Débriefing sur l'épidémiologie et les prochaines molécules

Publié par olivier-seronet le 18.02.2010
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CROI 2010
Mercredi : Les sessions du matin commencent à 8 heures. Les congressistes venus d’Europe sont déjà debout depuis de longues heures ; le décalage horaire de neuf heures est difficile à surmonter, mais n’empêche pas l’intérêt porté aux premières présentations.
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De huit heures à neuf heures, c’est la tradition, une immense salle est réservée pour les uniques présentations du matin. Des milliers de participants frigorifiés par une climatisation excessive écoutent bien sagement les deux experts présentant un état des lieux exhaustif des avancées dans des domaines très divers. Elain Abrams, de l’université de Columbia à New York City, a traité des avancées et des progrès restant à accomplir dans la prévention de la transmission verticale du VIH (de la mère à l'enfant). Elle a rappelé que les progrès accomplis dans ce domaine ont permis de prendre en charge 70 000 enfants en 2008 dont les mères ont eu accès aux services de santé adaptés. Cette même année, le VIH a infecté plus de deux millions d’enfants. Des progrès certes, mais largement insuffisants pour mettre un terme à l’épidémie de VIH/sida chez  les enfants.

Autre orateur, Hans-Georg Kräusslich, de l’université de Heidelberg (Allemagne), a partagé les derniers résultats de ses travaux qui tentent d’expliquer les mécanismes moléculaires qui permettent aux virus d’assembler de nouveaux virus et de les expulser des cellules. Ces mécanismes mettent en œuvre des propriétés propres aux cellules et aux virus. Le virus utilise aussi la machinerie des cellules pour produire de nouveaux virus capables d’infecter de nouvelles cellules. La compréhension précise de toutes les étapes d’assemblage, de maturation et d’expulsion de nouveaux virus est indispensable pour la mise au point de nouvelles molécules chimiques pour combattre l’infection à VIH.


Quoi de neuf pour les antirétroviraux (ARV, médicaments anti-VIH) ?
Nous en reparlerons plus en détail dans une série de brèves qui seront bientôt en ligne sur le site, mais voici déjà un tour d'horizon. Onze présentations ont été sélectionnées pour une session consacrée aux nouveautés dans les antirétroviraux et pour partager sur  les dernières avancées. La recherche dans la mise en point de nouveaux médicaments continue activement. Certains grands laboratoires à la traîne comme ViiV (une nouvelle firme pharmaceutique consacrée au VIH/sida créée par deux laboratoires : GSK et Pfizer) et B&I (Boehringer-Ingelheim) semblent se réveiller. C'est la mise au point d’un nouvel inhibiteur d’intégrase pour ViiV (le S/GSK139572) et la découverte de nouvelles entités chimiques empêchant la maturation des virus VIH pour Boehringer-Ingelheim. Ces nouveaux produits ne seront pas disponibles avant plusieurs années, mais les premiers résultats du nouveau médicament de ViiV semblent intéressants. En revanche,  les inhibiteurs de maturation de B&I sont encore à des étapes trop précoces de développement pour qu'on puisse en tirer quelque chose.

Un prochain tout-en-un
Gilead, le laboratoire leader dans le VIH/sida avec Atripla et Truvada (voir les articles de Remaides consacrés à ces traitements), poursuit sa course effrénée à la mise au point de nouveaux médicaments au potentiel de blockbusters : des produits vedettes dont Gilead espère des revenus financiers de plusieurs milliards de dollars par an. La communication autour de la mise au point de la nouvelle trithérapie du futur en un comprimé par jour a frappé. Le présentateur des premiers résultats d’efficacité "survendait" délibérément ce que l’on connaît de cette trithérapie. Cette dernière arbore le petit nom de "Quad" parce qu’elle est composé de quatre médicaments : Truvada (ténofovir et emtracitabine), l’inhibiteur d’intégrase maison (elvitégravir) et le booster maison,  le GS-9350, qui n'a pas d’efficacité anti-VIH proprement dite, mais permet une meilleure concentration d’elvitégravir dans le sang. Les premiers résultats chez quelques dizaines de volontaires séropositifs semblent encourageants et devraient  permettre de préparer les grands essais d’enregistrement d’ici à la fin de l’année. En tout état de cause, le produit vedette du congrès ne devrait pas être mis sur le marché avant 2014. Bien entendu, "Quad" semble être mieux toléré qu’Atripla.

