Je vis (vih) avec !

Publié par Tiffany le 08.06.2008
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Je m'appelle Tiffany. J'ai 15 ans. Je suis lycéenne et séronégative. J'habite en Saône et Loire. Je souhaite témoigner de mon quotidien en tant qu'enfant de parents séropositifs. Ma mère a, elle aussi, choisi de témoigner.
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Mes parents ne m'ont jamais caché qu'ils étaient tous les deux séropositifs. Lorsque j'étais très jeune, je me rappelle leur avoir demandé pour quelles raisons ils prenaient autant de médicaments. Ils m'ont expliqué pourquoi ils avaient besoin de tous ces traitements. Il m'est même arrivé de m'assurer qu'ils les prenaient bien. Lorsque j'avais six ans, mon père est mort du sida. J'ai eu énormément peur. J'étais jeune et je craignais qu'il arrive la même chose à ma mère. J'avais pourtant vu mon père prendre ses cachets, mais il les prenait mal. J'avais compris qu'il n'était pas bien de les prendre avec autant de vin. Ma mère m'a rassuré. Elle m'a expliqué qu'elle prenait sérieusement ses médicaments. J'avais perdu confiance en mon père, mais j'ai senti que je pouvais avoir confiance en elle. D'une certaine façon, j'ai vite compris que ma mère était différente, qu'elle était plus fragile que d'autres personnes. Mon regard sur elle a évidemment changé. Ma mère ne m'a jamais donné de responsabilité par rapport à sa maladie. Jamais, elle ne m'a dit : "Je suis malade. Il faut que tu m'aides". Pourtant, je lui donne un coup de mains pour le ménage, je prends des initiatives dans la vie de tous les jours et pas parce qu'on me l'a demandé, mais parce que j'ai décidé de le faire.


C'est dégoûtant, mais tant que la maladie ne touche pas sa famille, on s'en fout. Pourtant, cela peut arriver à tout le monde. Moi, j'ai choisi de ne pas cacher la séropositivité de ma mère, d'en parler à mes copines, de le dire à mes copains. Soit, ils acceptent et ils peuvent venir chez moi. Soit, ils n'acceptent pas et je ne les invite pas à la maison. Je n'ai pas subi de rejet direct. C'est plutôt une forme de naïveté, une certaine ignorance qui sont pesantes. Par exemple, c'est lorsqu'on me demande si je l'ai… le sida ! Tout ça parce que je vis avec ma mère qui est séropositive. Les gens sont tellement ignorants, cons pour certains, qu'ils n'arrivent pas à comprendre que des femmes séropositives puissent avoir des enfants qui ne sont pas séropositifs. Cela fait mal, mais je n'arrive pas à leur en vouloir. Il y a beaucoup de méconnaissance.


Il y a deux ans, j'ai fait partie au collège d'une commission sur l'éducation à la santé. J'ai été très déçue de voir qu'on n'y parlait que contraception et que certaines copines croyaient qu'elles pourraient éviter d'attraper le sida rien qu'en prenant la pilule du lendemain. Je m'aperçois que les choses n'évoluent pas tellement. Les jeunes de mon âge que je connais ne sont pas méchants par rapport au sida ou à l'égard des personnes séropositives. Ce sont plutôt leurs parents qui sont plus réticents.


Je n'ai jamais été rejetée du fait de la séropositivité de mes parents, mais en grandissant j'ai appris certaines choses. Ainsi, j'ai découvert que des amis proches de mes parents, des gens qu'ils connaissaient depuis longtemps et qui nous recevaient chez eux, lavaient à l'eau de javel les verres dans lesquels nous avions bu, même le mien. Cela m'a fait mal d'apprendre cela, cette peur centrée contre toute notre famille.

Parce qu'elle était séropositive, ma mère n'a pas eu de contact pendant plusieurs années avec sa famille. Cela fait seulement trois ans que les contacts ont été renoués. Je savais que j'avais un cousin que je n'avais jamais vu. Je l'ai rencontré, comme beaucoup d'autres membres de ma famille, lors d'une grande réunion familiale. La situation a changé lorsque notre famille a enfin compris que notre mère avait une relation "saine" avec ses enfants, qu'elle s'occupait bien de nous, qu'elle veillait sur sa famille. J'ai une petite sœur, elle aussi séronégative. Ma mère, comme elle l'avait fait avec moi, lui a expliqué avec toute la délicatesse nécessaire qu'elle était malade, qu'elle devait prendre des traitements. Moi, j'ai fait attention lorsque je lui ai expliqué que mon père n'était plus là. Je ne pouvais pas lui dire qu'il était mort de la maladie dont notre mère est atteinte.


C'est une évidence de dire qu'on vit avec son passé. Le mien m'a forgé. J'ai appris plus vite que les autres jeunes de mon âge. J'ai très vite pris des responsabilités. Je suis très autonome. Ce n'est pas plus mal. Je m'adapte très facilement. Je suis plus mature et je ne m'en plains pas. Je sais aussi que ma vie est différente de celles de mes copains et copines dont les papas et mamans vont très bien, qui ont une belle maison… même leur chien est parfait. Moi, je n'oublie jamais cette phrase que le médecin a dit un jour à ma mère : "Je ne vous maintiens pas en bonne santé. Je vous maintiens en vie." Cette phrase est triste, mais elle est tellement vraie.
Tiffany

 

Photo : Laurent Vincent - Cretin

Commentaires

Portrait de Vincent

très intéressant comme témoignage !

 

Bravo !!!

 

Vince 

Portrait de ulysse

Beacoup de courage dans beaucoup d'adversité.

 

"Tiffany ":

Mineure et séronégative est un bien intéressant membre de notre communauté.

 

Faisons en sorte qu'elle se sente chez elle ici.