Tunisie : homophobie for ever ?

12 Mars 2018
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Mi février, Frédéric Hay, président de l'association Adheos, dénonçait sur France Info et radio France la "chasse aux homosexuels" qui sévit en Tunisie, expliquant que celle-ci serait "organisée par l'Etat tunisien" pour "cacher le naufrage économique du pays". Le président d’association  évoquait notamment le cas de couples binationaux gays franco-tunisiens, intimidés, discriminés et même poursuivis au nom de l’article 230 du code pénal qui criminalise l'homosexualité d'une manière générale. Début mars, c’est le site d’infos Konbini qui a publié un reportage édifiant sur la situation des homosexuels en Tunisie en allant à la rencontre des victimes de cet article 230 du Code pénal qui va jusqu’à punir l'homosexualité de trois ans d'emprisonnement. Le reportage d’Hugo Clément a été réalisé à Tunis. Il propose notamment le témoignage de Nidhal, jeune homme de 29 ans, qui a été emprisonné pour homosexualité. Il raconte les insultes, les sévices commis par d’autres détenus et les conséquences sociales d’une arrestation. Il a, par exemple, perdu son travail et ses relations familiales sont désormais très mauvaises. Ce qui est particulièrement intéressant dans le reportage de Konbini, c’est qu’il montre que la société tunisienne est très divisée sur ce sujet et que la société n’est pas un bloc homophobe, loin de là. Reste que le reportage affirme, témoins à l’appui, que l'aggravation de la situation des homosexuels en Tunisie avec la vague d'arrestations les visant a lieu alors que le pays n’est plus une dictature. Il n’en reste pas moins que la démocratie tunisienne connaît de sérieux loupés et n’est pas avare de censure. Un des derniers actes de censure concerne d’ailleurs un film… qui traite d’une histoire d’amour homosexuelle. L’AFP nous apprend ainsi que le film "Call me by your name" est interdit en Tunisie. Le ministère de la Culture tunisien lui a refusé le visa d'exploitation. Le long-métrage devait être projeté, début mars, dans une grande salle du centre de Tunis mais cette dernière a annoncé sur Facebook que l’événement avait été "annulé". Le film "a été interdit", a affirmé le distributeur Lassaad Goubantini, en dénonçant "une atteinte aux libertés" et en jugeant que l'interdiction était "sûrement due au sujet du film".  (...)  "Nous avons déposé la demande d'autorisation auprès du ministère de la Culture (...) Nous leur avons même proposé le visionnage (du film) à titre exceptionnel avant la projection pour savoir si ça passait ou pas. Malgré tout ça, on nous a refusé le visa", a expliqué Lassaad Goubantini, cité par Europe 1. Une telle interdiction est "en contradiction avec la Constitution tunisienne", a-t-il ajouté, en jugeant cette mesure infantilisante car "le cinéma est un acte assumé" et les spectateurs peuvent choisir d'y aller ou non. Il s’agit bien d’une censure politique, de surcroît homophobe.