L'aternative au Norvir, le GS-9350
Le GS-9350 a aussi été associé à atazanavir (Reyataz) pour le comparer au seul booster aujourd’hui disponible sur le marché : Norvir. Les premiers résultats, favorables, permettent eux aussi de poursuivre le développement de ce produit.

Deux autres médicaments ont été discutés, il s’agit du vicriviroc (anti-CCR5) et du darunavir (antiprotéase des laboratoires Tibotec). Pour le vicriviroc, l’analyse des résultats des essais chez les personnes en échec de traitement montrent que le médicament n’apporte pas de réduction supplémentaire de la charge virale ou d’augmentation plus importante des CD4. La principale explication apportée par les chercheurs précise que le début des essais de vicriviroc a coïncidé avec l’arrivée de produits efficaces dans l’échec thérapeutique (en particulier raltégravir et darunavir). Quant au darunavir, un essai d’enregistrement devrait permettre de proposer le médicament en une prise par jour aussi pour les personnes prétraitées ne présentant pas de virus résistant au médicament.


Dépistage et nouvelles infections
Une des sessions de la deuxième partie de la matinée du mercredi a abordé la question de l’impact du traitement sur les indicateurs permettant de voir comment évolue l'épidémie.

L'importance de la charge virale communautaire sur la dynamique de l'épidémie
A San Francisco, entre 2004 et 2008, on a observé une augmentation du nombre de gays séropositifs en traitement et une diminution de la période de méconnaissance du statut sérologique. Un calcul de la charge virale communautaire a été modélisé et estimé à 23 348 copies par ml de sang. La charge virale communautaire est la moyenne des charges virales d'une population, ici les gays séropositifs vivant à San Francisco. Elle a tendance à baisser depuis 2005, parallèlement au nombre de nouveaux diagnostics, relançant l’idée que la maîtrise de la charge virale est cruciale pour agir sur l’épidémie.

L'importance du dépistage
A Washington, la prévalence du VIH est estimée à plus de 3 %, voire 5 % dans certains quartiers (un taux équivalent à certains pays d'Afrique). Depuis 2006, une politique de santé très volontariste d'incitation au dépistage a été mise en place. L’étude a rapporté les bénéfices de cette politique. Le nombre de tests a augmenté. Le nombre de diagnostics VIH a augmenté de 17 %. Le taux de personnes dépistées n’allant pas vers les soins dans les douze mois a diminué de 23 %. Les personnes étant dépistées plus tôt, la médiane des CD4 au moment du diagnostic s’est élevée avec moins de dépistages tardifs (la médiane est la valeur où de chaque coté il y a autant de personnes, c'est-à-dire qu'il y a autant de personnes qui ont des CD4  inférieurs à la médiane que de personnes qui ont des CD4 supérieurs à cette médiane).

Une situation spécifique chez les jeunes
La cohorte (l'observation d'un groupe sur plusieurs années) des gays d’Amsterdam a permis de mesurer l’évolution de l’incidence (les nouvelles infections sur une année) et les comportements présentant un risque de transmission (pénétration anale non protégée avec partenaires réguliers sérodifférents ou occasionnels) chez 1 627 gays depuis le début de l’épidémie. L’incidence a radicalement baissé entre 1985 et 1999, puis il y a une stabilisation et une tendance à la hausse, en particulier dans le sous-groupe des jeunes gays après 1999 où l’incidence augmente de façon significative. Tous les indicateurs de comportements à risque ont augmenté de manière significative. Les facteurs indépendamment associés à la séroconversion sont un nombre de plus de cinq partenaires dans l'année, des rapports réceptifs (être passif) non protégés, un niveau d’éducation inférieur au bac et avoir déjà eu des infections sexuellement transmissibles. Les moins jeunes ont plus de risque d’être infectés par le partenaire stable, même si globalement les partenaires occasionnels représentent la majorité des sources des nouvelles contaminations.

La situation en France
Les données de modélisation de l’incidence en France ont été présentées, elles sont basées sur les données du test de dépistage désensibilisé. Ce test est proposé lors des nouveaux diagnostics pour déterminer si l’infection est récente. Les calculs montrent une incidence de 17 nouvelles infections pour 100 000 personnes et par an, avec une estimation de 1 006 chez les gays, 54 et 35 chez les femmes et hommes migrants et 6 et 4 chez les femmes et hommes français. Chez les gays, l’incidence est élevée quelque soit la période étudiée.

