"Je me sentais trop nul"

Publié par Raphaël le 04.11.2011
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La découverte. Comment je l’ai découvert ? En décembre dernier, j’ai perdu 7 kilos en deux mois. Ça m’a posé question. Alors j’ai fait un test. Résultats le 4 janvier. Coup de massue. D’autant plus que j’étais à AIDES. J’étais au courant des pratiques à risques, etc. Finalement, ce n’est pas si facile, la séroconversion, quand on est militant à AIDES. Je le vis plus mal, à la limite. Je me sentais vraiment… trop nul, trop nul d’avoir fait ça. C’était un coup d’un soir. Juste une fois. Un mec que je connaissais, en qui j’avais confiance. Et qui ignorait qu’il était séropo. Je l’ai poussé à faire un test. En fait, apparemment, il l’avait depuis longtemps sans le savoir.


Le couple. Je suis en couple stable, non ouvert, depuis 10 ans. Alors, annoncer mon statut à mon copain était dur. Mais il l’a bien pris. Il m’a dit que c’était comme si j’avais une autre maladie. Ce qui était dur, c’était aussi de lui dire que je l’avais trompé. Il n’allait pas me quitter. Il m’aime tant que ça ne va pas changer quoi que ce soit. C’est juste une autre façon de vivre ensemble. Cela m’a vraiment soulagé. C’est une belle preuve d’amour. On était en dépression tous les deux depuis deux ans. Problèmes professionnels. Nous nous sommes trompés l’un, l’autre. Je ne l’ai su que plus tard. On s’est fait beaucoup de mal.


La vie après. Après, on s’est retrouvés, alors qu’on s’éloignait depuis des années. Il essaie de se renseigner au quotidien. D’être plus proche de moi, ça nous a rapprochés. Il s’investit dans les actions de AIDES à mes côtés. Il m’accompagne aux rendez-vous chez l’infectiologue, et reste dans la salle d’attente. Il aimerait venir, mais je ne sais pas s’il est prêt. Il aurait voulu venir au WES, mais là, c’est moi qui n’étais pas prêt. J’avais besoin de venir seul pour celui-là. Je ne me sentais pas prêt à tout partager. J’avais des choses à dire et j’avais peur que sa présence ne me bloque.


Le WES. Je ressors du week-end grandi. Je n’attendais pas d’autant d’effets. J’avais beaucoup de questions il y a trois mois. J’ai beaucoup évolué. Cet été, j’avais deux mois de vacances. On a fait beaucoup d’actions en Franche Comté. On a noué pas mal de liens amicaux. Cela m’a beaucoup d’apporté et je pensais que finalement le WES ne serait pas aussi utile que je le pensais.


J’ai eu les larmes aux yeux à plusieurs reprises. Ça fait deux ans qu’on a des gros problèmes financiers. Une personne hier disait qu’il fallait manger bio. Nous, on en est au point ou on n’a pas à manger jusqu’à la fin du mois. Hier, on a acheté du chocolat, on a bu un verre en terrasse. Je n’ai pas eu ma paie. Je n’avais pas d’argent.


10 jours plus tard, Raphaël revient sur le week-end.


L’après-WES. Ce WES a été une vraie révélation ! Il m'a fallu deux jours pour encaisser tout ce qui s'y était passé. Humainement, cela a été sans aucune autre mesure me concernant ! Me retrouver avec tous ces séropositifs, voir comment ils vivent au quotidien, leurs réactions face aux différents soucis qu'ils peuvent rencontrer, leur rage de vivre, ressentir leurs joies et leurs peurs, leurs envies, etc.


Plus serein. J'ai davantage été dans l'observation, en donnant de moi plus dans l'écoute, le conseil. Je me suis peu livré, par pudeur peut-être, par timidité certainement. Au sortir de ce temps partagé avec le groupe, je suis plus serein. Prêt à faire le nécessaire pour atteindre la qualité de vie que je souhaite. Et ce n'est pas ce minuscule virus qui va m'en empêcher !


Vies. Je pense que les séronegs sont peut-être peu à même de comprendre ce qu'on ressent face à la découverte de sa séropositivité. Echanger avec toutes ces personnes identiques de par notre infection, ça se fait de façon naturelle et bénéfique. Enrichissante aussi, car chacun a vécu et vit avec le VIH de façon si différente.

Propos recueillis par Renaud Persiaux