VIH et travail, comment je gère ?

29 Mai 2018
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"Salarié d’une grande entreprise (faisant partie du CAC 40), je travaille à trois quarts de temps, mais je me sens de plus en plus épuisé, manque de concentration, et je me pose énormément de questions sur le fait de continuer à bosser ou pas. Je serai intéressé d’avoir votre vécu avec le monde du travail, les différentes formules pour lesquelles vous avez optées". Ce message, un Séronaute l’avait publié en 2009, illustrant certaines difficultés à concilier vie professionnelle et vie avec le VIH. De nombreuses personnes lui avaient répondu, proposant idées et solutions. Evidemment, en matière de retour à l’emploi, de vie professionnelle, tout dépend du parcours qu’on a connu avec le VIH, de la période à laquelle on a été diagnostiqué-e, des aléas de santé qu’on a pu connaître… Tout le monde ne se voit pas contraint d’arrêter son activité professionnelle pour raisons de santé… et c’est tant mieux. Il n’en demeure pas moins que concilier travail et santé est un challenge — pas seulement pour le VIH —  mais que sur ce point il reste encore des spécificités parfois préjudiciables. Ainsi il reste des restrictions voire des discriminations : métiers interdits, carrières stoppées, difficultés à s’installer dans certains pays étrangers lorsqu’on vit avec le VIH, etc. Par ailleurs, il faut parfois jongler en termes d’organisation pour le suivi, composer avec la fatigue, les effets indésirables. Bref, rien n’est simple. Et vous comment faites-vous ? Arrivez-vous à concilier votre suivi médical et votre travail ? Avez-vous connu des problèmes d’emploi du fait de vivre avec le VIH ? Quelles solutions avez-vous imaginées ? C’est autour de ces questions que Diane animera le chat thématique mardi 29 mai à partir de 21 heures.

Commentaires

Portrait de Tom Sawyer

Huit personnes ont participé à ce chat thématique consacré au VIH et activité professionnelle, mais des échanges et partage d'expériences très intéressants.
Le débat s'est articulé au autour des points suivants :
- comment concilier travail et VIH, la prise de traitements et les effets secondaires.
- les difficultés rencontrées, les aides et les solutions dans le cadre du travail (collègues, encadrement, médecine du travail).

Big Bad Badaboum
VIH ou autre maladie..
Ayant toujours été indépendant, j'ai toujours dû assurer, quoi qu'il arrive. Quand tu as payé un stand sur une foire pour 10 jours, même avec 40 de fièvre, tu vas bosser! Pas le choix. Du coup, j ai appris à ne pas m'écouter, même quand j'avais un coup de fatigue, je me mettais un gros coup de pied au cul.
Il n'y a que quand j'ai eu ma pneumocystose que j'ai été obligé d'arrêter, vu que j'étais 15 jours à l'hôpital, quasiment en train de crever.
Ma femme et moi avons toujours bossé ensemble, nous avons toujours eu une peu de trésorerie d'avance, et aussi l'appui financier d'amis et d'une partie de la famille. C'est ce qui nous a aidé à surmonter les moments difficiles.
A mon avis, si le VIH n'était pas encore un tabou, un prétexte à discrimination, un employeur informé pourrait adapter les besoins du séropositifs à ceux de son entreprise, comme c'est le cas avec les handicapés reconnus qui sont embauchés.
Difficile de conseiller chacun a son caractère.. perso, je me suis forcé à faire comme si tout allait bien, mais je me suis noyé petit a petit dans l'alcool, en contrepartie (j'en suis sorti depuis 2006).. l aide d un psychologue aurait peut-être été la bienvenue, si je l'avais acceptée.
J'aurai gagné quelques années à me comprendre et à mieux vivre mes faiblesses, et surtout, moins de répercussions sur mon entourage (je pense particulièrement à ce que mon fils a vécu).
Ce qui a été le plus dur à gérer au niveau boulot, au début de mon premier traitement en 1994, c'est les effets secondaires : des douleurs abdominales. Il fallait gérer et supporter devant les clients. Je partais toujours bosser avec deux slips de rechange. Il y a certaines choses dans la vie qui te font oublier le VIH et les effets indésirables qui vont avec, mais avant déjà, je peux dire que je fonctionnais à l'auto suggestion.
Ni sport, ni psychologue, je gère à ma façon mais je suis moins actif qu'avant, par choix.

