Les chroniques du poumon [Je suis un homme heureux]

Publié par Kitsune le 27.11.2017
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Je me refuse à être malheureux malgré les pathologies qui sont les miennes : je pourrais me plaindre, m'apitoyer sur mon sort, prendre le Ciel pour responsable, les autres, ce garçon avec qui un soir le vih est entré dans ma vie (comment voulez-vous que je lui en veuille ? J'étais là aussi ! Finissons-en avec cette irresponsabilité sans nom qui voudrait qu'il n'y ait que des victimes !), la vie, le Destin (quelle Galéjade ! qui mérite bien, tant elle est forte à l'instar de ce Destin qui ne veut rien dire si l'on s'en tient à une vision pragmatique des choses, une majuscule !), inculper le cours des choses, reprocher aux gens leur vision de l'existence, leur manque de compassion ou empathie, m'attarder sur le regard que portent sur moi personnel médical et intervenants de tout ordre, faire de ce qui n'est pas moi ou mien la source de mes maux.

Je vaux et vis fort heureusement mieux que cela : responsable jusqu'au bout des ongles (y compris des doigts de pieds), je me fais fort de gérer chacun des aspects des désagréments inhérents à ce qui me touche tant physiologiquement, psychologiquement que matériellement.

J'ai la chance d'avoir l'intelligence et la reconnaissance nécessaire à appréhender chaque jour nouveau à l'aune de ce qu'il est, doit et peut être. Je vis un été sans fin, des grandes vacances éternelles, une atemporalité qui me permet d'être en phase avec les gens que j'aime et qui m'aiment. De comprendre, d'être à même d'entendre, d'avoir ce suprême privilège qu'est celui d'avoir le temps de la réflexion sur lequel l'affection ou l'amour saupoudrent leurs formidables bienfaits.

J'ai arrêté de courir (je ne le puis de toute manière plus !), revu un certain nombre de mes acquis, pré-requis, certitudes : poser un regard nouveau car débarassé des habitudes sur ce que fut sa vie permet de jauger et juger de l'inutilité d'un certain nombre d'actions, choses, partis-pris, engagements quels qu'ils soient.

Il n'est pas nécessaire d'attendre ou atteindre le crépuscule de son existence pour prendre conscience des choses.

Je vous souhaite le même bonheur.

Commentaires

Portrait de Kitsune

Débarrassé : je ne sais pas ce qui m'a pris d'ôter de l'r à ce débarras...

Le débarras devait sentir le renfermé.

Portrait de Cmoi

"Même si le bonheur t'oublie un peu, ne l'oublie jamais tout à fait." 

"Il faudrait essayer d'être heureux, ne serait-ce que pour donner l'exemple." 

Portrait de Dakota33

Salut,

Jolie façon de voir la vie ! Dans ce monde d'opulence où on a tout ce qu'il faut mais ou l'on n'est pourtant jamais satisfait de ce que l'on a, où l'on cherche toujours à avoir plus, jusqu'à vouloir l'inaccessible, on en oublierait presque que le bonheur est à portée de main, dans les choses simples de la vie.

Portrait de Kitsune

Ah décidément, mes connections synaptiques connaissent toujours plus de déficiences ! Ajoutez à cela mon esprit d’escalier (qui me rend cependant cette fois encore service) et vous avez ce résultat assez incroyable du rédacteur qui est obligé de revenir à la charge en tant que lecteur-correcteur (je deviens malheureusement coutumier du fait : pensez-vous que je devrais m’auto-rétribuer pour ce travail ?).

Ainsi donc, un plus un faisant deux, mon « nécessaire » se doit d’être « nécessaires ».

Après avoir perdu un r, voilà qu’un s a pris la poudre d’escampette (pourquoi pas d’écampette tant que j’y suis ?!).

Quelqu’un voit-il, dans cette suite alphabétique, un t qui m’aurait échappé, se serait fait la malle, aurait été employé mal t-à propos ?

C’est promis : je vais désormais tâcher de tourner sept fois mes yeux dans leurs orbites avant de publier !

Autre point : je prends conscience de ce que mon billet peut sembler triomphaliste d’un certain point de vue. Il n’est, croyez-m’en je vous en prie, en rien une leçon de vie, un argumentaire pontifiant jeté à la figure des séronautes qui ont la gentillesse de me lire, un bisque-bisque-rage de cour d’école ou je ne sais quoi d’autre d’imbécile ou malvenu.

Ce billet est un constat : chaque mot en a été pesé.

Il est une chose que vous ne savez pas et que je me dois de préciser : je fais partie des inactifs et, pensionné en invalidité, suis à l’abri des coups du sort. Alors, même si je dispose de tous petits moyens, j’ai la chance d’être confortablement logé, suis au chaud les jours de froid et de pluie, mange très bien et à ma faim chaque jour, puis me tenir propre au quotidien et, surtout, ne suis aujourd’hui plus entouré que de bienveillance, affection et amour.

Voilà pourquoi je sais être un très grand privilégié (je n’ai aucune attirance pour le pathos et réfute d'emblée les stupidissimes accusations qui pourraient m'être faites d’être pseudo-naïf, inconscient ou fuyant le réel) : je me lève chaque jour en songeant à ceux (y compris bien sûr parmi mes proches) qui doivent encore batailler pour faire rentrer un salaire, affronter les rigueurs du climat pour se rendre au travail, sont obligés au quotidien de négocier, peuvent encaisser de sales coups, subir des agressions verbales quand elles ne sont physiques, doivent faire face à la connerie humaine. Je pense aussi à tous ceux dans la détresse financière dont la seule aspiration est sortir la tête de l’eau (sdf, surendettés, mal logés, affamés, etc).

Alors oui, bien que ma condition physique soit ce qu’elle est, j’ai la chance de pouvoir au quotidien saisir la beauté d’un instant, d’un ciel, d’un paysage, d’un sourire, d’un regard, d’un vol d’oiseau, d’un bourdon en train de butiner il y a encore quelques jours à peine.

Une personne séronetienne le sait : j’aime, le dimanche soir lorsqu’il pleut et qu’il est 23h30 passées, regarder par la fenêtre la rue déserte et les gouttes se dessiner une à une dans le halo du réverbère tout proche. J’ai, à chaque fois, des pensées pour ceux que j’aime et tous les gens de bonne volonté.

Portrait de Kitsune

Jamais deux sans trois : ce sont bien, pour le coup, mes connexions qui m'ont fait défaut.

(je remets 100 Francs dans le nourrain)