Une nouvelle piste pour se débarrasser du VIH

9 Janvier 2019
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Une équipe de l'Institut Pasteur est parvenue à identifier une vulnérabilité dans les cellules dites « réservoirs » du VIH, ouvrant la voie à leur élimination, selon une étude publiée le 20 décembre dans la revue scientifique Cell Metabolism. Aujourd'hui, le traitement du VIH se fait grâce aux antirétroviraux utilisés pour bloquer l'infection, mais ils n'éliminent pas le VIH de l'organisme. Les personnes vivant avec le VIH doivent prendre leur traitement à vie car ces médicaments ne permettent pas de détruire les réservoirs du virus, logés dans les cellules immunitaires, les lymphocytes T CD4, à l’abri de l’action des médicaments actuels. Lors de leurs recherches, les chercheurs-euses ont remarqué que le virus n'infectait pas tous ces lymphocytes T CD4. Jusqu’à présent, on ignorait pourquoi. « Il a été démontré voilà déjà plusieurs années que tous les lymphocytes T CD4 circulant dans l'organisme n'abritent pas forcément le VIH. Nous nous sommes donc demandé si les cellules infectées avaient des caractéristiques particulières. Et il s'est avéré que c'était bien le cas. Le virus privilégie les lymphocytes ayant l'activité métabolique la plus importante, c'est-à-dire celles qui consomment le plus de glucose. C'est assez logique, en fait : les virus sont des particules très simples, qui ne peuvent pas se multiplier en dehors de ces cellules, car ils n'ont pas de ressources propres. Dans ces lymphocytes à activité énergétique élevée, il va trouver tous les éléments nécessaires à sa réplication, comme à sa survie à l'état latent », a précisé Asier Sáez-Cirión, le chercheur qui a dirigé l’équipe de l’institut Pasteur dans une interview à L’Express (20 décembre). Dans cette étude, les chercheurs-euses sont parvenus à identifier les caractéristiques des lymphocytes T CD4 qui sont préférentiellement infectés par le virus, et dont l'activité métabolique permet au virus de se propager. Et Asier Sáez-Cirión (responsable du groupe « Réservoirs et contrôle viral », dans le département de virologie de l'Institut Pasteur à Paris) d’expliquer : « Ces cellules réservoir ont un profil de consommation énergétique assez similaire à celui d'une cellule cancéreuse. Or il se trouve que des traitements contre le cancer développés récemment agissent en inhibant cette activité métabolique. Nous avons donc testé ces molécules innovantes sur des cellules de donneurs séropositifs, et nous avons constaté que cela permettait d'empêcher la multiplication du virus à partir des réservoirs ». « C'est une première étape intéressante, mais nous ne sommes pas au stade où ça peut être applicable à l'homme dans un futur proche. Il faut poursuivre les recherches et cette publication est un espoir supplémentaire » vers une guérison du sida, a prudemment commenté le professeur  Jean-Michel Molina sur Franceinfo (20 décembre). Ces travaux « sont extrêmement importants car ils apportent des informations tout à fait intéressantes sur les cellules réservoirs du virus qui, chez les personnes sous trithérapie, persistent malgré le traitement, et qui obligent les personnes à prendre le traitement toute leur vie ». Interrogé par L’Express sur le fait de savoir si cette découverte ouvrait la « voie à une possible guérison complète des patients infectés », Asier Sáez-Cirión s’est montré, lui-même, prudent. « Nous cherchons encore la combinaison de molécules permettant d'obtenir les meilleurs résultats, tout en évitant les effets délétères sur d'autres types de cellules qui pourraient être sensibles à ces médicaments. Mais en laboratoire en tout cas, l'efficacité est bien au rendez-vous et nous espérons pouvoir passer à des essais précliniques d'ici deux à trois ans, et à une preuve de concept sur de petits groupes de patients bien suivis dans les cinq ans. Les molécules auxquelles nous recourons étant déjà en test dans la lutte contre le cancer, cela pourrait faciliter le processus, même s'il faudra encore plusieurs années avant de pouvoir lancer un essai clinique à grande échelle ».