Statut légal des migrants et ARV

11 Septembre 2017
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On en sait plus sur l’impact du statut légal des personnes migrantes sur les résultats d’un traitement anti-VIH précoce. Ces données, présentées en français par le docteur Cédric Arvieux sur le site InfoVIH, sont celles d’une étude réalisée dans un centre de prise en charge en Italie. Les données de l’European Centre for Disease Prevention and Control (ECDC) de 2014 (1) indiquent que les personnes migrantes représentent 39 % de l’ensemble des nouvelles découvertes d’infections par le VIH entre 2007 et 2011. En 2013, en Italie, 27 % des nouveaux diagnostics étaient établis chez ders personnes migrantes, rappelle Cédric Arvieux, avec une incidence globale quatre fois supérieure à celle des personnes nées en Italie (19,2 cas versus 4,7 cas pour 100 000 habitants). On sait avec l’enquête française Parcours et une méta-analyse européenne (2) qu’une grande partie de ces nouvelles infections sont acquises après la migration. On sait également que les conditions socio-économiques et de statut légal sur le territoire jouent un rôle considérable dans l’exposition au risque. Par ailleurs, le diagnostic est plus tardif chez les personnes migrantes, du fait notamment de l’éloignement du soin et donc des offres de dépistage. On sait également que de nombreux facteurs liés à la difficulté du parcours migratoire constituent des obstacles à une prise en charge de qualité : situation irrégulière de séjour, connaissance restreinte du système de soins du pays hôte, difficultés linguistiques et économiques, discriminations, etc. L’étude présentée par infoVIH est une étude de cohorte réalisée dans un centre de prise en charge du VIH à Milan. Elle a inclus tous les patient-e-s ayant débuté un traitement antirétroviral dans ce centre le 1er janvier 2001 et le 30 juin 2013. Les personnes migrantes des pays de l’Union Européenne et d’Amérique du Nord, très minoritaires dans l’effectif, ont été exclues. Le critère principal d’évaluation était la charge virale après 12 mois de traitement (charge virale inférieur à 50 copies/ml à 12 mois +/- 90 jours). Au cours de la période d’étude, 885 personnes répondaient au critère de sélection de l’étude dont 245 personnes migrantes. Parmi ces dernières, 68,6 % étaient des personnes migrantes en situation régulière et 31,4 % (77 personnes) sans titre de séjour. Les femmes sont plus nombreuses parmi les personnes migrantes en situation régulière, et il y a nettement plus de femmes trans (53,2 %) dans le groupe des femmes migrantes sans titre de séjour, détaille InfoVIH. A l’inclusion, la charge virale médiane des personnes migrantes en situation régulière était significativement plus basse que celles des personnes migrantes sans titre de séjour. Les pays d’origine sont majoritairement l’Amérique Latine (83 avec et 56 sans titre de séjour) et d’Afrique subsaharienne (53 avec et 11 sans titres de séjour). Une minorité provient d’Afrique du Nord, d’Asie ou d’Europe centrale/Europe de l’Est.

La proportion de personnes perdues de vue est plus importante parmi les personnes sans titre de séjour (19,4 %) que parmi les personnes migrantes en situation régulière (3,6 %). L’analyse multivariée associe l’échec virologique au fait d’être sans titre de séjour, d'être migrant-e originaire d’Amérique latine ou personne usagère de drogue injectable. Ces données confirment le caractère défavorable de l’absence de statut légal à la fois pour le maintien dans le soin et le succès virologique, malgré un accès gratuit aux soins et aux traitements, indique Cédric Arvieux. Les femmes trans travailleuses du sexe originaires d’Amérique Latine sont les plus "vulnérables parmi les vulnérables".

(1) European Centre for Disease Prevention and Control. Assessing the Burden of Key Infectious Diseases Affecting Migrant Populations in the EU/EEA. Solna, Sweden: European Centre for Disease Prevention and Control (ECDC) ; 2014.
(2) Fakoya I, Álvarez-del Arco D, Woode-Owusu M, et al. A systematic review of post-migration acquisition of HIV among migrants from countries with generalised HIV epidemics living in Europe: implications for effectively managing HIV prevention programmes and policy. BMC Public Health. 2015 ; 15 : 561.