Menacés, nous avons l'exigence vitale...

Publié par Rimbaud le 18.01.2018
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          Il faut savoir qu’on va mourir pour ne pas être dans un rapport narcissique, démesuré et vide avec la vie. Ce n’est pas le carpe diem surexploité et apauvri. Ce n’est pas l’hédonisme oublieux et corporel. Je parle d’une justesse du regard, d’une distance qui ne soit ni retrait, ni collante ou poisseuse. La mort réalisée, presque adevenue, consentie, nous oblige à une intelligence de la vie nommée philosophie. Les écrivains étaient souvent malades, jeunes, persécutés par la menace de l’arrêt, de l’interruption incompréhensible, de cette possibilité d’un anéantissement dès les premières années. Dès lors, il s’agit de saisir, d’embrasser, non dans une idéalisation idiote de conte de fées pour humanité atardée, mais bien au contraire, dans le souci permanent d’une approche respectueuse, comme on caresse du bout des doigts un chat endormi, comme on dépose une couverture sur le corps aimé, comme on guette l’éclosion du printemps ou les derniers rayons du soleil de Killary Harbour qui font voler les poissons hors de l’eau. Ce n’est pas de la méfiance, de la suspicion ou de l’amertume. C’est une douceur aimante qui démultiplie le regard, qui livre les sensations inconnues, qui brille et qui se tient hors des illusions et des peurs qui font dévier, qui calfeutrent, qui retiennent et qui gâchent.

            Dès lors, tout est possible et les limites sont repoussées. L’exigence est totale car la certitude ne souffre pas le rejet au nom des codes, au nom d’une morale aux fondements oubliés, au nom d’un avarisme sec et stérile. Les contraires coexistent. Tout émigre au cœur de l’être qui jouit des désirs contraires car oui, on peut aimer la compagnie Créole et les plafonds de la Chapelle Sixtine ; la beauté d’un nu idéalisé et les imperfections d’un homme qui nous correspond mystérieusement ; le rêve fou d’un amour éternel tout en vivant au jour le jour ; la chaleur des déserts arides et le froid polaire d’une virée à Montréal ; la tranquillité des campagnes et la folie New-Yorkaise ; la mode et le négligé ; la patience d’une maison à rénover et l’impatience de profiter ; l’ivresse et la mesure ; la tendresse et les désirs charnels ; lui et d’autres ; le hasard des inconnus et l’assurance des constructions ; la tenue du langage et la familiarité la plus vulgaire ; l’insouciance et la réflexion ; le jugement et le pardon ; la mémoire et l’oubli ; les sciences et les lettres ; le livre et la télé ; l’eau et le vin ; la pureté de la jeunesse et la richesse de la vieillesse ; cela et ceci ; ceci et cela… Tandis que vous courez de banque en banque, quand vos rêves n’ont pas la mesure du temps qu’il reste, quand vous n’êtes que réponses apportées aux exigences qu’on fait peser sur vous, je souris devant le spectacle absurde d’un monde qui se tient, fier et pauvre, dans l’oubli de sa mort à venir. Et c’est joyeux.

Commentaires

Portrait de jl06

 pour vibrer un max  (gaffe au coeur) prend donc de la criptho-monnaie ... mieux que le casino ,et surtout tu ne  pense plus à rien ....tu voyage entre le Bitc , l,éther,  le rip ...plus besoins de courir de banque en banque ,

Attention tu es en pleins Far west 

j,en oublie mon mal aux dents ....mais mon dentiste es si beau ....

Portrait de Pierre75020

Absolument d'accord, l'idée de notre fin donne à notre vie une énergie et un besoin de jouir dont tu as très bien parlé, d'accord aussi sur l'amour des contraires, et pourtant l'idée de notre propre mort nous apparaît comme inacceptable, nous la refusons, la fuyons, et plus elle s'approche plus nous la redoutons en tout cas pour ma part.

Portrait de Rimbaud

Ton message me fait douter car j'avais le sentiment de l'avoir acceptée totalement, mais peut-être que je me mens... quand je l'accepte totalement, je me sens empli d'une distance parfaite avec tout, ni trop près, ni trop loin. Ca doit dépendre des moments certainement. Je ne la fuis pas, je ne la refuse pas mais de là à l'accepter totalement, peut-être pas encore... mais j'y travaille :) (l'accepter ne voulant pas dire la désirer)

Portrait de IMIM

Je m'y suis préparée face à l'annonce qui m'est faite en 1987

Avant cette date,  je l'avais déjà provoquée et cherchée bien des fois.....consciemment ou inconciemment.....

