est plutôt que les protagonistes affichent plus clairement leurs intentions. "Il n’y a pas d’ambiguïté sur pourquoi on est là, ce qui facilite les rencontres amoureuses et sexuelles, explicite Mme Bergström. Ce sont aussi des rencontres discrètes, loin du regard de l’entourage." Ce qui ne veut pas dire que des histoires d’amour durables ne peuvent pas y naître…

L’usage des sites s’est démocratisé : les utilisateurs ne sont plus seulement des cadres vivant en ville. Mais l’enquête révèle des usages très variables selon l’âge, le sexe et le profil des utilisateurs. Les jeunes y ont davantage recours (29 % des 26-30 ans se sont déjà inscrits), contre 12 % à 14 % des 40-50 ans.

"Il y a un effet de génération, commente Mme Bergström. Ce sont des personnes socialisées aux pratiques numériques. C’est aussi un effet d’âge : c’est parmi les jeunes que l’on compte le plus de célibataires."

Les jeunes hommes y ont plus recours (36 % des jeunes hommes interrogés, contre 23 % des femmes), car ils se mettent en couple stable plus tard et sont donc à la recherche de partenaires. En revanche, la courbe s’inverse en faveur des femmes aux âges plus avancés, car elles sont plus nombreuses à vivre seules.

"Flirter et mesurer son attractivité"
Bien qu’elle soit moins utilisatrice, c’est paradoxalement pour une population plus âgée, composée de personnes séparées ou divorcées, que les sites jouent un rôle de plus en plus important pour trouver un conjoint. Entre 2005 et 2013, 10 % des secondes unions résultent de rencontres en ligne, contre 5 % des premières unions. "Les jeunes sont aussi là pour flirter et mesurer leur attractivité, ils ont de nombreuses autres occasions de rencontres, explique Mme Bergström. En revanche, le cercle relationnel des personnes séparées comporte souvent des individus déjà en couple. Ils ont moins d’opportunités et sont donc plus volontaristes dans leur usage de ces sites."

Désormais présente dans la sociabilité amoureuse, la rencontre numérique ne s’est pas pour autant banalisée. Seule la moitié des utilisateurs dit à son entourage s’être créé un profil. "Ce n’est pas considéré comme un bon mode de rencontre, analyse Mme Bergström. On aime se représenter cet événement comme le fruit du hasard ou du destin. Les sites de rencontres ne bouleversent pas les pratiques, mais contredisent cet imaginaire amoureux."

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