Paroles, paroles et paroles !

Publié par jfl-seronet le 16.02.2016
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Il paraît que l’ouvrage connaît le succès en librairies. Aujourd’hui, quelque 70 000 exemplaires de "La France pour la vie" auraient été vendus...

C’est évidemment un succès pour l’ancien président de la République qui terrasse ses challengers (François Fillon, Alain Juppé) dont les ouvrages politiques se vendent moins, beaucoup moins. A ce jour, seul Philippe de Villiers le bat avec plus de 230 000 exemplaires de son essai "Le Moment est venu de dire ce que j'ai vu" vendus en quelques mois. Un succès donc pour celui qui n’est pas forcément connu comme auteur… mais plutôt comme acteur. Et il en faut du talent de comédien pour aller à Canossa, se mordre deux fois la langue et expliquer qu’on s’est fourvoyé en hurlant contre le mariage pour tous… et qu’on a encore eu tort d’affirmer, devant un parterre d’homophobes patentés, qu’une fois revenu au pouvoir, on abrogerait la loi Taubira. C’est ce que Nicolas Sarkozy a expliqué lors de l'émission "Des paroles et des actes" sur France 2… enfin dans son style à lui. Pour faire court, l’homosexualité est "une affaire difficile et sensible qui engage la souffrance de beaucoup de personnes". "On ne choisit pas son identité sexuelle. On ne la choisit pas, on choisit de l'assumer" et magnanime d’ajouter : "Je suis né hétérosexuel, je n'en ai aucun mérite". Dans son livre, il écrit : "Il ne saurait être question de démarier les mariés, ce serait injuste, cruel et en outre juridiquement impossible". Puis il lâche "le remède serait pire que le mal". Très élégant !

Bien sûr, on peut changer d’idée en politique, penser blanc un jour, puis noir quelques mois plus tard. On peut y voir le signe d’une réflexion, d’un cheminement, d’une évolution personnelle. Mais pour que la démarche reste crédible, il ne faut pas que ce soit sur tous les sujets et tout le temps. Sinon, l’artifice pointe sous les atours du pragmatisme, le calcul sous la vision politique. Et la girouette tient lieu de boussole de la pensée.

Autant le dire, la sortie début février, de surcroît répétée d’interview en interview, de Nicolas Sarkozy contre le paquet neutre de cigarette, c’est clairement ce qu’on peut faire de pire dans le genre changement de pied ; du pur calcul électoral. L’ancien président de la République qui a régulièrement cajolé les buralistes (électoralement, c’est porteur) ne cesse de dénoncer depuis des semaines la création du paquet neutre de cigarettes. Cette mesure votée dans la loi Santé en 2015 entre en vigueur en mai 2016. Dans un discours lors d’une journée de travail des Républicains à propos de l’agriculture et de la ruralité, l’ancien président a dénoncé le paquet neutre et, jouant sur un public conquis de représentants agricoles remontés comme des coucous, procédé par amalgames. Voici ce que cela donne : "Si nous acceptions le paquet de cigarettes neutre, dans six mois, on vous proposera la bouteille de vin neutre, et c'en sera fini de nos appellations, c'en sera fini de nos terroirs, c'en sera fini de la défense de nos savoir-faire. Vous aurez demain des intégristes qui vous demanderaient la bouteille neutre. Puis le fromage neutre".

Le propos est mensonger puisque personne n’a jamais envisagé cela. Il procède par amalgames en faisant croire que vigne et tabac, c’est pareil dans le patrimoine français. Ce qui est faux. Il caricature en faisant passer une mesure de santé publique pour une attaque contre la tradition. Outrancière, assez grotesque, cette intervention a été très critiquée par les acteurs de santé publique et ceux qui s’y intéressent. Médecins et présentateurs du "Magazine de la Santé" sur France 5, Michel Cymes et Marina Carrère d’Encausse ont vertement dénoncé le discours de Nicolas Sarkozy : "Alors, Monsieur Sarkozy, sachez, un, que le tabac tue, que l'alcool ne tue qu'en cas de consommation excessive mais que le fromage ne tue pas. Deuxièmement, en France, la culture de tabac ne représente que 200 hectares, vous en conviendrez, il est très étrange d'associer la notion de terroir à un produit mortifère. Troisièmement, ce qui est blessant pour les acteurs de la santé, c’est de se faire traiter d’intégriste quand on défend des mesures de santé publique."

Pourtant défenseur de la santé publique, Nicolas Sarkozy a également dû l’être lorsqu’il était président de la République. Ainsi en 2009, à Marseille, Nicolas Sarkozy présente le Plan cancer 2009-2013 et les mesures qu’il préconise. Il y parle même tabac… et alcool. Avec son plan, le tabac doit être plus cher. Le prix du tabac va subir une hausse de 6 %. "En période d'inflation nulle, c'est une forte progression" déclare-t-il alors. "En 2010, le remboursement des substituts nicotiniques sera porté de 50 à 150 euros pour les bénéficiaires de la couverture maladie universelle (CMU) et pour les femmes enceintes", avance-t-il. Mieux lutter contre l'usage du tabac, c'est aussi prévoir des avertissements visuels sur les paquets "atténuant l'image positive de la cigarette", indique alors Nicolas Sarkozy. Pour ce qui est de l'alcool, "en 2011, la quantité d'alcool devra être indiquée sur chaque bouteille"… Bien sûr, il n’était pas question du paquet neutre, mais le chef de l’Etat n’entretenait pas alors la confusion au point de faire passer des mesures de santé publique pour des attaques contre la paysannerie française. Il n’agissait pas par calcul ou démagogie. Non, à cette époque, indiquant qu’il affectait 750 millions d'euros au Plan cancer, il expliquait : "Je n'ai pas le droit de faire des économies sur la souffrance des patients et de leurs familles".

Aujourd’hui, il rejette une mesure qui sera utile à la montée du tabagisme en France. Il oublie juste que le tabac cause la mort d’environ 78 000 personnes par an en France. Mais qu’est-ce que cela pèse contre les cris des buralistes… lorsqu’on veut revenir au pouvoir ?

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Portrait de hellow

C'est quand qu'on va où ?!