Un toxicomane "joue" avec elle à chq instant.....Elle ne m'impressionnait pas !

 

Durant les 30 dernières années, elle va me froler bien souvent

Je pouvais sentir son souffle glacé le long de mes membres....

 

Mais à chq fois, c'est différent

Il y a eu ces moments ou je l'avais insultée, malmenée Soit elle se pointait trop près, soit parce qu'elle refusait mon "adhésion"!

Et puis au contraire, ceux ou elle m'apaisait Comme un soulagement....Je pouvais partir en paix avec moi-mm et les autres...

La sérénité...

 

Elle a manqué tellement de RDV avec moi que j'avais finit par me détacher d'elle.....

 

En vérité,  elle n'est jamais bien loin....

  Les douleurs et maux divers de ces dernières années l'ont vu rappliquer.....

Parcequ'étrangement, je n'avais pas prévu les douleurs, la déchéance physique, la solitude ..(!?!?)

Jpe pa expliquer ça! Jsè pa !!!? G vu mes potes s'afflaiblir J'ai vu ces corps décharnés tremblants de fièvre Certains perdaient la vue D'autres la tête.... Mais moi, j' pensais m'endormir un soir et ne plus me réveiller...tt simplement !!! (?)

 

La perspective de la mort m'a rendu  Libre...encore plus que je voulais l'être depuis toujours....

 

Je ne pensais pas être encore là aujourd'hui ...

.A 26ans, tu crois que t mort demain et à 57,  t toujours là ! C sur, on avait pas prévu ça !!! 

 

"G vu la mort en face plus de cent fois

J'ai oublié ce qu'est la vie"

 

C d'un poète dont g oublié le nom (dsl) Un revenant traumatisé par la guerre....

Jme suis senti très proche....

Et puis, il m'est arrivé de changer les termes : "g vu la mort en face + de 100fois, g appris ce qu'est la vie"

 

Entre l'envie de vivre et la résignation, entre la lutte et le desespoir....entre le passé et le présent,.entre l'Amour et la Haine, mon existence n'a cessé de vaciller....

 

Ma route,  entre la Vie et la Mort.........mais au bout du chemin,  La LIBERTE.....

 

Portrait de Rimbaud

Tous ces commentaires montrent combien il est difficile de se situer face à la mort, la plupart des gens préférant faire comme si ça n'arriverait pas, ou comme si ce n'était pas intéressant d'y penser, genre "bah on verra bien quand ça arrivera". Moi je préfère y penser tranquillement, posément, parce que je crois que ça permet d'acquérir une forme de sérénité. Enfin, je le vis comme ça. Je ne me sens pas du tout mourant, et c'est justement pour ça que j'ai envie d'y penser maintenant, au moment où je ne suis pas en souffrance, parce que la souffrance peut altérer le jugement.

 

C'est Apollinaire :

 

Bleuet Jeune homme
De vingt ans
Qui as vu des choses si affreuses
Que penses-tu des hommes de ton enfance
Tu connais la bravoure et la ruse
Tu as vu la mort en face plus de cent fois tu ne sais pas ce que c'est que la vie
Transmets ton intrépidité
A ceux qui viendont
Après toi

Jeune homme
Tu es joyeux ta mémoire est ensanglantée
Ton âme est rouge aussi
De joie
Tu as absorbé la vie de ceux qui sont morts près de toi
Tu as de la décision
Il est 17 heures et tu saurais
Mourir
Sinon mieux que tes aînés
Du moins plus pieusement
Car tu connais mieux la mort que la vie
O douceur d'autrefois
Lenteur immémoriale

Portrait de IMIM

Apollinaire.....jper la tête avec le reste....

Surtout que je l'ai posté, il n'y a pas si longtemps sur ce mm site.....

 

J'adore ce poème Il retransmet exactement ce que j'ai ressenti à l'époque

C t ce que je vivais

 

Jvoudrais rajouter, compte tenu du sujet initial,  que l'annonce du vih m'a fait stop. définitivement les drogues(dures) que je prenais depuis une dizaine d'année

Ca m'a fait prendre conscience de la dimension exceptionnelle de la Vie

Ca m'a permis d'oser, de me dépasser, d'aller au bout de moi mm, ds la lumière ou ds la nuit