Je suis née avec le VIH, pour moi c’est comme un packaging

Publié par Aline le 31.10.2016
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Je suis séropo depuis 26 ans et j’ai 26 ans. J’habite en province et enfant j’étais suivie à l’hôpital Necker à Paris une fois par an. Là-bas, ils m’ont expliqué que j’avais le syndrome d’immunodéficience acquise. Je ne savais pas ce que c’était mais je ne posais pas plus de questions que ça, je l’avais intégré tout simplement. J’ai commencé les traitements au biberon et depuis je ne les ai jamais arrêtés. Enfant j’avais du mal à les prendre puis à l’adolescence j’ai compris leur intérêt pour vivre une vie normale.

Mon père était bisexuel, il a transmis le VIH à ma mère qui me l’a transmis. Ma sœur aînée qui a sept ans de plus que moi est séronégative. Ma mère a appris sa séropositivité, dans une salle d’attente pleine de monde, lors de sa première échographie alors qu'elle était enceinte de moi. On ne lui a pas donné de traitement ; en 1990 on n’avait pas assez de recul et peur de faire prendre des risques au bébé. Je suis née avec le VIH et on me donnait 6 mois à vivre. Mon père est décédé une semaine après ma naissance. Il avait arrêté de prendre son traitement. Quand m’a mère me l’a expliqué, j’en ai voulu à mon père puis avec les années, j’ai respecté son choix. Je n’étais pas à sa place, je ne peux pas savoir ce qu’il a vécu. C’est dur d’avoir grandi sans père mais c’est encore plus dur pour ma sœur parce qu’elle l’a connu et partagé des choses avec lui. Elle a des souvenirs que je n’ai pas.

Ça n'a pas toujours été facile pour moi à l’école, particulièrement en maternelle et en primaire. Je ne pouvais pas nommer ma maladie, alors que tous les autres enfants parlaient naturellement d’un rhume, d’une angine ou d’une varicelle. Les enfants ne sont pas tendres entre eux, ils m’appelaient le virus. On a déménagé quand j’étais en CE1 et ça été l’espoir pour moi d’un nouveau départ à l’école. Ça n’a pas vraiment été le cas… il a fallu que j’attende mon entrée au collège pour que les relations avec mes camarades de classe s’apaisent. Peut-être parce que j’avais grandi et que la mentalité des ados est différente. C’était plus facile d’en parler aux autres bien que je me sois confiée à des personnes que je pensais de confiance alors qu’elles ne l’étaient pas. On fait des choix pas toujours judicieux, c’est comme ça qu’on apprend. J’essaye toujours de le dire à un moment donné sauf quand je vois que la personne n’est vraiment pas en capacité de l’accepter. Je me laisse du temps pour bien connaître la personne, parfois ça peut prendre des années.

J’ai développé une technique pour l’annoncer. Je m’inspire d’un cours que j’ai eu enfant qui expliquait la fonction du cœur humain à l’aide de métaphores : J’ai une maladie qui dort en moi et les traitements que je prends l’empêche de se réveiller et grâce à eux j'ai une charge virale indétectable, ce qui m’empêche de transmettre la maladie. C’est aussi simple que ça et je le vis très bien.

Je suis très chanceuse et particulièrement dans ma vie amoureuse. Il faut dire que je n’ai aucune notion d’une vie sans séropositivité. Je suis en couple depuis dix ans et toujours avec le même garçon. J’ai tout de suite trouvé le bon ! Au début de ma relation, on a pris ensemble rendez-vous avec mon médecin pour échanger avec lui autour du VIH et de la vie avec. Un jour le préservatif s’est déchiré, on s’est rendu aux urgences pour qu’il prenne un traitement post-exposition. Les résultats des tests ont été envoyés par erreur chez ses parents. Sa mère s’est doutée de quelque chose et c’est comme ça que sa famille a appris que je vivais avec le VIH ; ce n’était pas l’idéal. Sa mère a pleuré, d’abord pour moi puis en pensant aux petits-enfants qu’elle n’aurait pas. Mon copain lui a expliqué, maintenant elle a compris et elle est rassurée. Ça a été plus difficile pour mon beau-père, et plus long aussi, pour qu’il accepte mais maintenant ça va. Je leur ai donné de la documentation pour les rassurer. C’est la méconnaissance qui fait peur aux gens, et c’est vrai pour tout d’ailleurs.

Depuis un an, on essaye d’avoir un enfant. Au début on l’a fait avec la méthode de la pipette mais plus maintenant. Mon médecin a expliqué à mon copain, courbes à l’appui, que j’avais une charge virale indétectable et qu’il n’y avait pas de risque de transmission possible. Maintenant on a des rapports non protégés mais pas forcément tout le temps.

Bref, j’ai une vie tout à fait normale, je travaille à trois quart temps en maison de retraite, je fais du sport et je suis amoureuse.

Propos recueillis par Sophie Fernandez

Commentaires

Portrait de Butterfly

Waow quel courage qd mm ... mais tjrs du tabou a le dire .. et vivre depuis la naissance avec ds médicaments c pas évident ! mais l'histoire est jolie un vrai roman .. sauf le début ou le père n'a plus supporté son vih mais on peut pas lui en vouloir ct son choix égoiste certes mais c la vie. Elle va monter une petite famille c courageux - Sacré histoire -

Portrait de Gaspard

Une existence pleine de courage, une leçon de vie. Alors je te souhaite que cet amour dur très longtemps et que cet enfant tant attendu arrive très bientôt

Portrait de vaéa

Bonjour, tu as un joli parcours mes félicitations!!je te suis admirative!en te lisant j'ai eu des larmes!!Une belle leçon de vie!

Je souhaite de tous coeur que tu auras l'enfant tand attendu ca sera le plus beau cadeaux!

Recois mes salutations!

amicalement vaéa!

Portrait de Exit

Merci de ce partage.

Portrait de francis20250

pour ton parcour de vie a aujourdh'ui , continue comme ca je te souhaite d'avoir un beau bébé courage a vous deux gros bisous  

Portrait de jéromiade

Bonjour et merci de ce vibrant témoignage qui tombe à pic pour moi qui recherchais et espérais rencontrer un vécu pareil dont mon fils encore petit(10 ans ) aura bien besoin d'apprendre moi qui apréhende le moment où il me faudrait lever le suspense ,

Aline ,je vous demande de me laisser votre MP pour que je puisse échanger un peu avec tous ,,car votre témoignage m'intéresse beaucoup .

je vous remercie d'avance