Le calvaire des homos au Sénégal

Publié par Mathieu Brancourt le 06.09.2013
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Mode de viehomophobie

Alors que l’assassinat d’Eric Lembembe, figure militante au Cameroun, est toujours dans les têtes, deux activistes venus du Sénégal ont pu, à Paris, s’exprimer sur le regain d’homophobie dans leur pays. A travers leur récit, c’est le quotidien des LGBT africains qu’ils ont présenté. Des histoires de vie, brisées par la haine et les préjugés.

Ils ne veulent pas être pris en photo. Ou plutôt ils ne peuvent plus. "C’est devenu trop dangereux, même pour moi qui suis officiellement sorti du placard dans mon pays. Me faire prendre en photo, c’est un risque supplémentaire". Djamil Bangoura, membre de l’association de défense des droits des homosexuels, Prudence, a pu rendre compte du climat de haine anti-gay au Sénégal, dans un pays où l’homosexualité est toujours pénalement répréhensible. Lors de son passage à Paris avec son collègue Diadji Diouf, également sénégalais, ils ont illustré par de tristes et durs exemples la brutalité quotidienne à l’encontre des LGBT en Afrique.

Opprobre social

Futurs membres du collectif Africagay contre le sida (un collectif d’organisations luttant contre les discriminations liées à l’orientation sexuelle en Afrique et la lutte contre le VIH/sida), les deux activistes ont, face à des journalistes et militants français, raconté l’horreur vécue par les homosexuels dans leur pays. "La violence est partout : dans les prêches des imams, les déclarations des anciens, mais aussi parmi la jeune génération. Il y a aussi des jeunes qui affirment que les homosexuels sont responsables de tous les maux, jusqu’aux mauvais résultats du dernier match de foot du quartier", raconte Djamil. Digne, il énumère les situations d’une homophobie ordinaire. Une tombe d’un gay séropositif profanée, dont le corps fut ensuite jeté à même le sol devant la maison de sa famille. Des hommes passés à tabac et jetés hors d’un autobus, parce qu’ils ont été "reconnus" ou encore des travestis lynchés en pleine rue durant un marché. Là-bas, opprobre social et stigmatisation rendent impossible toute sociabilité ou geste d’affection en public. Mais le danger peut aussi venir de l’Etat, aux pratiques barbares et cruelles. L’histoire de Diadji en est une preuve parlante.

Homophobie d’Etat

Le 19 décembre 2008, dans l’anonymat d’un appartement de Dakar, il mène une action de prévention à destination des rares gays ayant eu le courage de s’y rendre. Président de l’association de lutte contre le sida AIDS Sénégal, Diadji est alors en train de faire une démonstration de pose d’un préservatif. "Il était 22 heures quand la police sonne à la porte. Nous étions huit membres de l’association à ce moment. Nous avions été dénoncés et sommes alors arrêtés et embarqués au poste de police". Le cauchemar commence. Maltraités et roués de coup sans relâche, ils seront enfermés pendant cinq jours, sans nourriture ni accès aux toilettes. "Je n’ai même pas pu prévenir ma famille ou des amis militants pour leur demander de l’aide". Les forces de l’ordre se passent le mot et d’aucuns ne manquent de venir admirer la "belle prise" de leur collègues. "Des policiers d’autres commissariats venaient au poste, juste pour nous frapper", raconte-t-il.

A aucun moment il n’a pu contester le procès verbal. Il est donc rapidement traîné devant les tribunaux pour "attentat à la pudeur", "association de malfaiteurs" (sic !) et, sans surprise, "délit d’homosexualité". Après une parodie de procès, il est condamné en janvier 2009 à huit ans de prison pour les deux derniers chefs d’inculpation. Diadji passe quatre mois en prison. 120 jours d’enfer. "Durant ma détention, j’ai été agressé verbalement et physiquement. J’ai également été violé", confie ce grand gaillard, tentant de dissimuler son émotion. Il essaye de prévenir ses amis et les organisations internationales, qui arriveront à le faire sortir de prison. Mais son calvaire ne s’est pas arrêté aux portes du pénitencier. L’affaire se médiatise et, à peine libéré, les journaux donnent le nom et l’adresse de l’activiste en pâture. "Je ne pouvais pas rester dehors sans me battre". Car le climat de haine aboutit à une situation kafkaïenne : "Il était plus dangereux pour moi d’être libre qu’en prison". Par la suite, Diadji se fait vandaliser ses affaires et son matériel, agresser dans le bus et même poignarder par des homophobes. Il quittera un temps le territoire sénégalais, tant le péril était grand.

Choix de vie

Que faire alors ? Fuir vers de meilleurs hospices ou continuer à défendre, chez soi, les droits fondamentaux d’une minorité opprimée ? Les deux activistes ont fait leur choix, mais ne nient pas le dilemme qui s’est présenté : "Nous pouvions partir et vivre vraiment, où continuer à militer pour nos droits, sans alliés ni financements", résume Djamil. Ils sont restés. Car le combat est double. "D’abord, il faut donner un visage à l’homosexualité sénégalaise, alors que beaucoup disent que ce n’est pas dans notre culture", explique-t-il encore. Mais c’est aussi pour enfin pouvoir se battre efficacement contre le sida, dans un pays où la prévalence du virus dépasse les 20 % chez les gays. "On ne peut pas lutter contre le VIH sans reconnaître l’homosexualité et ses spécificités en matière de prévention. Il faut donc la dépénaliser pour arrêter les discriminations et permettre aux personnes d’accéder aux soins", défend ardemment Diadji. Ce dernier raconte qu’avec la recrudescence de l’homophobie, près de seize personnes ont quitté l’association et, de fait, n’ont plus accès aux antirétroviraux qu’elle leur fournissait. "C’est une forme de suicide, car sans traitement, il n’y a pas de vie". Il ajoute, las : "Pour eux, cette vie de secret ou de rejet ne vaut pas d’être vécue".

Commentaires

Portrait de Felix77

Mais je voudrais savoir pourquoi, suite à l'appel au meurtre des cardinaux africain contre les gays, passé cette hiver à la télé, n'y a-t-il pas eu de plaintes devant les tribunaux de Lahaye, ni de condamnation du pape sur ces propos public choquant, me rappelant le nazisme !

Rien que pour cela, si j'avais été le représentant d'une vrai république démocratique laïque et non bananière comme la France, j'aurais dissous cette secte dans mon pays et expulsé les responsables au Vatican, avec interdiction de remettre les pieds dans ma nation civile !