VIH : pas de traitement adapté pour les enfants

17 Décembre 2018
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Le 3 décembre dernier, Médecins sans frontières (MSF) a dénoncé « l’incapacité des sociétés pharmaceutiques à développer rapidement et à rendre disponibles des formulations appropriées de médicaments anti-VIH pour les enfants ». Dans un communiqué, l’ONG rappelle que ses équipes « sont témoins des difficultés des pays en développement à fournir aux enfants séropositifs les traitements recommandés par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), car les versions pédiatriques des médicaments antirétroviraux qui les composent n’y sont pas disponibles ». « Les sociétés pharmaceutiques ne considèrent tout simplement pas les enfants séropositifs comme une priorité. Nous devons donc utiliser des traitements plus anciens et sous-optimaux, ce qui les empêche de suivre correctement leur traitement. Pire, l'augmentation de la résistance aux médicaments anti-VIH existants dans les pays d'Afrique subsaharienne signifie que les traitements plus anciens risquent de ne pas fonctionner. Il nous faut de meilleures options de traitement pour les nourrissons et les enfants aussi », explique ainsi le Dr David Maman, coordinateur médical de MSF au Malawi. « Combien de temps les enfants séropositifs devront-ils continuer à souffrir ou à mourir à cause de ce manque d’intérêt et d’investissement ? », interroge le médecin. Le VIH pédiatrique demeure une maladie négligée, point MSF. Le marché des médicaments anti-VIH pédiatriques reste très modeste,  ces traitements « n’ont donc jamais été une priorité, ni pour les grandes sociétés pharmaceutiques, ni pour les producteurs  de médicaments génériques ». Résultat ? « Le développement et l’introduction de nouvelles formulations de médicaments pédiatriques,  l’extension des formulations existantes connaissent donc un inacceptable retard ». Médecins sans frontières cite l’exemple du dolutégravir (Tivicay), recommandé par l'OMS comme traitement de première intention pour les nourrissons et les enfants, et dont l'utilisation a été approuvée pour la première fois chez l'adulte en 2013, n'est toujours pas disponible pour les enfants, car la société pharmaceutique ViiV Healthcare n'a pas encore finalisé les essais nécessaires et enregistré une formulation de comprimé dispersible pour les jeunes enfants, indique le communiqué de MSF. « Un autre médicament clé, le raltégravir, existe déjà sous forme de granulés pédiatriques, mais le groupe pharmaceutique Merck a tardé à l'enregistrer dans les pays en développement ». « L’alternative au dolutégravir recommandée par l’OMS est l’association lopinavir / ritonavir, mais le développement de sa formulation pédiatrique a également fait face à de nombreux obstacles. Les fabricants de génériques Mylan et Cipla ont été très lents à développer l'offre de formulations pédiatriques (pastilles et granules) pour remplacer le précédent sirop au goût désagréable, et leur prix est trois fois plus élevé », dénonce MSF. L’ONG rappelle qu’il y a un an des « représentants d'organisations de santé mondiale et des dirigeants de sociétés pharmaceutiques » s’étaient « engagés à améliorer l'accès au traitement des enfants et des adolescents vivant avec le VIH, mais très peu de progrès ont été accomplis depuis ». L'OMS recommande que « tous les enfants dont l’infection a été diagnostiquée  commencent immédiatement un traitement antirétroviral. Mais sans formulations optimales de médicaments anti-VIH pédiatriques, les pays continueront à ne pas pouvoir mettre en œuvre correctement cette recommandation ». Aujourd’hui, la couverture thérapeutique des enfants vivant avec le VIH demeure « inacceptable » - seuls 52 % des enfants séropositifs recevaient un traitement en 2017- mais  la moitié d’entre eux enfants continuent de recevoir des schémas thérapeutiques sous-optimaux, ce qui les expose à un risque accru d'effets indésirables, de résistance et d'échec du traitement. En Afrique subsaharienne, où vivent 90 % des enfants vivant avec le VIH, le taux de résistance aux médicaments anti-VIH existants, y compris la névirapine et l'efavirenz, est important, note MSF. Le taux de mortalité chez les enfants vivant avec le VIH reste élevé, en particulier au cours de leurs quatre premières années de vie. En 2017, les infections associées à la phase avancée de la maladie, le sida, ont tué 110 000 enfants dans le monde, rappelle l’ONG.