louplyonnais
Avec le travail une organisation bien réglée, jamais d'absences, mes mercredis matin de repos ça m'arrange bien pour aller au laboratoire et mes rendez-vous avec le spécialiste c'est durant les vacances scolaires.

cbcb
J'étais rarement absente à cause du VIH. J'avais des coups de fatigue(même sans prendre de traitement VIH), je savais pourquoi et je faisais avec.
Par contre j'étais dégoûtée quand un collègue tombait malade : lui était malade 2 jours et moi, je savais que j'allais être mal à cause de lui pendant trois semaines! On arrive à tenir le coup pour le boulot, mais c'est le reste qui trinque! Je prenais une demi-journée pour mes rendez-vous chez les médecins, demi-journée que je devais récupérer ensuite.
Je ne l'ai jamais dit à la médecine du travail,  surtout que la femme de mon employeur était toubib. J'avais pas envie qu'elle fouille dans mon dossier médical .
Je travaillais dans une très petite structure et vraiment, ce n'aurait pas été possible pour moi d'en parler.
Je sais qu'à une époque la sécurité sociale voulait que notre suivi médical soit accessible à tous les professionnels, mais je sais pas si cela a été fait.

jfb61
je vais donc peut-être enfoncer une porte ouverte : je trouve ça difficile à gérer d'autant plus que je suis à mon compte et dois tout gérer, donc dans les moments de spleen pas simple. Je tatonne et j'essaie de faire de façon empirique, heureusement je suis installé depuis 8 ans, donc les clients me font confiance alors ça m'aide à tenir. Le plus dur pour moi est sur le plan psychologique : je dois accepter de faire moins d'heures pour gérer ma fatigue.
J'ai vu psychologue et cela m'a beaucoup aidé. C'est dur pour moi est d'être seul, d'abord face aux médecins (j'ai fait CINQ infectiologues avant d'en trouver un qui accepte de me suivre sur l'allègement), et seul dans la vie car célibataire et pas de compagnon. L'allègement m'a sauvé la vie, je suis passé (j'ai mis deux ans) de un cachet par jour à un tous les trois jours! Je ne comprends pas pourquoi il n'y a pas plus d'infectiologues qui proposent l'allègement.
En tant qu'indépendant les périodes de fatigue de plusieurs jours où je devais rester chez moi est devenu flippant, j'ai eu peur de tout perdre, donc j'ai pris le taureau par les cornes, ce n'est pas parfait mais me sens beaucoup mieux! Au fil des années ça devient compliqué, cela fait 12 ans que je vis dans mon département, il fallait entre 3 jours et une semaine pour obtenir un rendez-vous, aujourd'hui (du dentiste à l'infectiologue en passant par le généraliste) il faut plusieurs semaines! il m'est arrivé d'aller aux urgences parce ce que les délais sont devenus trop longs.

jannot
Je suis en traitement depuis 2002, je travaille toujours à plein temps. Quand j'ai commencé mon traitement je travaillais le week-end et je devais me cacher mon prendre le médicament, je vomissais un peu. Au travail personne ne sait que je suis séropositif à part l'infirmière. En 2016 j'ai eu un grave accident de travail, et le secouriste qui m'a fait les premiers soins a entendu quand le médecin du Samu m'a posé la question de savoir si j'avais un traitement.J'ai dit oui. Pour la reprise de travail, j ai du passer une visite à la médecine du travail et je lui ai dit que j'étais séropositif.

yogui71
Je suis sous traitement depuis 5ans 1/2 et ça ne m'a posé aucun problème avec mon job(personne ne sait pour moi). Il faut dire que j'ai la chance que les traitements actuels ont très peu d'effets secondaires. Mon travail me permet de pouvoir prendre mes rendez-vous 2 fois par an sans que ça me pose de problème.
Au taf personne ne sait pour ma séropositivité, même pas la médecine du travail. Je n'ai jamais vu la médecine du travail de toute ma carrière. Je n'ai jamais eu d'arrêts de travail à cause du VIH. J'imagine que les traitements d'il y a 20 ans ont laissé ont eu des conséquences que certains payent encore aujourd'hui. J'espère qu'avec les nouveaux traitements ces problèmes seront beaucoup moindres.Je me sens par moments plus fatigué qu'avant mais je ne sais pas si c'est mon traitement ou tout simplement le fait que je vieillis.