La situation en Afrique du sud évolue
En Afrique du sud, une enquête auprès des ménages est effectuée depuis 2002, avec questionnaires et tests VIH anonymes. Cette enquête montre une stabilité entre 2002 et 2008 de la prévalence autour de 11 %. Elle est autour de 16 à 17 % chez les adultes de plus de 25 ans. La baisse de la prévalence a été observée chez les enfants. L’augmentation de la prévalence due aux antirétroviraux qui permettent la survie est estimée autour de 1,5 %. Des modélisations ont permis de montrer une tendance à la baisse de l’incidence de 2 à 1,3 % personnes/année chez les 15-49 ans, et cette baisse est plus marquée chez les jeunes femmes. On observe, en parallèle, une augmentation de l’utilisation du préservatif et de la connaissance du statut sérologique.

Le Kenya mène l'enquête
Au Kenya, l’étude a mesuré des indicateurs dans un échantillon représentatif de 17 040 personnes, avec questionnaires et tests VIH anonymes. 56 % déclarent n’avoir jamais été testés, 83 % déclarent être sexuellement actifs, 77 % rapportent une sexualité non systématiquement protégée. Il existe une forte association entre le fait de ne pas connaître son statut sérologique et déclarer une sexualité non protégée. A Mombasa (Kenya), une analyse des comportements chez 83  gays travailleurs du sexe rapportent que 59 % ont des clients de sexe féminin avec des pratiques sexuelles qui sont majoritairement des rapports vaginaux et souvent anaux. Mais ce sont ceux qui se prostituent  exclusivement avec des hommes qui ont plus de rapports réceptifs et plus de rapports non protégés. Les prises de risque sont associées au fait de ne pas se faire payer et à des partenaires réguliers. Enfin, toujours au Kenya, une étude a cherché à déterminer le rôle des couples séro-différents dans la dynamique de l’épidémie. L’étude a voulu caractériser les facteurs associés à la séro-différence au Kenya dans un échantillon représentatif. Les résultats indiquent 90 % de couples concordants négatifs, 6 % sérodifférents, 4 % concordants positifs. Les couples sérodifférents présentent plus souvent des facteurs de risque de contamination : une moins bonne connaissance du VIH, une infection HSV-2 d‘un des partenaires, pas de circoncision de l’homme et un désir d’enfant chez les couples.


Bruno Spire, président de AIDES
Emmanuel Trénado, Secrétaire permanent de Coalition PLUS

Commentaires

Portrait de nathan

Ne s'agit-il pas plutôt du GSK13-4-9572 et non du GSK139572?

S'il s'agit en fait du S/GSK1349572 et donc d'une erreur typologique, ce nouvel inhibiteur de l'intégrase entre en phase IIb, phase qui va permettre d'évaluer la dose à partir de laquelle les effets indésirables apparaissent.

La pharmacocinétique de cette molécule montre qu'une seule prise quotidienne boostée par Norvir suffit.

La dose de 50 mg a fait chuter, chez 70% des patients naïfs testés,  la charge virale à moins de 50 cp / mL.

Phase IIa : dose ranging (evaluation de la dose efficace)

Phase IIb : évaluation des premiers effets secondaires

Phase III : évaluation bénéfices/risques et randomisation

J'en ai parlé là :

http://www.seronet.info/billet_forum/qui-prend-prezista-celsentri-isentr...

Portrait de sonia

ViiV (une nouvelle firme pharmaceutique consacrée au VIH/sida créée par deux laboratoires : GSK et Pfizer) et B&I (Boehringer-Ingelheim) semblent se réveiller. C'est la mise au point d’un nouvel inhibiteur d’intégrase pour ViiV (le S/GSK139572)

Gilead promet de dépasser l'Atripla avec la dernière quadrithérapie sous le nom de "Quad" parce qu’elle est composé de quatre médicaments : Truvada (ténofovir et emtracitabine), l’inhibiteur d’intégrase maison (elvitégravir) et le booster maison, le GS-9350.

 Donc nous avons en concurrence le nouveau laboratoire né de la fusion de GSK Pfizer, le VIIV et en face tout seul le suisse Gilead!

  • Elvitégravir ou SGSK 139572?
  •  GS 9350 ou Norvir?
  • Truvada ou ......kivexa

 Franchement c'est comme pour la grippe A, et les commandes pour les vaccins.. vous en avez pas marre de vous servir de cohortes de malades de jeter l'argent des contribuables par la fenêtre?