Tom Sawyer
Je n'ai pas participé au chat, mais je tiens à partager en quelques mots, mon expérience sur le sujet. Je suis séropositifs et sous traitement depuis trois ans. Des horaires à rallonge (journées ou nuits de 12 heures) très variables et décalées. Donc une fatigue induite par ce rythme(depuis toujours), et un peu plus depuis ma séropositivité, mais j'arrive à gérer, en dormant plus qu'avant pour récupérer. Ca se passe bien avec la médecine du travail, qui m'a proposé sans hésiter quelques aménagements pour mes horaires (pas plus d'une nuit par semaine : c'est déjà ça de pris). Un avantage des horaires décalées : plus de souplesse pour les rendez-vous médicaux, mais à part le VIH j'ai pas d'autres maladies à gérer, donc deux rendez-vous par an pour les prises de sang et visite médicale avec l'infectiologue, ça va ... c'est pas vraiment une contrainte.

Les Anonymes
J'ai un bon docteur et quand ça ne va pas elle m'arrête. Avec la médecine du travail je peux demander un poste aménagé mais pas envie car je me sens capable d'assurer. Ca dépend des boulots, je suis bien encadrée par la médecine du travail (je suis fonctionnaire dans un musée). Si je suis vraiment trop fatiguée je peux demander d'être en longue maladie ou à mi-temps pour l'instant je tiens. Mais je peux comprendre que ce n'est pas facile quand la fatigue s'installe. Tout dépend de combien de temps on prend le traitement : moi depuis 1992, mon corps est épuisé.
J'ai un collègue qui part 1/2 heure avant tout le monde car poste aménagé, pour les femmes enceintes aussi.
J'ai un contact avec le public du monde entier, ça pourrait être dangereux(microbes).
C'est compliqué à gérer entre le travail, les rendez-vous médicaux, le kinésithérapeute, le dentiste...
J'ai vu un psychologue et je me suis remise au sport.
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VIH et travail : tant que la santé est bonne c'est pas un souci mais quand la santé commence à décliner cela a engendré une bonne fatigue et des douleurs(mal de dos). Pas facile à gérer vu que les médecins ne donnent pas facilement des arrêts maladie, ou alors très courts 3 jours d'arrêt. Pas facile de se remettre sur pied. J'attends une réponse du médecin du travail, mon employeur doit me proposer un emploi adapté mais d'après le médecin du travail ça sera impossible
car dangereux pour ma santé : -15 degrés l'hiver on a déjà eu et 38 degrés l'été dans l'atelier. J'avais demandé à mi-temps il n'ont pas voulu il m'ont mis direct en longue maladie. Pour ce qui est de la fatigue j'ai résolu le problème en faisant une réduction de trithérapie mais bon j'aurai du le faire il y a 10 ans. Je faisais mes bilans le matin à 7h30 avant le boulot. Je ne l'ai dit à personne au boulot(je prenais mes traitements en cachette), j'en ai parlé à la médecine du travail qui m'a bien aidé. Si tout le monde était en allègement dès que possible on pourrait travailler sans problème comme tout le monde.
Dès qu'on prend un traitement à la pharmacie tout est inscrit dans les logiciels, ils peuvent voir les médicaments que tu as déjà pris. J'ai demandé à la pharmacie de me sortir tous les médicaments que j'ai pris chez eux, ils me l'on sortie depuis 2007 même la trithérapie.
Je me suis mis au sport, j'ai pas vu de psychologue.

Pour conclure
Peu de participants, mais des statuts professionnels variés lors de ce débat : des indépendants, chefs d'entreprise, salariés du privé ou fonctionnaires. Aucun des participants n'a parlé de sa séropositivité à son entourage professionnel, et en ce qui concerne d'en parler à la médecine du travail c'est fifty fifty. On sent encore de nos jours, que le VIH reste un sujet tabou dans le monde du travail. Chacun gère comme il peut les effets de la maladie et/ou du traitement (fatigue, douleurs), mais on ressent bien la volonté de tenir le plus longtemps possible au travail. Quand aux aides et solutions pour aider à concilier VIH et vie professionnelle le sport pour, une aide psychologique, la médecine du travail. L'allègement thérapeutique, une solution, qui dans un avenir proche pourrait permettre aux séropositifs de tenir plus longtemps au travail grâce à la réduction des effets secondaires induits par les traitements.

Merci à vous tous pour votre participation et de votre attention.
Cordialement Tom.